Affaire «46 militaires ivoiriens encore détenus au Mali» : Les négociations se poursuivent, le Mali demande une aide ultime

« Au lendemain de la prise de l’embargo économique et financier de la CEDEAO contre notre pays en janvier 2022, les dirigeants de la transition avaient fait croire à la population que le gouvernement avait pris toutes les dispositions nécessaires et que le Mali tiendrait pendant dix voire quinze ans face à cet embargo. Cela a motivé la population à être résiliente parce que selon les autorités de la transition les mesures ont été prises tant au niveau des denrées alimentaires qu’au plan financier. Six mois plus tard, la population s’est rendue compte qu’il s’agissait d’une pure démagogie, rien n’avait été préparé. Les autorités de la transition avaient promis de subventionner les produits de première nécessité, en réalité, rien n’a été fait. Aujourd’hui, la situation socio-économique est catastrophique dans le pays. La  flambée des prix des produits de première nécessité et autres est incontrôlable. Les commerçants et les opérateurs économiques sont à couteaux tirés avec les autorités.

C’est la désillusion totale et la colère au sein de la population. Cette situation a porté un grand coup au capital confiance dont jouissait le pouvoir de transition du colonel Assimi Goita. L’unique aspect pour lequel la population soutient le régime de transition, c’est la lutte contre le terrorisme. L’armée est soutenue relativement aux efforts qu’elle fait en dépit du contexte difficile actuel. Sinon au niveau des autres aspects de la vie c’est-à-dire le social, l’économique, le culturel etc., tout est paralysé ici au Mali. Même au niveau des ministères, les financements sont inexistants, les activités sont paralysées. Le Mali est dans le creux de la vague, c’est la triste réalité ». Ces propos sont d’un acteur politique malien, membre de la direction de l’Union pour la république et la démocratie (URD), le parti politique de feu Soumaïla Cissé. Il s’est confié à nous sous le couvert de l’anonymat.

Pour lui, il était donc nécessaire que les autorités de la transition malienne ne fassent pas la fine bouche, qu’elles mettent de côté l’orgueil parce que l’orgueil n’a pas de place ici, selon lui, pour solliciter l’indulgence de la communauté internationale et de la CEDEAO afin qu’elles aident le Mali. C’est ce que le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, a fait, en des termes voilés, le mardi 6 septembre 2022, à Lomé (Togo), lors de la 3ème réunion du Groupe de suivi et de soutien à la transition au Mali (GST-Mali). « (…) je salue l’appui de l’Union Africaine qui multiplie les efforts pour que notre pays retrouve sa place, toute sa place, dans le concert des nations.

A cet effet, le gouvernement du Mali demeure convaincu que les avancées indéniables, ainsi que son engagement et sa détermination manifeste à poursuivre cette dynamique positive, plaident incontestablement pour un examen favorable de notre requête en faveur de la levée de la mesure de suspension de mon pays des instances de l’Organisation continentale. Dans ce contexte, je me félicite de la dynamique positive enclenchée avec la CEDEAO et je saisis cette occasion pour exprimer notre profonde gratitude à la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO pour ses efforts ayant abouti à la levée des sanctions économiques et financières contre le Mali (…) Je me félicite de la normalisation progressive de nos relations avec notre organisation sous-régionale. Je ne peux cependant passer sous silence les entraves que constitue le maintien des mesures de suspension et les sanctions ciblées contre le Mali. Le Gouvernement du Mali  demande la levée de ces mesures afin de favoriser une pleine coopération avec tous les partenaires, indispensable à la conduite sereine du processus de transition », a soutenu le ministre Abdoulaye Diop.

Selon des sources concordantes proches des négociations relatives à l’affaire des « 46 militaires ivoiriens encore détenus au Mali »,en marge de la 3ème réunion du Groupe de suivi et de soutien à la transition au Mali (GST-Mali), Bamako aurait sollicité l’aide de la Côte d’Ivoire, en sa qualité de l’un des pays leaders de la CEDEAO et de l’UEMOA, afin d’œuvrer à la levée des sanctions individuelles contre les dirigeants de la transition malienne ainsi que le soutien ivoirien pour obtenir des facilités auprès de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) afin de se refinancer. D’autant que le Mali en a grandement besoin. La visite hier, mardi 6 septembre 2022, du médiateur de la CEDEAO pour le Mali, l’ancien chef de l’Etat du Nigeria, Goodluck Jonathan, à Abidjan pour y rencontrer avec le président ivoirien Alassane Ouattara, ne serait pas étrangère à cette demande malienne. Mais précisent les sources, il ne s’agit pas d’une exigence ou d’une condition pour libérer les 46 militaires ivoiriens encore détenus au Mali.

Concernant les négociations, elles se poursuivent bien, avons-nous appris. Bamako aurait bien pris la déclaration faite à Lomé, le samedi 3 septembre 2022, au nom de la Côte d’Ivoire, par M. Fidèle Sarassoro, directeur de cabinet du président Alassane Ouattara, à propos des procédures portant l’arrivée au Mali, le samedi 10 juillet 2022, des 49 militaires ivoiriens dans le cadre de l’opération de la MINUSMA.  S’agissant de l’épineuse question de l’extradition vers le Mali, de personnalités politiques réfugiées en Côte d’Ivoire et recherchées par la justice malienne, notamment Karim Keïta, fils du défunt président Ibrahim Boubacar Keïta, l’ancien Premier ministre Boubou Cissé et l’ancien ministre Tiéman Hubert Coulibaly, nos sources affirment que les choses pourraient s’arranger à ce niveau d’autant que « certains d’entre eux ne résident plus à Abidjan». Les 46 militaires ivoiriens seront-ils bientôt libérés ?  L’espoir est permis, nous dit-on, puisque « l’orage entre Abidjan et Bamako est désormais passé ».

Didier Depry

 

 

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