L’ancien président de la République de Côte d’Ivoire, de 1993 à 1999, Henri Konan Bédié, a subitement tiré sa révérence, le mardi 1er août 2023, à la polyclinique internationale Sainte Anne-
Marie (PISAM) d’Abidjan-Cocody où il avait été transféré d’urgence par hélicoptère après avoir piqué une crise à sa résidence de Daoukro, sa ville d’origine, au Centre-Est du pays. Selon des sources proches du PDCI-RDA, c’est à la PISAM que le patriarche Bédié s’est éteint, à l’âge de 89 ans.
Un des doyens au fort charisme de la vie politique ivoirienne, à la fois adulé, respecté et controversé, Henri Konan Bédié marque, à travers sa disparition, la fermeture d’une page politique de la Côte d’Ivoire. Celle des héritiers de feu Félix Houphouët-Boigny qui sont restés fidèles à l’instrument politique du père-fondateur qu’est le PDCI-RDA. Mais qui ont, au demeurant, pris quelque liberté relativement à la vision sociétale d’Houphouët-Boigny en prônant le concept de l’ivoirité, plus exclusionniste que rassembleur. Aux antipodes évidemment de la Côte d’Ivoire qu’a entretenue, le premier président, Houphouët-Boigny , durant ses 33 ans de pouvoir.
Le décès du président Henri Konan Bédié qui est incontestablement un grand deuil et une grande perte pour la Côte d’Ivoire ouvrira également une nouvelle page au sein du PDCI-RDA dont il a pris les rênes en 1993 après la mort de Félix Houphouët-Boigny.
Candidat « naturel » du parti, il était pressenti pour en être le candidat à l’élection présidentielle de 2025. Le 13e congrès ordinaire du PDCI-RDA prévu, les 19, 20 et 21 octobre 2023, devrait entériner cela tout en reconduisant Bédié au poste de président du plus vieux parti politique de Côte d’Ivoire. La présence du président Bédié au contrôle de l’appareil du parti en dépit de son âge et sa détermination à être candidat en 2025 suscitaient des grincements de dents parmi la jeune génération qui désespérait de plus en plus pour son avenir.
Avec le décès du patriarche à la grande autorité, c’est un PDCI-RDA, pas à l’abri des convulsions, qui abordera les échéances futures. Notamment le congrès ordinaire et les élections locales (municipales et régionales) puis la présidentielle. D’autant que les ambitions longtemps étouffées et les rancœurs tues pourraient s’exprimer au grand jour.
Né le 5 mai 1934 à Daoukro, Henri Konan Bédié a été, à moins de 30 ans d’âge, ambassadeur de la Côte d’Ivoire aux États-Unis (1961-1966) sous John Fitzgerald Kennedy puis Lyndon Johnson.
Rentré en Côte d’Ivoire, il a successivement occupé les postes de délégué aux Affaires économiques et financières (1966-1968) ; ministre de l’Économie et des Finances (1968-1977) et président de l’Assemblée nationale (1980-1993) sous la gouvernance du président Félix Houphouët-Boigny. Qui a fait de lui, son dauphin constitutionnel. À la mort du Vieux (feu Houphouët-Boigny) , Bédié chef de l’État conformément à la constitution , de l’époque, avant d’être élu président de la République en 1995. Mais il sera renversé, en décembre 1999, par un coup d’État militaire conduit par le général Robert Guéï.
En 2005, Bédié fonde avec son redoutable adversaire, Alassane Ouattara, la coalition du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) puis ils s’allient en 2010 pour vaincre Laurent Gbagbo à l’élection présidentielle. En 2018, le divorce survient entre Ouattara et Bédié. Schéma inverse, Henri Konan Bédie et Laurent Gbagbo deviennent des alliés à partir de 2020 contre Alassane Ouattara. Mais entretemps, pour ramener la paix et la réconciliation entre les « trois grands », le président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, initie des rencontres d’échanges et de fraternité avec ses deux prédécesseurs. Le contexte politique surchauffé depuis 2020 s’apaise alors de plus en plus.
Didier Depry
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