La question de la dette ivoirienne est au cœur des préoccupations du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), la formation politique d’opposition dirigée par l’ancien chef d’Etat, Laurent Gbagbo. Selon Justin Koné Katinan, président du Conseil stratégique et politique (CSP) du PPA-CI, qui a animé la 25e édition de la « Tribune du PPA-CI », le jeudi 16 mai 2024, au siège dudit parti à Cocody-La Riviera III (Abidjan), la Côte d’Ivoire continue de bénéficier du mécanisme du programme pour les pays pauvres très endettés (PPTE) malgré, dira-t-il, les dénis du gouvernement. Il a souligné que la Côte d’Ivoire reste « un pays pauvre dont la dette inquiète ».
« Le gouvernement ivoirien se débat pour affirmer le contraire, mais les données sont là. La Côte d’Ivoire continue de bénéficier du mécanisme du programme pour les pays pauvres très endettés auquel le pays est éligible depuis juin 2012. Selon les dernières données de la Banque mondiale en date du 9 mai 2024, la Côte d’Ivoire fait partie des 37 pays, dont 36 en Afrique subsaharienne, qui dans le monde, continuent de bénéficier de ce programme … Quand on va arriver (au pouvoir : NDLR), la première des choses c’est de faire un audit de la dette. Parce que si on ne le fait pas, c’est tout un programme qui est compromis. Pour la Côte d’Ivoire, le président Laurent Gbagbo est engagé à auditer la dette », a-t-il révélé.
Laurent Gbagbo veut auditer la dette de la Côte d’Ivoire
Le conférencier a rappelé que parmi les instruments du programme PPTE de la Banque mondiale figure la Facilité africaine de soutien juridique également appelé « la Facilité ». Cet instrument, affirme-t-il, est né le 22 décembre 2008. Il constitue une organisation internationale placée sous les ailes de la Banque africaine de développement (BAD), banque panafricaine dont le siège est à Abidjan. Son mandat, poursuit Koné Katinan, est d’apporter son assistance juridique et technique aux pays africains éligibles au PPTE dans les conflits avec les créanciers notamment les créanciers agressifs connus sous le vocable macabre de « Fonds vautours » et dans la négociation de certains contrats, dont les contrats portant sur les activités extractives. « C’est l’accord de la création de cet instrument que la Côte d’Ivoire a ratifié le 8 mai 2024. Accusé d’être encore un pays pauvre très endetté, le gouvernement se défend par le ministre de l’Economie et des Finances interposé. Il affirme que la Côte d’Ivoire n’est ni un pays pauvre, ni un pays endetté », a indiqué le président du CSP du PPA-CI.
Selon ce dirigeant du PPA-CI, les pays du G8 commencent à s’inquiéter que le risque d’insolvabilité des pays pauvres très endettés ne pousse certains créanciers à céder leurs créances à des « fonds vautours ». Il a expliqué que les « fonds vautours » sont des fonds d’investissement très actifs qui rachètent les créances décotées et se font payer par le débiteur au prix fort. « Or, la situation financière de la Côte d’Ivoire est plus qu’inquiétante et pourrait pousser certains de ses créanciers à se débarrasser de créances qui deviennent de plus en plus douteuses au profit des fonds vautours », a-t-il précisé.
« La situation financière de la Côte d’Ivoire est plus qu’inquiétante »
Koné Katinan estime qu’il n’existe pas de créancier qui serait confortable avec un pays dont les recettes fiscales sont de 6.121 milliards de FCFA et un service de la dette de 5.141 milliards de FCFA. En effet, selon Justin Koné Katinan, 84% des recettes fiscales ivoiriennes sont affectées au remboursement de la dette et que seulement 16% vont au fonctionnement de l’Etat dont la masse salariale dépasse 33% des recettes fiscales. « En d’autres termes, l’Etat ivoirien est obligé de s’endetter pour payer les fonctionnaires et agents de l’Etat quand il finit de payer les dettes échues. Le recours à la dette pour rembourser la dette est un risque réel qui fait douter les créanciers puisque le moindre choc externe compromettra le refinancement de la dette », a-t-il dit.
Pour l’ancien ministre ivoirien, la ratification de la convention de création de «la Facilité » s’inscrit dans la logique du programme signé avec le Fonds monétaire international (FMI) qui ne veut pas se trouver le bec dans l’eau si, effrayé par les risques réels d’insolvabilité de la Côte d’Ivoire, des créanciers se laissent tenter par l’idée de céder leurs créances à des « fonds vautours » très agressifs. « Le gouvernement veut nier une évidence qui s’impose chaque jour qui passe. La réalité de l’économie ivoirienne ne correspond pas aux ratios macroéconomiques dont il se vante. La pauvreté se vit au quotidien. C’est bien parce que la Côte d’Ivoire est un pays très pauvre que son indice du développement humain est l’un des plus bas au monde (166ème sur 193). C’est parce qu’elle se sait très endettée qu’elle se protège contre les vautours qui tournoient sur sa tête. En médecin, les soins intensifs sont destinés à ceux dont l’état de santé en exige », a ironisé Justin Koné Katinan.
Il a alors affirmé que le PPA-CI propose une politique stricte de l’endettement qui sera élaborée et rendue publique. Elle s’organisera autour des actions telles que l’audit exhaustif de la dette dès la prise de fonction, l’alignement du financement du fonctionnement des services publics sur les recettes endogènes, la consécration des emprunts aux investissements, et un contrôle rigoureux des dépenses budgétaires. En outre, a-t-il encore révélé, son parti envisage de travailler à l’avènement d’un marché de capitaux de la sous-région performant afin de diminuer l’endettement en devises étrangères grâce à une politique de collecte de l’épargne par une meilleure politique de bancarisation.
« La pauvreté se vit au quotidien en Côte d’Ivoire »
Lors de cette 25e édition de la Tribune du PPA-CI, d’autres questions ont été abordées. Le conférencier a fait observer que son parti a mis l’accent sur la promotion de la construction d’usines de fabrication de médicaments et de produits pharmaceutiques ainsi que l’intégration de la médecine traditionnelle et de la pharmacopée dans cette politique d’autonomisation. Le PPA-CI, a-t-il déclaré, a également souligné l’importance de la mutualisation de l’industrie de la santé et des produits pharmaceutiques avec les pays de la sous-région pour renforcer la capacité de la région à répondre aux crises sanitaires comme la Covid-19.
Enfin, par la voix de l’ancien ministre Koné Katinan, le parti de Laurent Gbagbo a rendu hommage à l’ancien chef d’Etat et ex-président du le PDCI-RDA, Henri Konan Bédié, dont les obsèques vont bientôt avoir lieu. Le PPA-CI a salué sa mémoire et a renouvelé ses condoléances à sa famille éplorée, au PDCI-RDA et à la nation ivoirienne. Au total, la 25e édition de la tribune du PPA-CI a présenté la vision pour l’avenir de la Côte d’Ivoire que porte Laurent Gbagbo. Qui a été officiellement désigné et investi, le vendredi 10 mai 2024, candidat du PPA-CI à l’élection présidentielle de 2025. Alors qu’il reste inéligible pour avoir été condamné à 20 ans de prison dans l’affaire dite du «braquage de la BCEAO » lors de la crise post-électorale de 2010-2011.
Robert Krassault
ciurbaine@yahoo.fr
Légende photo : L’ancien ministre Koné Katinan, président du Conseil stratégique et politique (CSP) du PPA-CI, lors de la conférence de presse.
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