« Après avoir effectué ce matin (dimanche 30 juillet 2023, ndlr) un séjour éclair de consultation à Abuja sur l’invitation du président Nigérian, Président en exercice de la CEDEAO, j’ai bouclé mon déplacement par une visite en République sœur du Niger qui traverse une crise politique majeure. À Niamey, j’ai eu des échanges approfondis avec les leaders du Conseil National de Sauvegarde de la Patrie (CNSP), notamment le Général Abdourahamane Tchiani, avec le Président Mohamed Bazoum ainsi que l’ancien Président Mahamadou Issoufou dans une approche fraternelle qui vise à explorer toutes les pistes afin de trouver une issue pacifique à la crise qui secoue ce pays voisin ».
C’est le message que le président de la transition au Tchad, le général Mahamat Idriss Deby, a publié sur les réseaux sociaux, le dimanche 30 juillet 2023, après sa mission de médiation effectuée, pour le compte de la CEDEAO, au Niger auprès des militaires putschistes et des autorités politiques dont le président Bazoum. Porteur du message de mise en garde de la CEDEAO, Mahamat Idriss Deby a assurément dit au général Tchiani de libérer le président Bazoum et d’accepter un règlement pacifique de la crise. Le Tchad qui n’est pas membre de la CEDEAO joue cet important rôle de médiation à cause de son voisinage avec le Niger ainsi que les relations entre Mahamat Idriss Deby et le général Tchiani. Après avoir rencontré, le président Bazoum, qui se portait bien, le président de la transition au Tchad a également échangé avec l’ancien chef de l’Etat, Mahamadou Issoufou, qui est soupçonné par des parents et des proches de Bazoum d’être de connivence avec le chef militaire putschiste, selon les révélations de la publication Africa Intelligence.
En effet, selon Africa Intelligence, alors que le général putschiste Abdourahmane Tchiani s’est proclamé le 28 juillet président du CNSP, la Cedeao, en lien avec Paris et Washington, veut croire à un retour au pouvoir de Mohamed Bazoum et mise particulièrement sur l’implication de l’ex-chef de l’Etat nigérien Mahamadou Issoufou.
Bien qu’en tournée en Océanie, le président français Emmanuel Macron suit, depuis le coup d’Etat du 26 juillet, la situation au Niger heure par heure. Il s’est entretenu à deux reprises au moins avec le chef de l’Etat nigérien Mohamed Bazoum, comme l’a annoncé la ministre française des affaires étrangères, Catherine Colonna. Le président Bazoum, qui a refusé de présenter sa démission, est toujours maintenu dans sa résidence du palais présidentiel en compagnie de son épouse et de son fils, sous surveillance des éléments de la garde présidentielle.
La colère des parents de Bazoum contre Mahamadou Issoufou
En lien permanent avec ses homologues d’Afrique de l’Ouest, mais aussi avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune, il s’est également entretenu avec le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, le 26 juillet, avant d’échanger, dans la soirée, avec le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken. Le lendemain, après une séquence de trente-six heures sans repas, Mohamed Bazoum a tenu à apaiser l’ire de ses plus proches collaborateurs et parents, pour qui son prédécesseur, Mahamadou Issoufou, avait une part de responsabilité dans les événements en cours. Son intense activité téléphonique a été perturbée par l’installation de brouilleurs autour de sa résidence à compter de l’après-midi du 28 juillet.
Malgré l’échec de sa médiation, initiée dès le 26 juillet au matin, Mahamadou Issoufou reste considéré par Paris et Washington comme l’une des personnalités les plus à même de décrisper la situation et de permettre une libération de Mohamed Bazoum. C’est ainsi qu’en toute discrétion, Emmanuel Macron a pris attache avec l’ancien chef de l’Etat nigérien, le 27 juillet. Durant l’entretien, qui a duré un peu moins d’une heure, le président français lui a confié son inquiétude et assuré soutenir ses nouveaux efforts auprès des officiers putschistes. Dans ce cadre, Mahamadou Issoufou a reçu le même jour, dans sa villa de Niamey, un diplomate de l’ambassade de France.
De son côté, le ministre des affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, qui se fait désormais discret, fait fonction de chef de gouvernement par intérim et reste l’une des courroies de transmission entre Bazoum et Issoufou, de même que leurs partenaires régionaux et occidentaux.
Le président du Nigéria Bola Ahmed Tinubu mobilisé
La publication Africa Intelligence poursuit ses révélations en ces termes : Dans le même temps, Macron a multiplié les contacts avec une poignée de chefs d’Etat pro-occidentaux de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), parmi lesquels le Nigérian Bola Ahmed Tinubu, qui a pris les rênes de l’organisation régionale au début du mois de juillet. Ce dernier s’est par ailleurs entretenu avec la vice-présidente américaine, Kamala Harris, le 27 juillet. Le président béninois, Patrice Talon, qui a annulé au dernier moment son déplacement à Niamey par crainte pour sa sécurité, a suscité l’agacement de Tinubu, qui comptait notamment sur cette mission pour ouvrir un canal de négociation. Le président de la Cedeao entend lui aussi se reposer sur Issoufou, et ce, malgré les questions soulevées par plusieurs chefs d’Etat concernant ses liens avec le général putschiste qui s’est proclamé ce 28 juillet à la tête du Conseil national de sauvegarde de la patrie (CNSP), Abdourahmane Tchiani.
S’il se défend d’être un intime, Issoufou l’avait, au lendemain de son élection en 2011, propulsé à la tête de la très stratégique Garde présidentielle (GP). Un poste auquel il l’a maintenu tout au long de ses deux mandats. Lorsque Mohamed Bazoum avait un temps souhaité remercier le général en septembre 2022, Issoufou le lui avait alors déconseillé. Lors de son échange avec le président français, l’ex-chef de l’Etat nigérien a fait part de ses plus grandes difficultés à « raisonner » Abdourahamane Tchiani, qui a réussi en quarante-huit heures à parvenir à un consensus lui permettant de rallier une large frange des Forces armées nigériennes (FAN). Une manœuvre qui s’est déroulée non sans difficultés, alors qu’une importante partie de l’armée ne lui était initialement pas favorable.
Général Tchiani, patron du CNSP
Malgré la proclamation du général Tchiani à la tête de la nouvelle junte, Paris et Washington – deux alliés stratégiques de Niamey au Sahel – souhaitent afficher leur fermeté et ne reconnaissent pas d’autorité concurrente à celle du seul Mohamed Bazoum. Au 28 juillet au matin, Abdourahmane Tchiani n’avait été en contact avec aucune autorité officielle française. Une position française et américaine qui emboîte le pas à celle de la Cedeao : l’organisation régionale, qui doit se réunir en sommet extraordinaire le 30 ou 31 juillet au Nigeria, pourrait dans ce cadre décréter de premières sanctions à l’endroit des officiers du CNSP. Une option de fermeté défendue mordicus par Tinubu, qui a déclaré n’exclure aucune option.
Et Africa Intelligence de conclure : Le CNSP reste particulièrement fragile et divisé ; son semblant d’unité repose pour l’instant sur des intérêts opportunistes et sur le recours à la menace. Le 27 juillet, dans la matinée, de vives tensions ont éclaté entre le général Tchiani et le général Salifou Modi, ancien chef d’état-major limogé en avril par Mohamed Bazoum. Autre gradé particulièrement influent et initialement hostile à l’égard des putschistes, le colonel-major Djibrilla Hima Hamidou, dit « Pelé ». Quant au général Moussa Salaou Barmou, dit « Msb », il a tenté, lui aussi, de s’opposer à Abdourahmane Tchiani et de s’imposer vainement à la tête de la junte en constitution. Pour ce faire, il a mis dans la balance des négociations les menaces contre l’intégrité physique du président Bazoum et de sa famille. Ces ralliements obtenus par la force se conjuguent à des promesses de postes à responsabilité.
Didier Depry
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