« La CEDEAO face à son destin », c’est l’intitulé de la tribune ci-dessous écrite par Ismaël Sacko, président de la formation politique malienne Parti social-démocrate africain (PSDA). Menacé par la junte militaire au pouvoir au Mali et contraint à l’exil, M. Sacko, ancien conseiller spécial du défunt président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) et de l’éphémère président de transition Bah Daw, continue d’appeler au retour de la démocratie dans son pays. Il livre ici sa position sur le coup d’Etat au Niger et « appelle de tous mes vœux, les démocrates africains, à soutenir la CEDEAO », dit-il.
Créée par les chefs d’Etat de 16 pays d’Afrique de l’Ouest dans le but de disposer d’un instrument juridique et politique afin de réussir l’intégration des peuples tant sur le plan social, politique et qu’économique, la CEDEAO traverse depuis plus d’une décennie, une des crises les plus profondes de son existence.
Légèreté, incohérence, tâtonnement ont souvent émaillé sa gestion.
Jamais notre sous-région n’a été victime d’autant de coups d’Etat.
La recrudescence des putschs dans notre région est un indicateur de la fragilité de nos institutions engendrée par la mauvaise gouvernance.
La très mauvaise gestion du double putsch organisé par la junte malienne en août 2020 et en mai 2021 a ouvert le boulevard aux indisciplinés parmi la hiérarchie militaire des pays concernés.
La frilosité de la CEDEAO et son manque de fermeté contre une junte malienne incapable d’agir sur le théâtre des opérations en qualité de militaires contre les terroristes et pire, une junte qui a préféré s’arroger le pouvoir politique dont elle ne maîtrise pas les codes, a fini par discréditer la CEDEAO.
Aujourd’hui plus que jamais, elle joue sa survie et est face à son destin.
L’effet de contagion des putschs maliens élargis à la Guinée-Conakry, au Burkina Faso puis au Niger a donné des sueurs froides aux présidents démocratiquement élus. Car chacun se sent désormais menacer. Est-ce le printemps ouest africain et la nostalgie des militaires au pouvoir ? Que Non.
Le putsch en cours au Niger contre le président Bazoum n’a pas fini de surprendre.
La sortie spontanée du peuple nigérien aux premières heures de la tentative de prise de pouvoir par un général de l’armée nigérienne fut-il le chef de la garde présidentielle en sursis, témoigne du rejet des putschistes.
L’occasion est opportune pour saluer et encourager la CEDEAO pour les prises de position tranchantes et pour sa fermeté exigeant la légalité constitutionnelle et reconnaissant Bazoum comme unique président du Niger. Bazoum est bel et bien l’unique interlocuteur de la CEDEAO et de l’UEMOA.
La présence du président tchadien au Niger, désigné comme médiateur à tout son sens. Le Tchad est un voisin très proche et dispose d’une armée aguerrie sans nulle pareille dans le G5-Sahel. Si les négociations venaient à échouer, l’option militaire annoncée par le CEDEAO aura la bénédiction des défenseurs du respect de l’état de droit et de la démocratie. La CEDEAO n’aura d’autres choix que d’agir. L’action militaire s’imposera.
J’en appelle de tous mes vœux, les démocrates africains, à soutenir la CEDEAO et faire en sorte que les actions fortes envisagées par elle se concrétisent pour que la peur change de camp et que les militaires s’en tiennent exclusivement à leur mission régalienne de protection des personnes, de leurs biens et du territoire national.
Les forces de défense et de sécurité de nos pays ont toujours été associés et d’être aux ordres du pouvoir politique; d’être donc comptables des échecs y afférents. Elles bénéficient de toute l’attention et des moyens financiers désuets pour combattre le terrorisme, une lutte qui a de beaux jours devant nous. Car c’est ensemble que nous réussir à anéantir l’hydre terroriste. Mais que chacun joue sa partition. Elles n’ont aucun mérite à se cacher derrière leurs fusils pour récupérer un pouvoir qui ne leur revient pas de droit. Elles se doivent d’accompagner la démocratie et la protéger et non pas l’inverse.
La jonction tactique et fusionnelle de la CEDEAO et la communauté internationale est une joute indispensable pour sauvegarder la stabilité de nos pays en quête de paix.
Oui, je soutiens, l’option militaire de la CEDEAO et ses partenaires à souhait contre les putschistes au Niger et contre toute junte indisciplinée qui ne respecterait pas les engagements pris devant elle afin de restituer le pouvoir aux civils à l’issue d’élections prévues à cet effet.
La CEDEAO de la légalité statutaire doit agir dans l’intérêt de la stabilité de nos institutions pour que la CEDEAO des peuples suive.
La junte malienne gagnerait à céder le pouvoir à temps en jouant franc-jeu. Le contraire lui sera fatal. La propagande et les soutiens de circonstance ont déjà montré leur limite. Le peuple malien trahi est à bout de souffle.
Par ailleurs, la CEDEAO n’a pas d’autres choix que de mettre le coup pied dans la fourmilière afin de stopper l’effet de contagion des coups d’Etat en Afrique de l’Ouest. Car, l’échec de la CEDEAO dans le dossier nigérien constituera du pain béni pour les putschistes félons assoiffés de pouvoir.
Toutefois, il est important que nos chefs d’Etat comprennent qu’une fois élus, ils n’auront plus un chèque en blanc. Ils doivent plus que jamais agir au bénéfice des populations et demeurer irréprochables en matière de gestion de la chose publique.
Le 30 juillet 2023
Ismaël Sacko
Président du PSDA
Chevalier de l’ordre national du Mali
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