Au petit matin du 12 janvier 2025, le village de Guiguia, niché dans le canton Paccolo, sous-préfecture de Gnagbodougnoa, dans le département de Gagnoa, centre-ouest de la Côte d’Ivoire, en pays d’ethnie Bété, a été le théâtre d’une agitation sans précédent. Cette journée, marquée par une vive tension entre autochtones et allogènes, restera gravée dans les mémoires des habitants. Nous vous proposons un retour détaillé sur les événements qui ont secoué ce paisible village, à travers les témoignages des acteurs principaux.
Le jour se lève à peine lorsque M. Agui Digbo Rémy, président du Comité de gestion du foncier rural et membre de la chefferie de Guiguia, est tiré de son sommeil par des bruits inhabituels. Il raconte : « À 5h45, j’ai entendu du bruit et je me suis levé de mon lit. Quand je suis sorti, j’ai vu un groupe de Baoulé parler dans leur langue. Ils se dirigeaient vers leur quartier et d’autres arrivaient en groupes. »
Le chef résident, Gnazalo Gbahi Etienne, appelle le chef Kabo Alphonse pour l’informer de l’éventualité d’un problème grave. Quelques instants plus tard, il devient clair que la situation est tendue. M. Agui poursuit : « J’ai constaté que cette population n’était pas attaquée et j’ai alerté certains habitants pour qu’ils sortent de leurs maisons et restent vigilants. » Les habitants d’ethnie Baoulé, mécontents et en colère, se dirigent vers la maison du président des jeunes, Gnably Bayoro Roger. Les coups frappés à sa porte le réveillent en sursaut : « Tu es le président des jeunes du village, notre frère a été enlevé et comme il fait partie de votre comité, nous sommes venus vous voir », lui disent-ils. M. Gnably tente de calmer la situation, soulignant que la violence n’apportera aucune solution.
Face à l’escalade, le chef Kabo Alphonse est rapidement dépêché à Guiguia, accompagné de gendarmes. Une réunion d’urgence est organisée avec les chefs de communauté et le représentant des Baoulé. Ce dernier avoue ne pas comprendre la situation et se dit incapable de contenir les jeunes de sa communauté. Tchiffy Kabo Alphonse précise que le conflit est d’ordre foncier : une parcelle de terre exploitée illégalement par feu Kouassi Julien et ses enfants. Après des années de bataille juridique, Djahi Gnazalo Sylvain a gagné tous les procès, mais les enfants de feu Kouassi Julien refusent de respecter les décisions de justice. C’est cette désobéissance qui a conduit le ministère public à faire arrêter Kouassi Joël, fils de Kouassi Julien.
Le témoignage de Tchiffy Kabo Alphonse révèle l’ampleur du conflit : « Hier matin, peu avant 6h, j’ai été réveillé par un coup de fil de mon intérimaire, M. Gbahi Gnazalo Etienne. Il m’informe que les Baoulé, munis de machettes, de gourdins et de projectiles de toutes sortes, sont sur le point d’attaquer le village de Guiguia. » Malgré l’intervention des autorités locales et de la gendarmerie, la tension persiste. Les Baoulé, en colère, ne comprennent pas pourquoi leur frère a été arrêté et sont déterminés à obtenir des réponses. Les représentants de la communauté Baoulé finissent par promettre de calmer leurs compatriotes, mais l’agitation continue.
Appel à la concertation et à la paix
Face à cette situation explosive, Tchiffy Kabo Alphonse appelle à la concertation : « J’ai dit à toute la population de Guiguia que l’année 2025 est une année électorale, cruciale pour toute la Côte d’Ivoire, et que je ne saurai tolérer que des troubles commencent par mon village. » Il rappelle l’importance de respecter les décisions de justice et interdit les attroupements dans le village jusqu’à nouvel ordre. Malheureusement, malgré les promesses, la tension reste palpable. Le chef de canton, l’honorable Gnagno Sakalou Noël, est invité à convoquer une rencontre de concertation avec les chefs de village du canton Paccolo pour apaiser les esprits et éviter que la situation ne dégénère davantage.
Le conflit de Guiguia est un exemple frappant des tensions qui peuvent surgir lorsque des décisions de justice ne sont pas respectées. Il est essentiel que toutes les parties prenantes travaillent ensemble pour trouver une solution pacifique et durable à ce conflit afin de préserver la cohésion sociale et la paix dans la région. L’intervention des autorités traditionnelles et administratives est cruciale pour garantir que de tels incidents ne se reproduisent plus à l’avenir.
Robert Krassault
Légende photo : Tchiffy Kabo Alphonse, chef du village de Guiguia, se dit déterminé à préserver la paix et la cohésion entre Bété et Baoulé dans sa localité.
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