La CEDEAO en crise – Ce qui se dit sur le sommet d’Abuja et le contre-sommet de l’AES de Niamey

Les chefs des juntes au pouvoir au Mali, colonel Assimi Goïta, au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, et au Niger, général Abdourahamane Tiani, se sont donné rendez-vous ce samedi à Niamey pour « la première session du collège des chefs d’État de l’alliance des États du Sahel ». Cette rencontre est commentée à Abuja, capitale du Nigeria, où se tient dimanche un sommet ordinaire des chefs d’États des pays membres de la CEDEAO, organisation dont les juntes en question ont claqué la porte. Rapporte la radio française, RFI.

« S’ils ont choisi de tenir leur sommet à Niamey, la veille du nôtre, c’est bien parce que nous leur manquons et qu’ils veulent se faire remarquer », ironise le ministre des Affaires étrangères d’un pays de la sous-région. Un autre diplomate originaire d’un pays anglophone sort de son côté l’artillerie lourde : « Tout ce boucan, dit-il, c’est pour s’éterniser au pouvoir… Ils arrêtent leurs opposants, manipulent les opinions publiques et font du spectacle ». Notre interlocuteur ajoute : « dans ces trois pays, les militaires n’ont pas pu vaincre le terrorisme ».

Une rencontre pour « se faire remarquer »

 Dans les rangs d’autres délégations déjà présentes ici à Abuja, le ton est plus mesuré. « Il faut tenter encore une fois de convaincre les militaires au pouvoir à Bamako, à Niamey et à Ouagadougou » explique un diplomate. Son voisin de table va plus loin : « Même si le retour au sein de la CEDEAO de ces pays n’est pas obtenu, nous devons envisager de signer des accords avec eux dans des domaines comme celui de la lutte contre le terrorisme et la libre-circulation des biens et des personnes ». Afin de trouver une solution sur ce dossier et sur d’autres, la présidence de la Commission de la CEDEAO va proposer au sommet de chefs d’État d’Abuja, la convocation prochaine d’un autre sommet, celui-là extraordinaire.

L’organisation joue sa survie

Le sommet de dimanche se tient au moment où l’organisation est à la croisée des chemins. L’an prochain, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest va fêter ses 50 ans (un demi-siècle) et aujourd’hui, la CEDEAO joue sa survie. On attend,  Mais, nous le savons déjà, sur le plan financier, c’est la crise. L’organisation n’arrive pas à mobiliser les fonds pour tous ses projets de développement. Le dossier de la monnaie unique « n’avance vraiment pas », nous ont confié des experts. Et sur le plan politique, on ne peut pas dire que la CEDEAO a réussi l’intégration sous-régionale dont elle rêvait.

La lutte contre le terrorisme reste l’un des défis de l’organisation, mais, pour le moment, il est loin d’être gagné. Les jihadistes de Boko Haram au Nigéria, al-Qaïda et l’État islamique du Mali, en passant par le Niger et le Burkina Faso, le terrorisme s’installe, malgré les efforts. Mais les chefs d’État vont probablement parler, lors du sommet de dimanche 8 juillet, de la création d’une Force, une force antiterroriste. Dans l’espace CEDEAO, il y a deux hypothèses : une force de 500 hommes et là, il faut 2,6 milliards de dollars par an pour qu’elle fonctionne. Et deuxième hypothèse, une force de 1 500 soldats et là, il faut environ 500 millions de dollars chaque année.

La difficulté de la CEDEAO à appliquer ses propres textes

Cette rencontre d’Abuja se tient au moment où trois pays – le Mali, le Burkina et le Niger – qui ont claqué la porte de l’organisation, tiennent, de leur côté, dirions-nous, un contre-sommet à Niamey. L’autre défi de l’organisation, c’est précisément comment gérer les coups d’État. À Niamey, ce sont des putschistes qui paradent aujourd’hui à Niamey. La CEDEAO n’arrive pas à faire appliquer ses propres textes, notamment d’anti-coup d’État. Les pays restent divisés sur la question. Des populations dénoncent le « deux poids-deux mesures » et pour tenter de trouver un nouveau souffle à la CEDEAO, une nouvelle respiration à l’organisation, certains proposent déjà l’organisation d’un sommet spécial.

Légende photo : Les militaires qui dirigent les transitions au Mali, au Niger et au Burkina Faso se réunissent ce samedi à Niamey pour le premier sommet de l’AES. 

 

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