« Le ministère de la Défense et des Anciens Combattants a appris avec stupéfaction la publication du livre intitulé « Mali : Le défi du terrorisme en Afrique ». L’auteur dudit livre se trouve être le Colonel Alpha Yaya Sangaré, officier des Forces Armées maliennes. La dédicace du livre a eu lieu le samedi 24 février 2024. Certains paragraphes de ce livre portent de prétendues incriminations graves de violation des droits de l’homme par les FAMa avec la complicité de la hiérarchie militaire et des sabordages à l’égard de l’Etat du Mali. ».
Dans un communiqué daté du vendredi 1er mars 2024 signé du ministre de la défense et des anciens combattants par intérim, le Général de brigade Daoud Aly Mohammedine, les autorités maliennes de transition ont pris la mouche relativement à la sortie d’un ouvrage écrit par un officier de l’armée malienne qui a mis à nu la face cachée de la lutte contre le terrorisme menée par l’armée malienne aidée par les mercenaires de la société de sécurité privée russe Wagner .
« Le ministre de la Défense et des Anciens Combattants dénonce et se désolidarise des fausses accusations à l’encontre des FAMa et constate avec regret que la procédure et le processus de validation de publication de l’ouvrage n’ont pas été respectés contrairement aux précédentes publications », ajoute le communiqué. Avant de brandir la menace et la sanction contre le Colonel Alpha Yaya Sangaré, auteur du livre : « Au regard de ce qui précède, le ministre de la Défense et des Anciens Combattants rassure que l’officier en question sera soumis à la réglementation en vigueur ».
La « réglementation » dont parle le ministre de la défense et des anciens combattants est l’emprisonnement. Plus précisément, une détention de rigueur qui pourrait aller de plusieurs jours à plusieurs semaines voire des années. Le Colonel qui a osé dire haut ce que se sait et se tait ou se dit bas ; à savoir, les violations des droits de l’homme sur les populations civiles auxquelles se livrent les militaires maliens et les mercenaires de Wagner sous le prétexte de lutter contre le terrorisme ; n’ignore pas qu’il sera sanctionné.
Dans le livre-vérité de 400 pages, le Colonel Apha Yaya Sangaré aborde notamment la question des droits de l’homme au sein de l’armée malienne. « Depuis 2016, les FDS se sont livrées à des exactions à l’encontre de personnes accusées de faire partie des groupes terroristes », écrit-il. Il cite également des rapports d’organisation internationale de défense des droits de l’homme qui dénoncent des abus attribués à l’armée malienne sur le terrain, en mission anti-terroriste. Comme il fallait s’y attendre, le régime militaire de transition au Mali n’a pas apprécié tous ces écrits.
Une situation qui démontre comment la liberté d’expression est devenue un luxe au Mali aussi bien pour les acteurs politiques et religieux, la société civile et les médias mais également pour les militaires. Aux derniers, il est visiblement rappelé de demeurer la « grande muette ». En clair, d’observer « la sagesse des 3 signes ». A savoir, ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire. Une « sagesse des 3 singes » qui pourrait encourager indéfiniment les graves violations des droits de l’homme.
Didier Depry
Légende photo : Le Colonel Assimi Goita, président du régime de transition au Mali.
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