Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux, ce vendredi 15 septembre 2023, où l’on voit des personnes, assurément des Béninois, manifestant au motif que le Bénin sous l’impulsion du président de la République, Patrice Talon, s’activerait à attaquer militairement le Niger. Un internaute ayant l’avatar baptisé Le Caïman Elovi a même sous-titré la vidéo qu’il a diffusée en ces termes : « Les Béninois dans la rue pour demander la démission du supplétif de la France, Patrice Talon. Il avait pris position pour attaquer le Niger au sommet de la Ecowas-Cedeao manipulé depuis l’Elysée ».
Ces allégations et toutes celles qui accompagnent les vidéos postées sur les réseaux sociaux sont évidemment fausses et relèvent de la pure manipulation de l’opinion publique. D’autant que le Bénin sous le président Patrice Talon n’a jamais déclaré la guerre à un quelconque pays, ni le Niger ni une nation tierce. Ensuite, le Bénin, Etat souverain, ne prend pas d’ordres à Paris ou dans une autre capitale à travers le monde pour agir dans le cadre de ses relations internationales. Il est donc faux de faire croire à l’opinion que le Bénin a décidé d’aller en guerre contre le Niger.
C’est la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) qui a décidé de rétablir l’ordre constitutionnel au Niger à travers une opération militaire, si les négociations qui sont en cours avec la junte au pouvoir actuellement à Niamey n’aboutissent pas. Cette décision collégiale aux quinze (15) Etats membres de l’organisation sous-régionale a été prise, le jeudi 10 août 2023, lors d’un sommet organisé à Abuja (Nigeria). La CEDEAO a donc décidé du déploiement de sa « force en attente » pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger.
Nonobstant cette intervention militaire éventuelle, le président en exercice de la CEDEAO, le chef de l’Etat du Nigeria, Bola Tinubu, a soutenu que les négociations avec le régime militaire au Niger doivent être le «socle de notre approche ».
C’est à l’issue du 62e sommet des chefs d’État et de gouvernements de la CEDEAO tenu en décembre 2022 que l’organisation de l’Afrique de l’Ouest a adopté le projet de création d’une nouvelle force armée régionale destinée à lutter contre le terrorisme et les changements anticonstitutionnels. Cette force sera financée par les États membres. En attendant la naissance de ladite nouvelle force, la CEDEAO a décidé de composer une sorte de Force « ECOMOG » ponctuelle pour faire face à la situation au Niger.
Pour rappel, ce n’est pas la première fois que la CEDEAO conduirait une intervention militaire dans l’un des pays membres, depuis sa naissance en 1975. C’est en 1990, lors du déclenchement de la guerre civile au Liberia, que naît, l’ECOMOG, la force armée de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Conçue au départ comme une solution temporaire, l’organisation en fait une force permanente en 1999.
L’ECOMOG – ou groupe de supervision du cessez-le feu de la CEDEAO- est dès sa création dirigé par le Nigeria, qui fournit l’essentiel des effectifs, des équipements et du financement. Composé au départ de quelques centaines d’hommes, baptisés les « casques blancs », il compte au plus fort, en 1994, près de 20 000 soldats et officiers.
Cette force d’interposition quitte le Liberia en 1999 après avoir contribué au retour à la paix. Outre les opérations de maintien de la paix dans le cadre de guerres civiles, l’ECOMOG a mené plusieurs opérations pour préserver la légalité constitutionnelle dans ses états membres.
La plus notable de ses opérations est celle de Juin 1997 en Sierra Leone. La CEDEAO intervient alors pour rétablir le président Ahmad Tejan Kabbah renversé quelques mois plutôt par le commandant Johnny Paul Koroma. Cette opération composée de plusieurs contingents dont celui du Niger, se soldera par un succès militaire et le retour aux affaires des autorités légitimes de la Sierra Leone.
La Gambie est une autre opération significative de l’ECOMOG que l’on pourrait rappeler. En effet en Janvier 2017, le bras armé de la CEDEAO lance l’opération « Restaurer la démocratie » qui permet de bouter du pouvoir l’ex président Yaya Jammeh qui refusait de reconnaitre sa défaite aux élections.
L’opération au Niger, si elle devait avoir lieu, ne serait donc pas une première pour la CEDEAO et ne constitue en rien l’expression d’un ressentiment contre le Niger. Cela est su des nouvelles autorités de Niamey qui ont elles mêmes participé à ces opérations de rétablissement de l’ordre constitutionnel dans d’autres pays membres.
Didier Depry
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