Les faits se déroulent en janvier 2022. L’Ambassadeur de France au Mali est sommé de quitter le pays. Il a 72 h à partir du 31 janvier 2022 pour le faire. Les autorités maliennes, dont majoritairement les militaires, ont justifié cette décision par les déclarations jugées « hostiles » de responsables politiques français à leur encontre. En réaction, la France a pris note et a décidé de rappeler son ambassadeur au Mali. Ce qui fut fait.
L’ambassadeur de France était en poste depuis 2018. « Le gouvernement de la République du Mali informe l’opinion nationale et internationale que ce jour (…) l’ambassadeur de France à Bamako, son excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale (et) qu’il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de 72 heures », a annoncé un communiqué lu par la télévision d’État malienne, le 31 janvier 2022..
Les autorités maliennes ont justifié cette décision par les « propos hostiles et outrageux du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères tenus récemment » et « la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des autorités maliennes en dépit des protestations maintes fois élevées ». « Ces déclarations tendent à remettre en cause et la légalité et la légitimité des autorités auprès desquelles l’ambassadeur de France est accrédité (…). Vous ne pouvez pas être accrédité auprès d’autorités que vous-mêmes vous ne reconnaissez pas », a précisé le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, à la télévision d’État.
« La France prend note de la décision des autorités de transition (maliennes) de mettre fin à la mission de l’ambassadeur de France au Mali. En réaction, la France a décidé de rappeler son ambassadeur », a répondu le Quai d’Orsay. Paris a exprimé aussi « sa solidarité vis-à-vis de ses partenaires européens, en particulier du Danemark », dont le contingent a été expulsé par la junte militaire au pouvoir à Bamako. Le chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell, a lui parlé d’une « demande injustifiée » qui « isolera le Mali ». « L’UE est solidaire de la France et du Danemark, dont le contingent a été renvoyé. La situation requiert respect des engagements côté malien et dialogue », a-t-il ajouté.
La ministre française des Armées, Florence Parly, avait déclaré, le 25 janvier 2022, que la junte malienne multipliait « les provocations ». Son collègue français des Affaires étrangères, Jean Yves Le Drian, a vait, deux jours après, qualifié la junte d’ « illégitime » et ses décisions d’ « irresponsables », après que les autorités maliennes eurent poussé le Danemark à retirer son contingent de forces spéciales. Le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, quant à lui, avait prévenu que son pays n’excluait « rien » dans ses relations avec la France. Ces événements ont marqué un nouveau durcissement des tensions entre le Mali et la France, l’ancienne puissance coloniale engagée militairement au Mali et au Sahel depuis 2013.
Une autre étape importante du désamour entre Bamako et Paris a été constatée en 2022. En effet, le gouvernement malien de transition a invité les autorités françaises à retirer, sans délai, les forces Barkhane et Takuba du territoire national du Mali, sous la supervision des autorités maliennes. Le gouvernement malien de transition est en colère contre la France et accuse les autorités françaises de manquements répétés aux accords de défense et d’être la cause de l’expansion terroriste au Mali. Ces accusations ont été émises par écrit dans un communiqué officiel dont lecture a été donnée par le porte-parole du gouvernement malien de transition, le Colonel Abdoulave Maiga. Le gouvernement malien a affirmé avoir pris acte de la décision unilatérale du 17 février 2022 des autorités françaises de procéder au retrait des forces militaires de Barkhane et Takuba, «en violation des accords liant la France et le Mali et impliquant d’autres partenaires».
Il a été aussi rappelé que cette nouvelle décision fait suite aux annonces également unilatérales de la France, le 03 juin 2021, de la suspension des opérations conjointes avec les Forces Armées Maliennes et le 10 juin 2021 de la fin de l’opération Barkhane, sans préavis et sans consultation préalable de la partie malienne.
«Ces décisions unilatérales constituent des violations flagrantes du cadre juridique liant la France et le Mali», proteste le gouvernement malien. Et d’ajouter que les résultats obtenus et annoncés officiellement par les autorités françaises n’ont pas été satisfaisants, ni en 2013 avec l’opération Serval (détruire le terrorisme, restaurer l’autorité de l’État malien sur l’ensemble du territoire national, faire appliquer les résolutions de l’ONU), ni en 2016 avec l’Opération Barkhane (lutter contre le terrorisme, aider à faire monter l’Armée malienne en puissance, intervenir en faveur des populations). «Malgré la présence de l’Opération Barkhane et des forces internationales, de 2013 à 2021, le Mali a risqué la partition et la menace terroriste, initialement localisée au Nord du Mali, s’est répandue sur l’ensemble du territoire national», a affirmé le porte-parole du gouvernement malien.
Le gouvernement malien considère que l’Opération Serval, qui «n’aurait pas été nécessaire si l’OTAN n’était pas intervenue en Libye en 2011», avait «fondamentalement modifié la donne sécuritaire dans la région et dans laquelle la France a joué un rôle actif de premier plan et au grand dam des Africains, est à la base des problèmes sécuritaires actuels du Mali en particulier et du Sahel en général».
Pour marquer davantage la décision irrévocable du Mali de voir la France quitter définitivement le territoire malien, le régime de transition militaire a suspendu les radio et télévison françaises RFI et France 24 au Mali. La Haute Autorité de la Communication (HAC) du Mali a annoncé, le 27 avril 2022, le retrait définitif des autorisations d’établissement et d’exploitation de RFI et de France 24 au Mali. Le gouvernement accuse les deux médias français de diffuser de « fausses allégations » sur des rapports de violations des droits de l’homme par l’armée malienne. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a invité récemment les autorités de la transition du Mali à reconsidérer la suspension définitive de RFI et de France 24 décidée par la Haute Autorité de la Communication (HAC).
Le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme se dit « profondément consterné » par la décision du régulateur des médias maliens de suspendre définitivement la station de radio française Radio France internationale (RFI) et la chaîne de télévision française France 24. « Nous appelons les autorités militaires de transition du Mali à revenir sur cette interdiction et à permettre aux médias indépendants de travailler librement dans le pays », a déclaré une porte-parole du Haut-Commissariat, Ravina Shamdasani, lors d’un point de presse à Genève.
Chassée par le Mali de quitter ce pays indépendant d’Afrique de l’Ouest, la France a plié bagages pour s’en aller. Le président français Emmanuel Macron et son gouvernement ont accepté de partir. Mais leur « Oui » n’apparaît pas sincère. En vérité, la France ne veut pas quitter le Mali. Elle ne veut pas perdre son ancienne colonie au profit de nouveaux partenaires économiques et militaires dont le plus actif est la Russie du président Vladmir Poutine. C’est ce qui explique qu’alors que le Mali a demandé à l’armée française de quitter rapidement le Mali, les autorités françaises que leurs soldats quitteront le Mali au rythme voulu par la France afin de « garantir leur sécurité ».
Ce que la France semble cacher par cette attitude, c’est qu’elle est consciente que le Mali lui échappe progressivement et définitivement. Alors que la France considère l’Afrique de l’Ouest francophone comme son pré-carré. Même si abusivement Emmanuel Macron, et avant lui, Nicolas Sarkozy, parle de fin de la Françafrique (ce système de pillage économique et de domination politique de l’Afrique francophone par la France), en vérité, la France n’a jamais voulu que ce système de prédation disparaisse. Parce que la France sans la Françafrique est comme une enveloppe sans contenu, une enveloppe vide.
Au moment où la Chine, les Etats-Unis, la Russie, la Turquie, l’Inde etc. sont très offensifs en Afrique, en général, la France ne veut pas lâcher l’Afrique de l’Ouest francophone. C’est ainsi que la France ne veut pas reconnaître les efforts faits par le Mali en matière de lutte contre le terrorisme. Des résultats positifs obtenus avec le soutien de la Russie. Là où la France a totalement échoué. Malgré son échec, la France ne veut pas perdre le Mali. C’est tout le sens du « Oui…Mais » de la France au Mali.
Une contribution
de Moussa Koné
Citoyen malien
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