Prison en Egypte, mort d’Idriss Déby Itno, rébellion du FACT, Mahamat Idriss Déby, dialogue politique… : Tom Erdimi, dissident tchadien, sans détour

 

Au Tchad, Tom Erdimi, qui a regagné Ndjamena le 16 septembre 2022 après deux années passées dans une prison égyptienne, vit dans sa maison de la capitale où il tente de retrouver des forces après sa dure épreuve carcérale. Pourquoi a-t-il été arrêté ? Entretien de Radio France Internationale avec le dissident tchadien.

 

Qu’est-ce qui a changé au Tchad depuis votre départ il y a 17 ans ?

Tom Erdimi : Il y a eu des changements. Il y a eu le décès du président Idriss Déby Itno [tué sur le champ de bataille en avril 2021 ndlr]. Le président Mahamat Idriss Déby est devenu le président du Comité militaire de transition. Je crois que ce sont les changements les plus importants. À part ça, je n’ai pas encore eu l’occasion de parler, de me promener. Vous savez que je suis resté presque 17 ans à l’extérieur et il est un peu tôt, en une semaine, deux semaines, de cerner tous les changements qui ont eu lieu pendant ce temps.

À ce propos justement, pourquoi avez-vous rompu avec votre oncle Idriss Déby Itno en 2005 ?

C’est une longue histoire et c’est de l’histoire passée. Donc, je ne souhaite pas revenir vraiment sur tout ce qui s’est passé.

Mais quand même, est-il vrai qu’il vous avait promis le pouvoir et qu’il n’a pas tenu parole ?

Non. Il n’y a pas eu des choses comme ça. Ça, ce sont des spéculations des gens, etc. Mais moi, je ne pense pas sincèrement qu’il ait promis le pouvoir à qui que ce soit, et surtout pas à moi ni à Timan. Non.

Et vous pensez que c’est lui qui est à l’origine de votre arrestation en septembre 2020 au Caire en Égypte ?

Je ne sais pas. Je n’ai aucune idée. Et le seul motif que les greffiers m’ont opposé, c’est que j’étais en train de faire des discours et des écrits qui portaient atteinte aux bonnes relations entre l’Égypte et un pays frère. Je n’ai jamais demandé quel est le pays frère, et même, ils ne m’ont jamais dit et ils ne me diront pas quel est ce pays frère.

Que savez-vous sur la mort de votre oncle Idris Déby Itno en avril 2021 ?

[Quand j’étais en prison], j’ai appris le décès du président Déby neuf mois après son décès. Neuf mois. Et c’est un codétenu qui m’a dit : votre président a été tué. Il m’a dit qu’il a été tué par des rebelles qui sont venus du Nord. Point.

Vous n’en savez pas plus aujourd’hui ?

Non. Après, j’ai eu la visite quand même du conseiller du président qui m’a confirmé le décès. Il m’a confirmé aussi que ce sont les rebelles qui sont venus du Nord qui l’ont assassiné. Et j’ai demandé qui est le nouveau président et on m’a dit que le président, c’est Mahamat Idriss Déby. Point. Je ne me suis pas du tout intéressé aux détails, sur comment il est mort, etc. Et même arrivé ici, je n’ai pas demandé comment il est mort.

S’il n’était pas mort, pensez-vous que vous seriez toujours en prison ?

Vous savez, mon arrestation et ma libération sont quelque chose qui est déjà prescrit par Dieu. Même s’il [Idriss Déby] était vivant, si le tout-puissant avait décidé que je sois libéré ce jour, j’aurais été libéré.

Est-ce que vous pensez quand même que Mahamat Idriss Déby Itno, l’actuel président de la transition, a joué un rôle dans votre libération ?

C’est lui qui a fait le premier pas, c’est lui qui est venu voir les autorités égyptiennes, c’est lui qui a dépêché ses conseillers. Ses conseillers ont fait des va-et-vient. Donc, il est le principal auteur de ma  libération.

Qu’est-ce qu’il l’a motivé d’après vous ?

Ça, vraiment, il faut lui demander. Il faut lui demander. Mais il est le président des Tchadiens et ensuite, c’est un parent, lui. Je crois qu’il a fait son devoir et de président et de jeune frère.

Aujourd’hui, en l’absence des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), qui sont à l’origine du décès du président Idriss Déby Itno, est-ce que le dialogue national inclusif sert à quelque chose ?

Quels que soient les résultats, le dialogue est utile et nécessaire. C’est mieux, mille fois mieux, un million de fois mieux que les armes, et il y aura toujours quelque chose qui sera positif par rapport au reste.

Comment peut-on aujourd’hui mettre fin à la rébellion du FACT ?

Ce sont des rebelles, ils ont les armes, ils menacent la sécurité du Tchad. Il faut négocier avec eux. Il faut négocier.

Êtes-vous pour ou contre l’éligibilité de Mahamat Idriss Déby Itno aux prochaines élections ?

Cela dépend des Tchadiens et du dialogue. Il faut se soumettre à ce que les Tchadiens vont décider.

Même si l’Union africaine est contre ?

L’Union africaine ne peut pas décider à la place des Tchadiens. C’est important d’avoir des bonnes relations avec l’Union africaine, c’est important d’avoir de bonnes relations avec la communauté internationale.

À votre avis, est-ce que Mahamat Idriss Déby Itno doit être candidat en 2024 ?

Ça, il faut lui demander. Moi, je n’ai aucun avis là-dessus.

Votre préférence ?

D’abord, c’est un jeune petit frère. Il vient juste d’accéder à la présidence. Je ne sais pas si lui avait pensé à être président. S’il montre des capacités réelles d’un homme qui va mettre le Tchad sur les rails, pourquoi pas ? Si lui-même ou les Tchadiens remarquent qu’il n’est pas capable, il ne sera pas capable.

Et vous ?

Non. Je suis là où vous me voyez ici. (rires). Je suis assis ici, en train de prendre des médicaments.

Et votre frère Timan Erdimi ?

Il faut lui demander. Ce sont deux personnes différentes.

 

(Source : RFI)

NB : La titraille est de « Le Monde Actuel » 

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