Une coalition de formations politiques ivoiriennes dénommée « Groupement des partis politiques dans l’opposition » regroupant, entre autres, le PDCI-RDA de Tidjane Thiam , le MGC de Simone Ehivet Gbagbo, le COJEP de Charles Blé Goudé, l’URD de Danièle Boni Claverie, l’AIRD de Kahé Eric et le RPP de Tiémoko Doumbia, a lancé, le samedi 21 septembre 2024, depuis Bonoua, localité située à plusieurs dizaines de kilomètres d’Abidjan, un appel au gouvernement pour un dialogue politique devant aboutir à des réformes en vue de futures élections démocratiques et transparentes. Cet appel est contenu dans une déclaration que nous vous livrons ci-dessous en intégralité.
Déclaration du Groupement des partis politiques dans l’opposition
Distingués invités,
Chers amis de la presse,
Mesdames et Messieurs.
Je voudrais vous saluer au nom du Groupement des Partis politiques dans l’opposition et vous remercier d’avoir encore une fois répondu à notre invitation en acceptant de faire le déplacement jusqu’ici à Bonoua. Aujourd’hui, nous nous retrouvons devant vous, sans les Organisations de la Société Civile en raison de l’ordonnance numero 2024-368 du 12 juin 2024 relative à l’organisation de la Société Civile. Cette ordonnance qui impose des dispositions visiblement non conformes aux principes de la Société Civile et aux textes internationaux, consacre l’ingérence excessive de l’Administration Publique dans la gestion des Organisations de la Société Civile. Nous sommes en face d’une véritable entrave à la liberté d’expression de la Société Civile. L’absence ce jour de ces Organisations répond donc à l’impératif de mettre ces Organisations à l’abri d’éventuelles sanctions.
A présent, réaffirmons cette conviction partagée par les membres de notre Groupement : Pour nous, et cela ne souffre d’aucun doute, le système électoral actuel en Côte d’Ivoire est la source majeure des conflits sociopolitiques qui ont occasionné des crises graves depuis 2000. Ce système, malheureusement maintenu vaille que vaille par l’actuel Gouvernement, ne peut aucunement garantir la paix dans notre pays. En vérité, le système électoral ivoirien est miné par de nombreuses entraves dont la revue critique est nécessaire pour mesurer la pertinence de cette démarche commune de l’opposition En effet, depuis plus de deux décennies, la liste électorale, l’épine dorsale d’une élection démocratique, est devenue en Côte d’Ivoire une véritable gangrène dans le système électoral. D’une part elle ne reflète pas la réalité du corps électoral et fait, d’autre part, le lit d’irrégularités flagrantes connues de tous.
A cela s’ajoute l’incapacité de la CEI à se conformer à l’article 6 alinéa 3, du code électoral de la Côte d’Ivoire, lui faisant obligation de réviser annuellement le fichier électoral afin de tenir compte des mutations intervenues dans le corps électoral. Au lieu de cela, la pratique de la CEI consiste, à l’approche des élections, à lancer de manière unilatérale, de brèves opérations de recensement électoral totalement inefficaces. Ces défaillances se couplent d’une faiblesse structurelle de l’organe électoral dont l’indépendance, si elle existe, est manifestement sujette à caution. Cela contribue à mettre à mal la légitimité et la crédibilité des processus électoraux qu’il conduit.
Quant au Code électoral actuel, pris unilatéralement en 2020 par ordonnance, contrairement à ses promesses de stabilité et de modernité, il a plutôt fait le lit d’un processus électoral biaisé. A ce jour, il n’a toujours pas reçu la confiance du peuple dont la méfiance à l’égard du processus électoral reste entière. Notre pays est d’ailleurs classé dans l’indice de démocratie, parmi les régimes hybrides (source : Rapport 2022 de l’Economist Intelligence Unit (EIU). En conséquence, au moment où l’on s’apprête à aller aux élections de 2025 et de 2026, ce Code électoral ne peut donc demeurer en l’état. Sa révision et sa refonte s’avèrent absolument nécessaire.
Toutes ces précautions s’imposent pour prémunir notre Nation de la violence politique devenue presqu’une tradition et qui atteint des paroxysmes au cours des échéances électorales, tant présidentielle que locales. La violence politique prend des formes diversifiées dont les principales demeurent les violences sur les biens (vols, pillages, extorsion de fonds, destruction de biens, sabotage), les violences verbales et morales (menaces, injures, intimidations, chantages) et les violences physiques (blessures, viols, tortures, exactions, assassinats, exécutions sommaires).
Est-il possible d’espérer sortir un jour du cercle vicieux de la violence avec des élections sans heurts, des élections transparentes, crédibles et acceptées par tous ? Le groupement des partis politiques dans l’opposition appelle cela de tous ses vœux. Un mot du financement des élections qui demeure particulièrement préoccupant. Dans notre pays, le financement sur fonds publics des Partis et Groupements politiques et des Candidats à l’Election présidentielle est régie par la loi n°2004-494 du 10 septembre 2004, qui abroge la loi n° 99694 du I4 décembre 1999. Cette loi comporte encore beaucoup d’insuffisances et des dysfonctionnements tels que :
− la marginalisation de certains partis politiques, et l’insuffisance du montant alloué qui peuvent être des causes d’inefficacité ;
− l’opacité dans l’utilisation des fonds alloués et la non-publication des comptes des partis qui obèrent l’exigence de transparence ;
− le financement à la tête du client et le défaut de plafonnement des dépenses de campagne qui sont des sources d’injustice notoire.
Ces insuffisances méritent d’être corrigées. Tout observateur de la vie nationale pourra constater que le Service public de l’information est la chasse gardée du Parti au pouvoir. Les organes de régulation peinent à assurer un accès équitable aux médias d’état à tous les courants d’opinion. Or, la question de l’accès équitable aux médias d’état est un enjeu fondamental pour l’expression plurielle qui est essentielle en démocratie. Par conséquent, des reformes pertinentes sont à engager pour assurer la manifestation de la pluralité des opinions. Globalement défavorables au progrès démocratique, les défaillances du système électoral tirent aussi leur source de certaines faiblesses constitutionnelles ; en particulier en ce qui concerne la séparation des pouvoirs, la non-constitutionnalisation de la CEI etc.
Au total, force est de constater que la Constitution de 2016 modifiée par la loi constitutionnelle n°2020-348 du 19 mars 20200, n’offre guère tous les gages pour une vie démocratique optimale et un environnement électoral efficace. Ce sont tous ces problèmes liés à notre système des élections qui ont amené le 09 août 2024 dernier, notre Groupement à travers l’organisation d’un point de presse commun, à la maison du PDCI-RDA, à alerter l’opinion nationale et l’opinion internationale et interpeller le Gouvernement sur le sujet.
Nous avons en l’occurrence affirmé le désaccord des parties prenantes vis-à-vis du processus électoral tel qu’engagé actuellement par la CEI. Nous avons par la même occasion, dénoncé l’opération de révision de la liste électorale prévue pour un mois telle qu’elle est annoncée par la CEI et avons appelé le Gouvernement à l’ouverture d’un dialogue politique. Nous nous retrouvons ici à Bonoua, ce samedi 21 septembre 2024, pour confirmer que le groupement demeure uni, et continue d’enregistrer l’arrivée de plusieurs partis politiques. En effet, depuis ce point de presse commun du 9 août 2024, notre groupement s’est attelé à bâtir et affiner ses positions communes sur les points incontournables de réformes électorales nécessaires à l’organisation d’élections sans violence d’aucune sorte en Côte d’Ivoire. Pendant de longues semaines de travail, tant en Commissions qu’à travers des ateliers de validation, nous avons affiné nos positions communes sur huit (8) thématiques ci-après :
- La Révision du Code électoral
- La Réforme de la CEI
- La Révision et la refonte de la liste électorale
- La Révision du Découpage électoral
- La Sécurisation du processus électoral
- Le Financement des élections
- La Communication
- Les Réformes constitutionnelles induites
Au regard de tout ce qui précède, nous appelons encore une fois le Gouvernement à engager courageusement un vrai dialogue, un dialogue inclusif avec les Partis politiques, les Organisations de la Société Civile et l’ensemble des forces vives de la Nation en vue de permettre de faire le bilan d’exécution du dernier dialogue politique qui date du 4 mars 2022 d’une part et d’autre part de faire l’examen des sujets importants énumérés ci-dessus. Ce dialogue politique ne pourra qu’être bénéfique à notre Nation. Pour notre part, Groupement de partis Politiques signataires de la Déclaration de Bonoua de ce 21 septembre 2024, nous nous engageons à poursuivre notre collaboration pour la préparation d’un Mémorandum commun et consensuel sur les réformes électorales qui servira de base de nos propositions à l’occasion de ce Dialogue Politique que nous appelons de tous nos vœux et au plus tôt.
Légende photo : Les leaders et les représentants des différents partis politiques de l’opposition signataires de la déclaration de Bonoua affichant une posture d’unité.
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