L’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, les Émirats arabes unis et l’Iran rejoindront le groupe des cinq à partir du 1er janvier 2004. Le président comorien, président en exercice de l’Union africaine, Azali Assoumani , s’exprime sur les Brics mais également sur la situation au Niger.
RFI : Azali Assoumani, ce sommet des Brics a ouvert la porte à six nouveaux membres, dont deux africains, l’Égypte et l’Éthiopie. Que représente cette décision pour le continent ?
Azali Assoumani : C’est une très belle décision parce que l’Afrique est en train de lutter pour un multilatéralisme positif, conséquent et fructueux. Les Brics, effectivement, c’est une structure qui a toujours eu de très bonnes relations avec l’Afrique, y compris parce que l’Afrique du Sud aussi en est membre. Donc aujourd’hui, l’extension de cette structure à d’autres pays, du Moyen-Orient, d’Afrique, c’est une très bonne chose, parce que ça va dans le cadre du multilatéralisme qu’il faudrait mettre en place.
Et on entend depuis le début du sommet que les Brics ne somment personne de choisir de camp, mais dans les faits, est-ce que l’Afrique n’est pas aujourd’hui tiraillée entre le bloc occidental et des puissances comme la Chine ou la Russie ?
Moi, j’étais en Russie dernièrement et j’ai plaidé pour ça. J’ai dit que le temps des tiraillements, c’est fini. C’est vrai, il y a des gens ou des pays qui ont des intérêts particuliers. Ce que j’ai dit à Vladimir Poutine, c’est que maintenant, on a besoin de vous. On a les Européens, on a les Américains, on a les Chinois, donc on a besoin de vous pour qu’on ait une concurrence positive, parce que si la concurrence est positive, tout le monde va y gagner. C’est un constat mais je crois que les gens ont compris que maintenant, on ne peut pas prendre un pays en otage et prétendre qu’on est les seuls à coopérer avec ce pays. C’est vrai, des fois il y a des petits tiraillements, mais je pense que ce sont des choses qu’on peut quand même mettre en arrêt dans la durée.
En ce qui concerne le Niger, l’Union africaine a désormais suspendu Niamey de ses institutions. Cela signifie-t-il pour vous que le coup d’État est consommé ?
Non, pas du tout, il n’est pas consommé. On est toujours en train de discuter, ce sont des mesures qu’on prend pour essayer de les convaincre de discuter, de négocier. Nous, on est tous ensemble pour dire que non, on ne peut pas avoir trois pays en état d’inconstitutionnalité, et puis un quatrième pays, c’est quand même un mauvais exemple. Donc il va falloir tout faire pour que ça s’arrête, donc non, on discute, toutes les voies sont permises, mais nous, on privilégie la discussion, le dialogue avec eux, en espérant qu’ils iront dans le bons sens pour aller de l’avant, en tout cas, trouver une solution à ce problème, parce que c’est quand même très très grave ce qu’il se passe au Niger.
Pourquoi vous pensez que les choses vont pouvoir changer ? Qu’est-ce qui vous rend optimiste sur le Niger ?
Il y a eu tellement de problèmes dans d’autres coins, on a pu trouver des solutions. La vérité, j’en ai discuté aujourd’hui avec mes homologues, c’est qu’on ne s’est jamais assis en amont pour essayer de voir le problème, on attend que le problème se pose pour trouver une solution. Quand le problème se posera, effectivement, on aura besoin de solutions immédiates, mais ce n’est certainement pas une solution pérenne. C’est pourquoi il va falloir maintenant tirer les leçons, pour essayer de prévenir, et ne pas attendre que le coup d’État soit fait pour prendre des mesures.
S’ils ont besoin de moi, de quelque sorte que ce soit, pour les aider, moi je suis prêt à m’investir pour trouver une solution et surtout, libérer le président Bazoum. Ce n’est quand même pas humain. Et puis aussi, mettre fin à ça. Nous qui sommes élus, est-ce qu’on peut laisser faire des choses comme ça ? Qui dit à qui ça va arriver demain ? Donc nous qui sommes élus, c’est à nous de faire attention, parce que même si celui qui l’a fait demain va se faire élire, qui dit que ça va se répéter après ? C’est pourquoi on doit, effectivement, essayer de trouver des solutions en amont pour essayer de prévenir ce genre de choses.
Enfin, sur le Soudan, le pays reste enfermé dans le face-à-face violent entre l’armée et les Forces de soutien rapide, entre le général al-Burhan et le général Hemedti. Comment peut-on sortir de cette crise ?
Moi, je me suis investi à un moment donné, j’avais discuté avec les deux belligérants, on s’était mis d’accord pour mettre en place un mécanisme pour voir comment on allait s’asseoir pour discuter. Moi, j’étais prudent. Il y avait des structures locales, l’Igad [Autorité intergouvernementale pour le développement, NDLR] par exemple, qui avaient envoyé des initiatives, moi, je voulais faire une complémentarité. Aujourd’hui, j’ai discuté et je vais relancer les discussions. Dernièrement, al-Burhan m’a envoyé un émissaire avec qui j’ai bien discuté. Je vais voir comment je peux prendre contact avec Hemedti aussi. Mais il faut qu’ils acceptent de s’asseoir pour discuter parce qu’on ne gagne jamais une guerre.
Pour finir, l’Union africaine s’oppose à toutes les ingérences extérieures sur le continent. Un de ces acteurs, Evgueni Prigojine, vient de disparaître. Quelles leçons espérez-vous que les grandes puissances tireront après la disparition d’une de ces figures de l’ingérence ?
Moi, ce que j’ose espérer, c’est que les Africains comprennent, on le dit, que les problèmes africains, ce sont des solutions africaines. Aujourd’hui, il y a des militaires français, allemands, italiens, qui sont placés en Afrique, et si aujourd’hui on sort les Européens et qu’on met des Russes, quelle est la différence ? Qu’ils soient Russes, qu’ils soient Américains, qu’ils soient Européens, effectivement ce sont des gens dont on a besoin. Mais c’est à nous de définir le besoin qui serait utile, plutôt qu’effectivement, les amener pour faire à notre place ce que nous devons faire.
RFI
NB : La titraille est de «Le Monde Actuel »
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