Bénin / L’opposant Joël Aïvo en prison pour dix ans  Les raisons inoubliables d’une longue détention

Le journaliste Aboubakar Takou  (#ReporterBéninMonde) est-il un oiseau de mauvais augure ou un honnête historien du présent en affirmant ces mots ci-dessous relativement à l’affaire Joël Aivo ?

Sa déclaration a l’avantage de livrer l’affaire Aivo dans toute sa nudité. A savoir une affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat du Bénin qui a été traitée comme telle. Sans acrimonies ni arrière-pensées politiques. Comme tentent maladroitement de le faire croire une opinion proche de l’opposition béninoise, notamment.    

« C’est regrettable de se réveiller ce matin (7 décembre 2012, ndlr) avec une condamnation du brillant juriste et constitutionnaliste Joël Aïvo. Il ne méritait pas d’aller en prison. Mais il était, peut-être à son insu, en relation avec des gens qu’on ne saurait dédouaner de vouloir intenter une action contre la sûreté de l’Etat.  On a donc beau vouloir souhaiter que Joël Aïvo soit libre de ses mouvements à l’issue de ce procès, mais les preuves matérielles, intentionnelles et les liens entre le condamné et ses coaccusés, sont là pour justifier non seulement l’intégralité de la réquisition du parquet spécial, mais aussi le verdict.  Au croisement des éléments du réquisitoire du procureur spécial Mario Métonou et de la ligne de défense du collège d’avocats conduit par le vétéran Robert Dossou, la condamnation ne pouvait que s’imposer », a écrit mon confrère Aboubakar Takou.

En effet, le mardi 7 décembre 2021, le professeur de droit, Frédéric Joël Aïvo, par ailleurs, opposant politique de fraîche expérience (quatre années au moment des faits), qui comparaissait devant la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), tribunal spécial créé en 2016, pour « complot contre l’autorité de l’Etat » et « blanchiment de capitaux », a été condamné à dix ans de prison ferme. Quant à ses co-accusés, ils ont connu des fortunes diverses. Les deux militaires dont un retraité, Issiakou Boni Sarè et Moudjaïdou Ibrahim Bachabi, ont aussi été condamnés à dix ans de réclusion criminelle, mais son financier, Alain Gnonlonfoun, a été acquitté au bénéfice du doute.

Pour rappel. Arrêté le 15 avril 2021à Porto-Novo, Joël Aivo a été mis en détention en même temps que trois autres inculpés dans le même dossier : son comptable Dotou Alain Gnonlonfoun ainsi que Issiakou Boni Sarè et Moudjaidou Ibrahim Bachabi, tous deux militaires. Les deux derniers ont été perçus par la Justice comme les bras exécutants d’une mission de coup d’Etat commanditée par Arnaud Houedanou, un homme d’affaires présenté comme un soutien du professeur Aïvo. Lui est en cavale, de même qu’un certain Gilbert Zinsou, un autre homme d’affaires « actif dans les clubs de soutien »  au professeur, selon le procureur spécial près la CRIET. Ces hommes ont planifié de fomenter un coup d’Etat au profit de Joël Aïvo, d’où l’accusation de complot contre la sûreté de l’Etat.

A la barre, Boni Sarè et Ibrahim Bachabi ont reconnu avoir préparé un coup d’Etat mais, disent-ils, seulement dans le but de soutirer de l’argent à Houedanou, le demandeur du service par l’intermédiaire de Zinsou. Sauf que le procureur  a révélé des pièces à conviction : une arme, une tenue militaire, une remise de fonds (1.900.000 Fcfa en plusieurs tranches) et surtout un projet de discours de coup d’Etat dans lequel un civil est annoncé pour gérer la transition après le retrait des auteurs du coup d’Etat, un civil dont la description correspondrait à Joël Aïvo. Enfin, élément non négligeable, le lien de proximité entre Aivo et Houedanou ; selon le ministère public, cet homme d’affaires est un bailleur des activités politiques du professeur. Auteur de fraudes fiscales, ses fonds auraient financé la caution de candidature d’Aivo, d’où l’autre partie de l’accusation de blanchiment de capitaux.

Trois années après ce procès retentissant et la condamnation de Joël Aivo, il continue d’être établi que le candidat refoulé à l’élection présidentielle d’avril 2021 est coupable des faits dont il est accusé. Il est fortement compréhensible que la famille biologique et les partisans de ce professeur de droit  qui ont célébré, le mardi 18 juillet 2023, les 50 ans de leur leader, appellent à sa libération avec véhémence et colère. Mais surtout qu’ils célèbrent cet anniversaire en tenant des propos souvent incendiaires. Mais ce qui apparaît surprenant, c’est l’attitude de l’opposition politique béninoise. Qui parle de l’affaire Joël Aivo en brandissant le glaive, là où elle devrait être une colombe qui devrait s’activer, dans une logique pacifique, à obtenir auprès du président de la République, Patrice Talon, une grâce présidentielle.

C’est le cas, par exemple, de l’ancien chef de l’Etat, l’opposant  Nicéphore Soglo,  qui parle d’«otage d’un système d’exclusion » évoquant de la détention de Joël Aivo. Et de patriarche de 88 ans d’ajouter : « Il n’est pas question d’abdiquer face à l’intransigeance du totalitarisme et de la dérive autocratique ».

Alors question : Nicophore Soglo, pouvait-il accepter une tentative de coup d’Etat avortée et dresser le tapis rouge aux auteurs nnn  Evidemment non, il ne l’aurait pas fait pendant qu’il était au pouvoir. Il aurait assurément sanctionné les auteurs. La solution pour régler la grave affaire Joël Aivo qui porte sur l’« atteinte à la sûreté de l’Etat » est de prôner la paix et demander la clémence du président Patrice Talon et non bomber le torse.

Didier Depry 

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