Contribution / Affaire charnier au Mali : Pourquoi l’UA doit exiger une enquête indépendante

Les relations entre le Mali et la France sont de plus en plus exécrables. C’est un secret de polichinelle que de l’affirmer. Mais ce qui apparaît préoccupant dans ce marasme diplomatique entre les deux pays, c’est qu’à tort ou à raison, une odeur de mort sature l’air. Cette odeur est prégnante à Bamako qu’à Paris.

En plus de la menace terroriste, le Mali doit faire face aux supposés massacres qu’auraient perpétrés les militaires étrangers présents sur sol ou qui sont sur le départ définitif. C’est dans cette logique qu’il faut inscrire l’épineuse affaire du charnier découvert à côté de la base militaire (anciennement française) de Gossi, dans le Nord du Mali. En effet, l’armée française a filmé, le mardi 19 avril 2022, ce qu’elle présente comme des « mercenaires » russes du groupe Wagner à Gossi en train d’enterrer des corps près de la base avancée de l’Opération française Barkhane, remise aux forces armées maliennes.

Selon l’armée française, l’objectif de Wagner était ensuite d’accuser les soldats français d’exactions, ont rapporté des médias français. En rendant public, les captures de la vidéo enregistrée par un drone qui survolait le site, l’armée française estime que c’est une réponse à la désinformation dont elle assure faire l’objet. L’armée française a en affet fait fuiter des images tournées par un drone montrant des « mercenaires » russes en train d’enterrer des corps près de la base de Gossi, dans le nord du Mali. D’après l’état-major de l’armée, l’objectif de ces mercenaires était d’ensuite accuser les Français d’avoir laissé un charnier derrière eux.

Dans cette vidéo, on peut voir des soldats s’affairer autour de cadavres qu’ils recouvrent de sable. L’armée française assure qu’il s’agit de soldats blancs qu’elle a pu identifier sur des vidéos et des photos prises sur d’autres lieux. Avec cette vidéo, l’armée française a voulu répondre aux accusations publiées ces derniers jours sur les réseaux sociaux. Via le compte d’un certain « Dia Diarra » a été publiée une photo de cadavres floutés enterrés dans le sable, avec pour commentaire : « C’est ce que les Français ont laissé derrière eux quand ils ont quitté la base à #Gossi (…) on peut pas garder le silence sur ça! » Dans un autre tweet, le compte accuse une nouvelle fois les soldats français d’exactions. « Les images des cadavres depuis la base de #Gossi sont terribles Un crime contre le peuple malien fait par le Français qui ont joué un rôle du pays ami depuis 9 ans ! Une vidéo depuis l’ancienne base française est diffusée sur les discussions WhatsApp… »

Ce dénommé Dia Diarra, se proclame  » ancien militaire » et  » patriote malien » . Il s’agit  » très probablement d’un faux compte créé par Wagner « , la société militaire privée russe, selon l’état-major français. « On assiste à une manœuvre informationnelle structurée« , reposant sur la « montée en gamme d’un premier tweet« , a commenté vendredi le porte-parole de l’état-major, le colonel Pascal Ianni. C’est la première fois que l’armée française diffuse dans un délai si court des images de drone militaire en vue de contrer une attaque informationnelle, alors que la lutte d’influence fait désormais rage sur les réseaux sociaux.

Dans le cadre de son désengagement du Mali, annoncé en février dernier, l’armée française a officiellement remis aux forces armées maliennes (FAMA) les clés de la base de Gossi, qui accueillait 300 soldats français. Paris a décidé en février son retrait militaire du Mali, dans un contexte sécuritaire dégradé et sur fond de tensions entre la France et la junte militaire au pouvoir, accusée par les occidentaux d’avoir recours aux services du groupe Wagner. Bamako évoque pour sa part de simples conseillers russes. L’état-major de l’armée française avait prévenu s’attendre à des attaques informationnelles à l’occasion de la rétrocession de la base de Gossi.

Son porte-parole, le colonel Pascal Ianni, avait précisé qu’un état des lieux « documenté » de la base avait été dressé, pour protéger la France d’éventuelles accusations. Une allusion au sentiment antifrançais qui a gagné du terrain dans la région et a valu à la France de faire l’objet de campagnes de dénigrement sur les réseaux sociaux. « Il y a plusieurs mois, les forces françaises ont été accusées de participer à des trafics (…), d’armer les terroristes voire de commettre des exactions », avait rappelé le colonel Ianni.

Du côté de Bamako, une enquête a été ouverte et les autorités considèrent la France coupable d’espionnage et de subversion. La politologue Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network, a exposé les enjeux  autour de ce nouvel épisode de tensions entre la France et le Mali.

« Je pense qu’il est toujours positif de voir des institutions judiciaires nationales se mobiliser. Mais dans le cas de cette affaire, qui implique des acteurs extérieurs dans une relation d’affrontement, les conclusions d’une enquête menée par les autorités judiciaires maliennes seront forcément remises en question. Une fois encore, nous avons deux thèses, deux versions qui s’affrontent. Seule une enquête indépendante pourrait déterminer ce qu’il s’est passé.  Quand on parle d’enquêtes indépendantes, on a tendance à penser aux commissions mises en place par des partenaires internationaux : évidemment, c’est quelque chose qui pourrait être fait par la Minusma. Il y a quand même un autre acteur fondamental, c’est la Commission nationale des droits humains du Mali. Elle pourrait aussi être mobilisée pour ce type d’affaires, parce que c’est une institution indépendante. On aurait donc une perspective malienne, qui ne proviendrait pas des autorités exécutives. Et à mon avis, c’est à ce type de solutions qu’il faudrait penser mais bien évidemment, le temps presse », a-t-elle confié à la chaîne de télévision TV5 Monde.

C’est à juste titre que l’Union africaine (UA) devra se saisir de cette affaire afin que la vérité éclate. Les pays africains, à travers l’U.A, devront exiger une enquête indépendante pour que les morts inhumés à la hâte dans une fosse commune près du camp militaire (anciennement français) de Gossi ne le soient pas en vain. Comme l’ont été les nombreux morts en Afghanistan et en Irak. Des victimes innocentes des « erreurs » et autres actes de l’armée américaine que  le lanceur d’alerte américain, Julian Assange, avait dévoilé à la face du monde entier par le biais de son site d’information Wikileaks.

En 2010, il avait fait de graves révélations sur la manière dont les Etats-Unis et leurs alliés occidentaux menaient la guerre en Irak et en Afghanistan. Des révélations mettant en lumière de graves violations des droits humains qui sont pourtant restées impunies. Ces révélations ont certes rendu Julian Assange célèbre à travers le monde, mais elles en ont fait une personne traquée par les Etats-Unis. Il s’est retrouvé ainsi au centre d’une affaire politico-judiciaire internationale qui l’a privé de liberté à partir de 2010 dans des circonstances telles qu’il peut être  qualifié de prisonnier politique. En liberté surveillée, puis réfugié dans l’ambassade de la République d’Equateur à Londres entre 2012 et 2019, il est incarcéré depuis 2019 au Royaume Uni et au cœur d’une procédure d’extradition demandée par les Etats-Unis  après avoir été inculpé pour « espionnage ». Julian Assange encourt 175 ans de prison pour avoir  révélé la vérité. Quand on sait que l’armée française était en Afghanistan aux côtés de l’armée française au moment des faits allégués par Julian Assange, on comprend qu’il est impératif que les pays africains exigent que la lumière soit faite sur l’affaire du charnier de Gossi.

 

Une contribution de

Moussa Koné

Citoyen malien

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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