Crises politiques, cohésion sociale, les raisons de son « exil », regard sur la Côte d’Ivoire… : Thérèse Houphouët-Boigny à cœur ouvert

 

Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, veuve du premier chef de l’Etat de Côte d’Ivoire, feu Félix Houphouët-Boigny, décédé en 1993, a été élevée à l’honneur de Grand Officier de l’Ordre National par la Grande Chancellerie de Côte d’Ivoire, le mardi 18 octobre 2022, au siège de l’institution à Abidjan-Cocody. La cérémonie s’est déroulée en présence de nombreuses personnalités politiques, de colorations divers, des leaders traditionnels et religieux, d’ambassadeurs etc. au nombre desquelles figuraient l’ex-chef de l’Etat Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA, la Première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara et l’ancien Première dame, Simone Gbagbo. A cette occasion, Mme Thérèse Houphouët-Boigny s’est adressé aux acteurs politiques et à tous les Ivoiriens,, sans faux fuyants, avec vérité. Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de son discours.

 

 

« Je voudrais que vous puissiez m’autoriser de vous parler avec mon cœur. C’est un moment que plusieurs personnes attendent depuis de nombreuses années, je sais que nombre d’entre vous se demandaient ce que je devenais, si j’avais encore la force physique et la lucidité vu mon âge avancé, je peux vous dire que je suis encore jeune, je me porte bien. Tout va bien. Je suis heureuse d’être de retour dans mon pays. Depuis 1993, année du décès de mon époux, le président

Félix Houphouët-Boigny, sous le poids du choc émotionnel, j’ai fait le choix de me retirer progressivement de la scène. J’ai voulu non seulement laisser la place aux générations nouvelles mais j’avais personnellement besoin de vivre dans la discrétion la plus absolue. Mon choix de vivre en Haute-Savoie, en France n’était donc pas fortuit. Grâce aux efforts des différents présidents qui se sont succédé , je n’ai manqué de rien. E président Henri Konan Bédié m’a pendant tout mon veuvage, le président Laurent Gbagbo pour les années qui suivirent et bien sûr le président Alassane Ouattara jusqu’à ce jour. Merci donc à vous tous, merci pour le respect de vos engagements et    merci pour votre délicate attention à mon égard. Mesdames et messieurs, illustres invités, ma joie est très grande ce jour, mon cœur se réjouit de voir , tous rassemblés en ce lieu. C’est la Côte d’Ivoire que j’aime voir. Celle qui rassemblée, celle qui incarne l’union et la paix dans la diversité et l’exemple de cet événement qui nous réunit aujourd’hui. J’ai suivi avec beaucoup d’attention, parfois avec une profonde tristesse, tous les événements politiques qui se sont succédé depuis maintenant trois décennies.

 

Je constate cependant que la Côte d’Ivoire avance avec une grande science, la Côte d’Ivoire se construit et la Côte d’Ivoire transcende les difficultés. Sans parti pris, mon sage conseil est que vous soyez tous épris de paix, laissez-vous porter par la tolérance et le pardon pour garantir la sérénité durable dans notre chère nation. Aux générations actuelles et futures, j’aimerais demander de cultiver également l’amour de la patrie mais aussi et surtout le retour aux valeurs, les vraies, le respect d’autrui, le travail, l’amour de son prochain. A mes amis de l’aventure 46 (1946, ndlr), nous ne sommes plus très nombreux, hélas !  mais vous êtes et vous resterez mes compagnons de toujours. Merci pour votre  présence et un merci particulier pour le témoignage de Madame Simone Guirandou, mon amie, ma sœur. A tous nos chefs traditionnels et religieux qui ont participé à l’unicité et à la sauvegarde de notre pays, je vous dis un grand merci.

Mes chers enfants, mes petits-enfants, sans vous , je ne serais pas ici aujourd’hui, vous m’avez couverte d’amour durant dans mes moments de solitude, vous avez su me rassurer chaque fois que je perdais espoir et publiquement je voudrais vous associer à mes remerciements. Mon plus beau cadeau serait que vous puissiez restés unis  et solidement attachés aux valeurs qui sont les nôtres. A toute la Côte d’Ivoire, Ivoiriens d’ici ou d’ailleurs, soyez fiers de notre pays et croyons en avenir radieux. C’est donc sur ces propos que je vais terminer mon propos en réitérant à l’assemblée, particulièrement à monsieur le président de la République et à madame la Grande chancelière , à toutes mes consœurs ici présentes, ma profonde gratitude en espérant que vous retiendrez tous les mots qui me sont les plus chers : paix, amour, tolérance pour que vive la Côte d’Ivoire, que vivent les Ivoiriens dans la paix et dans l’harmonie. Je vous remercie. »

 

Un discours qui interpelle Bédié, Gbagbo et Ouattara

 

Le décryptage de cette intervention permet de découvrir une première First Lady meurtrie lorsqu’elle jette un regard rétrospectif sur les trois décennies passées vécues par le pays marquées par des crises politiques atroces  ayant fait de nombreuses victimes. Cependant elle ne désespère pas de la Côte d’Ivoire et se réjouit à juste titre des efforts déployés par les nouveaux dirigeants conduits par le président Alassane Ouattara. « Côte d’ivoire se construit …», constate avec soulagement Mme Thérèse Houphouët-Boigny avant de lancer un appel à l’unité à l’endroit de tous les Ivoiriens. A quelques mois des élections municipales de 2023 et à trois années de l’élection présidentielle cruciale de 2025 à laquelle Bédié et Gbagbo, via leurs partisans, se disent déjà candidats et à laquelle

Ouattara pourrait également prendre part en qualité de président sortant, le message de la veuve de Félix Houphouët-Boigny, artisan de la paix, sonne comme une mise en garde, un enseignement pour éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets.

 

Didier Depry

 

 

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