L’Afrique est la région du monde la plus exposée aux effets du changement climatique alors que ses habitants sont ceux qui y ont le moins contribué. Selon Fatih Birol, directeur de l’Agence internationale de l’énergie, plusieurs leviers doivent être actionnés pour réparer cette injustice – en s’assurant que la population est au centre de la transition verte sur le continent.
Les effets de la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires ne sont nulle part plus destructeurs qu’en Afrique, où les populations sont les moins en mesure d’y faire face. La guerre en Ukraine – au-delà des tragédies humaines qui touchent de plein fouet les Ukrainiens – a perturbé les chaînes de valeurs mondiales, faisant grimper en flèche les prix des denrées alimentaires, de l’énergie et d’autres produits de base, et accentuant les pressions sur les économies africaines, déjà durement touchées par la pandémie de covid-19.
Avant la guerre en Ukraine, le nombre d’Africains n’ayant pas accès à l’électricité était à nouveau en hausse en raison, entre autres, d’une perte de pouvoir d’achat qui avait inversé les progrès constants réalisés depuis 2013. Le nombre de personnes n’ayant pas accès à des modes de cuisson propres (non polluante) a continué d’augmenter tout au long de la pandémie.
La hausse des prix du gaz de pétrole liquéfié (GPL) – l’un des principaux combustibles de cuisson propres disponibles en Afrique aujourd’hui – pourrait conduire plus de 30 millions de personnes à perdre l’accès à ces moyens de cuisson propres, et ainsi de revenir à la cuisson traditionnelle à la biomasse d’ici à la fin 2023.
L’une des grandes injustices du monde actuel est que l’Afrique est aussi la région de la planète la plus exposée aux dérèglements climatiques, qu’il s’agisse de sécheresses graves ou d’inondations destructrices, alors que ses habitants sont ceux qui ont le moins contribué aux émissions de gaz à effet de serre dues à la consommation d’énergie. Les pays africains sont responsables de moins de 3 % des émissions mondiales cumulées de CO2 depuis le début de la révolution industrielle.
En Afrique, la transition ouvre de nombreuses opportunités. Les solutions d’accès à l’énergie basées sur le solaire font partie de celles qui se développent le plus rapidement en zones rurales. Les pompes d’irrigation à énergie solaire sont moins coûteuses à l’usage que les pompes à moteur diesel et peuvent améliorer la productivité alimentaire et la résilience aux sécheresses.
L’assemblage de ces solutions d’accès à l’énergie et la fabrication de composants clés constituent des opportunités en pleine croissance pour l’industrie africaine. Toutefois, ces secteurs seront largement dépassés par les possibilités croissantes pour l’Afrique de devenir un acteur majeur dans l’extraction et le traitement des minéraux critiques, qui sont essentiels pour construire les batteries, les technologies liées à l’hydrogène et les énergies renouvelables du futur.
L’Agence internationale de l’énergie travaille sur les questions énergétiques en Afrique depuis plus de deux décennies et compte aujourd’hui trois pays africains parmi ses pays associés. Il s’agit notamment d’assurer l’accès universel aux sources d’énergie modernes d’ici 2030 et de mettre pleinement en œuvre tous les engagements africains en matière de climat, en matière d’atténuation des émissions de GES et d’adaptation aux effets du changement climatique. La réalisation de tous ces objectifs sera une formidable entreprise, dont les pays africains doivent assumer le leadership, définissant la voie à suivre là où les institutions internationales doivent renforcer leurs efforts sur le terrain pour augmenter de manière significative les investissements nécessaires au développement énergétique de l’Afrique.
Parce qu’à la vérité, les initiatives et les investissements pour les énergies vertes coûtent excessivement cher, ils sont très couteux pour les gouvernements africains qui, dans leur large majorité, ne peuvent pas supporter ces coûts. Malheureusement les pays occidentaux notamment les Etats-Unis d’Amérique et les pays européens insistent auprès des pays africains, les contraignent même dans certains cas, afin qu’ils s’engagent dans des énergies vertes à long terme. Les pays africains qui n’ont pas les fonds nécessaires pour financer ces investissements en matière d’énergie verte seront contraints de s’endetter durablement auprès des institutions de Bretton Woods et des pays occidentaux.
Les pays africains pourront-ils rembourser ces dettes abissales qui contracteront ? Ce sera difficile, il faut l’avouer. Dans ces conditions, les pays africains seront obligés de permettre l’accès prioritaire et préférentiel à leurs ressources naturelles aux pays occidentaux, notamment les Etats-Unis et les pays européens qui leur ont fait des crédits afin de rembourser leurs dettes.
C’est ainsi le côté pervers de la politique de l’énergie verte vers laquelle les pays occidentaux poussent irrémédiablement les pays africains. Même s’il est nécessaire de basculer vers l’énergie verte pour sauver la planète, il serait nécessaire de laisser chaque pays, selon ses possibilités économiques, d’y aller à son rythme. Ilne s’agit pas pour les pays africains, pauvres, de les endetter davantage et de les contraindre à céder à vil prix leurs ressources naturelles (pétrole, gaz, uranium, bauxite, fer etc.).
Nedson Djinsou
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