Les diplomates français sont appelés à la grève ce jeudi 2 juin. Ils protestent contre la disparition du corps diplomatique, ainsi que contre la dégradation des conditions de travail. Un mouvement particulièrement suivi, jusqu’à l’ambassade de France en Chine. Les deux mots « en grève », en grands caractères, sont inscrits sur un drap tendu sur l’écran vidéo au-dessus de l’accueil de l’ambassade de France à Pékin. La situation est peu habituelle au sein de l’institution. Un quart des personnels venus du ministère des Affaires étrangères au sein de la représentation diplomatique française en Chine ont cessé le travail ce jeudi. La plupart n’avaient jamais fait grève de leur vie.
C’est la deuxième journée de grève dans l’histoire du Quai d’Orsay. Pour une majeure partie des 13 000 agents que compte l’institution, il s’agit de « défendre un métier, et non un statut » explique l’un des fonctionnaires mobilisés à l’ambassade de France à PékinL’idée que la diplomatie est un statut est non un métier, c’est nier complètement la logique d’expertise et de projection que les agents mettent dans ce mode de vie. Un métier avec « une perspective de carrière et de l’expertise qu’on acquiert » au fil d’une vie dévouée à la défense des intérêts de la France et des Français de l’étranger, soulignent encore les grévistes qui proposent de signer une pétition via un Code QR à télécharger. « Souvent on découvre son ambassade quand on a un problème, affirme Florian Turc. On a perdu son passeport, on n’a plus de visa, ou tout simplement on a besoin de rentrer en France, » poursuit ce représentant syndical.
Une situation à laquelle sont confrontés de nombreux Français de Chine, soumis depuis le début de la pandémie de Covid-19 aux restrictions sanitaires drastiques et à des déplacements limités par les autorités chinoises : « Il y a des problèmes d’avion notamment, par exemple le vol pour Paris de ce soir était annulé et on s’est battu pour qu’il soit maintenu. En Chine, il a fallu faire venir les enseignants du lycée français, on se bat pour cela et beaucoup d’autres choses. Le métier de diplomate, c’est aussi de permettre aux Français de vivre au mieux dans les pays où ils s’installent, et qu’ils puissent en repartir en cas de crise. » À en croire celles et ceux qui ont choisi de travailler pour le rayonnement de la France, il y aurait aussi une méconnaissance d’un métier qui va beaucoup plus vite aujourd’hui qu’hier. Une diplomatie en crise qui doit réagir en permanence à un monde en crise, avec des négociations marathons, des semaines où les nuits se confondent avec les jours, comme lorsqu’on doit évacuer les Français de Wuhan au printemps 2020, ou qu’on doit prêter assistance à la population française confinée à Shanghai.
L’ambassade de France à Pékin est la plus grande ambassade dans le monde, devant celle de Washington : 380 agents y travaillent, venus de différents ministères et sous différents statuts, éprouvés comme la communauté française en Chine par la stratégie épidémique chinoise « Zéro Covid ».
L’engagement de diplomate exige « énormément de sacrifices », explique un agent gréviste. « C’est aussi une projection sur plusieurs décennies, poursuit ce dernier, avec beaucoup d’incertitude, pour les conjoints qui dans de nombreux pays n’ont pas le droit de travailler et doivent souvent mettre leur vie personnelle en pause pendant l’expatriation. Sans parler de tout ce qui pèse sur les familles. Comme de nombreux expatriés, beaucoup d’agents en Chine n’ont pas pu rentrer chez eux depuis trois ans, en raison des contraintes imposées à l’entrée sur le territoire chinois. »
Et puis, le métier de diplomate ce sont aussi des kilomètres de notes de synthèses à écrire. Sur une table, des masques avec le mot « grève » et les mémoires de Claude Martin. L’ancien ambassadeur à Pékin a emprunté à une citation attribuée à Mao pour le titre de son ouvrage La diplomatie n’est pas un dîner de gala, paru aux éditions de l’Aube.
En Chine, comme dans la plupart des 160 pays où la France est représentée, on est effectivement loin de la publicité pour une marque de chocolat qui a « fait beaucoup de mal au corps diplomatique », lit-on dans un commentaire sous le hashtag #diplo2métier.
RFI
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