Interview / Ses années d’exil, les raisons de son retour, sa proximité avec la mère de Gbagbo, sa carrière, son appel aux autorités – L’artiste-chanteur Paul Madys à cœur ouvert

Dans cette interview exclusive qu’il nous accordée, l’artiste-chanteur Paul Mady’s parle des péripéties de son exil consécutif à la crise post-électorale de 2010-2011. Il évoque sa proximité au Ghana avec la défunte mère de l’ancien président de la République de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo. Paul Mady’s parle  de son retour, de l’ex-galaxie patriotique, de sa carrière musicale, de ses projets et lance un appel aux autorités ivoiriennes avec à leur tête le président de la République, Alassane Ouattara.

 

Le Monde Actuel : Vous avez vécu plusieurs années en exil suite à la crise post-électorale qui a secoué la Côte d’Ivoire en 2010-2011. Où étiez-vous réfugié et qu’est-ce qui a motivé votre retour ?

 Paul Mady’s : Je voudrais d’abord saluer les lecteurs du site indépendant d’informations LE MONDE ACTUEL. Je n’aime pas trop parler d’exil parce que pour moi, il ne faut pas souhaiter l’exil même à son pire ennemi. Selon moi, l’exil est une prison à ciel ouvert. Donc, c’est quelque chose dont je n’aime pas trop parler parce que j’en ai tiré beaucoup de leçons. Parce que tout ce qui nous blesse, tout ce qui nous détruit, on ne doit pas s’en plaindre, on doit en tirer plutôt des leçons. Et donc, de l’exil, j’ai tiré beaucoup de leçons sur lesquelles je ne souhaitais pas revenir. Mais bon ! Comme les lecteurs ont besoin de savoir un peu, je vais donc y répondre partiellement. Durant mon exil, j’ai sillonné beaucoup de pays partant de l’Afrique.

 Quels sont ces pays que vous avez parcourus ?

Je ne les citerai pas tous mais grâce à Dieu, ça pas été facile. Parce que passer tout ce temps en exil et ne pas être interné dans un hôpital jusqu’à ce qu’on revienne chez soi, je veux dire que c’est Dieu.  Ce que vous devez savoir, c’est que de mon départ de la Côte d’Ivoire, je suis arrivé au Ghana. Tout est parti du Ghana. Et puis, on a bougé. On a parcouru beaucoup de pays et on est rentré. Maintenant ce qui a motivé mon retour au pays, dans un premier temps, il y a le décès de la mère du président Laurent Gbagbo. Parce que quand j’étais à Accra (Ghana) , cette mémé était tout pour moi. Sa présence au Ghana m’a motivé parce que la plupart du temps, c’est moi qui faisais ses courses, la conduisais, allais chercher sa nourriture, ses médicaments etc. Pour moi, Je devais la servir.  Etre à ses côtés, passer du temps avec elle, jouer à l’ « awalé » (jeu collectif traditionnel, ndlr),  causer, échanger, l’amuser, la distraire, faire en sorte qu’elle soit en joie. Donc j’ai été l’une des personnes présentes à ses côtés. Et pensant aussi à son fils qui n’était pas avec elle pour les raisons qu’on sait tous. Et quand j’ai appris son décès, j’ai pris le risque de venir au pays parce que son fils ne pouvait être là et être parmi tous ces personnes qui rentraient au pays. J’ai donc pris le risque de venir à ses funérailles. Et ce fut ma première venue en Côte d’Ivoire. Je me suis dit, ma vie n’est rien à côté de toutes ces vies. Et j’ai donc pris le risque de rentrer.  C’est la première raison qui a motivé mon retour au pays. Et puis, la seconde raison, ce sont les décès de mes parents, grands frères, petits frères, petites sœurs, tout le monde parti, et mes enfants étaient livrés à eux-mêmes. Je me suis dit que dans la vie, il faut risquer. Si tu as commis un crime, on va te juger et si on doit te condamner, on te condamne. Mais si tu n’as pas commis de crime, je pense qu’on ne va rien te faire, et puis je ne suis qu’un chanteur. C’est surtout le décès de mes parents qui a motivé mon retour définitif en Côte d’Ivoire.

Vous n’aviez donc pas la possibilité de poursuivre votre carrière artistique durant cette période d’exil ?

Je suis resté artiste-chanteur même en exil. J’ai pu signer avec des maisons de disques, de sortir des albums et j’ai aussi été invité par l’association internationale « Zaino » qui a son siège à Casablanca, au Maroc et qui est représentée en Belgique, aux Etats-Unis, en France. Donc j’ai été invité comme plusieurs autres artistes venus du monde entier. J’ai aussi fait beaucoup de collaborations avec des rappeurs. J’ai été désigné pour représenter  l’association  « Zaino » en Afrique subsaharienne. Après, j’ai été contacté par une autre association appelée « Retour à la terre pour le développement » dont le siège se trouve à N’Djamena, au Tchad.

Invité au Tchad, j’y ai été nommé président de cette association panafricaine. On a travaillé sur l’immigration clandestine ainsi que sur le retour des jeunes à la terre. On a travaillé sur tous ces projets.  J’ai fait beaucoup de rencontres.  Mais, je veux dire quand tu as tout ça, tu arrives dans ton pays et il n’y a pas d’ouvertures, c’est compliqué. Ce sont des choses qu’on a envie de mettre en pratique, mais on n’a pas d’ouvertures. Toutes les portes auxquelles on frappe, ne s’ouvrent pas. C’est difficile ! Donc, pendant mon exil, j’ai vécu de mon métier qui m’a ouvert beaucoup de portes.

 Quel est l’état actuel de vos relations avec vos amis de l’ex-galaxie patriotique que dirigeait Charles Blé Goudé ?

Le président Charles Blé Goudé et moi sommes en de bons termes. Mes relations sont aussi bonnes avec Konaté Navigué. François Kency et moi, on s’appelle quelque fois.  Je n’ai aucun problème  parce que je n’ai fait que mon travail d’artiste. Chanter pour mon pays, chanter pour les Ivoiriens.  Donc en temps normal, je n’ai pas de problème avec quelqu’un et je ne veux pas avoir de problème avec quelqu’un. Parce que tous ceux qui ont écouté mes chansons savent que je n’ai jamais insulté quelqu’un ni combattu quelqu’un. Mais j’ai combattu pour la restauration de la paix, de la cohésion sociale et de l’unité dans mon pays.

Ceux qui ont une position arrêtée par rapport à Paul Mady’s, c’est parce que ces personnes ne peuvent pas faire ce que je fais. Ceux qui tirent sur moi, ils sont quelques-uns. C’est parce qu’ils n’ont pas été là où j’ai été et ne peuvent pas faire ce que je fais, donc je les comprends. Tous ceux qui tirent sur moi, c’est parce que ces personnes ne me valent pas et ne valent pas ce que je vaux. Sinon à part deux ou trois personnes qui m’en veulent, tout se passe bien avec les autres.

Vous avez sorti un nouvel opus. Pouvez-vous nous en parler ? Quels sont vos projets concernant votre carrière musicale ?

A travers mon nouvel album intitulé « Famille » veut montrer aux gens que Paul Mady’s est un artiste à part entière. Je ne suis pas un artiste circonstanciel, je suis est un artiste intemporel. C’est un album sur lequel j’ai chanté les thèmes de la vie comme je le faisais avant. Il y a eu un moment en Côte d’Ivoire où il y avait  des choses qui n’allaient pas. Il fallait  qu’on chante pour que les choses rentrent en ordre. C’est ce qu’on a fait et je pense avoir bien fait, parce que je n’ai pas de problème avec quelqu’un.

Maintenant je me consacre entièrement à ma carrière. C’est pourquoi, j’ai sorti cet album intitulé « Famille ». C’est donc un album qui touche à la vie. On parle de famille pour dire que le linge sale se lave en famille. Ce n’est pas tout le linge sale qu’on expose au soleil. Et puis, il y a le titre « Africain » dans lequel je dis aux Africains de ne pas chercher loin, parce que leurs ennemis, leurs sorciers, c’est eux-mêmes. C’est une vérité ! Après, je parle de mon histoire à travers un chant. Ce que j’ai vécu depuis mon enfance jusqu’à maintenant.

Je chante aussi l’immigration clandestine parce que j’ai suivi cela de près. J’ai même sauvé une famille de cette situation. Cette situation m’a donc forgé, elle m’a instruit, elle m’a poussé à composer une chanson intitulée « Embarcation de la mort ». Paul Mady’s est un artiste complet qui se consacre désormais entièrement à sa carrière et prépare des spectacles et des voyages.

Et comme je l’ai dit, nous sommes tous des Ivoiriens. Quel que soit le pouvoir en place, les gens devraient être à mesure d’accompagner tout le monde. Mais, on a l’impression qu’il y a des tris et c’est dommage. On ne comprend pas cette situation. Cela fait que les gens ont l’impression que nous n’avons pas envie de travailler. Alors que j’ai fait un album de belle facture. Les autorités, en temps normal, devraient m’accompagner sur ce projet.

Mais quand tu déposes un courrier, on ne te répond jamais.  Peut-être parce que tu t’appelles Paul Mady’s. Nous lançons un appel au président de la République, à toutes les autorités, pour leur dire que nous sommes des Ivoiriens, nous faisons partie de ce pays. Il faut que les gens ouvrent leurs bras, il faut que le pouvoir ouvre ses bras à tous ses enfants. Nous sommes aussi des enfants de ce pays. Nous avons besoin de vivre dans ce pays. Il faut qu’on nous ouvre les bras. Qu’ils voient notre projet et si le projet mérite d’être accompagné, qu’on l’accompagne. Donc j’en appelle au Président de la république, au Premier ministre, à tous les décideurs pour nous ouvrir leurs bras. Nous avons besoin de participer à la construction économique, sociale, culturelle et politique de notre pays. Nous ne sommes pas des criminels. Qu’on nous accompagne donc dans nos projets.

Interview réalisée

 par Marcel Zokou

Légende photo : L’artiste-chanteur Paul Mady’s a sorti un nouvel album intitulé « Famille ».

 

 

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