Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a accordé un entretien à RFI et France 24, le mercredi 30 mars. Au cours de cet entretien, le ministre a notamment évoqué la situation en Ukraine, l’accord sur le nucléaire iranien et la présence militaire française au Sahel. Invité exclusif de RFI et de France 24, Jean-Yves Le Drian se montre prudent sur de possibles avancées dans les négociations entre la Russie et l’Ukraine. « Il n’y a, à ma connaissance, ni percée, ni nouveauté », affirme le ministre des Affaires étrangères.
« Il y a eu beaucoup de déclarations des autorités russes. Je ne croirais que les actes », déclare Jean-Yves Le Drian, qui maintient qu’il y aura un véritable progrès si le président russe Vladimir Poutine renonçait au siège de Marioupol, permettait à l’aide humanitaire de rentrer dans la ville et à la population civile de circuler librement. Depuis fin février, le port stratégique, situé sur la mer d’Azov, est encerclé par l’armée russe qui bombarde la ville. Selon le maire de Marioupol, Vadim Boïtchenko, environ 160 000 personnes y sont toujours coincées.
« Il faudrait un cessez-le-feu à Mariouopol pour éviter le carnage », répète Jean-Yves Le Drian, qui rappelle que la ville de Kharkiv subit, elle aussi, cette « guerre de siège » menée par les forces russes. Sur la question de la possibilité d’utilisation d’armes chimiques par la Russie, le ministre rappelle qu’« il faut qu’ils s’attendent à des sanctions massives, très fortes » en cas d’utilisation d’armes non conventionnelles, sans pour autant détailler ces sanctions. Au sujet des négociations entamées entre la Russie et l’Ukraine à Istanbul, Jean-Yves Le Drian déclare qu’« il ne faut pas se faire illusionner par du déclaratif » et rappelle que les négociations durent depuis trois semaines, évoquant les rencontres de représentants des deux pays à Gomel, en Biélorussie, et à Antalya, en Turquie. « Il est possible que, vu les difficultés qu’a l’armée russe en Ukraine, les plans soient réévalués. Mais il est aussi possible que cette période où l’on annonce des discussions approfondies soit une période mise à profit par la Russie pour reconstituer des forces », alerte-t-il.
Plus tôt, le chef de la délégation russe, Vladimir Medinski, avait fait état de « discussions substantielles » et salué les propositions « claires » de Kiev en vue d’un accord. L’Ukraine a, de son côté, accepté le principe de sa neutralité à condition qu’elle obtienne un « accord international » pour garantir sa sécurité, dont seraient signataires plusieurs pays agissant en tant que garants, comme les États-Unis, la Chine, la France et le Royaume-Uni, membres du Conseil de sécurité de l’ONU. « Mais on ne négocie pas avec un revolver sur la tempe », assène le ministre des Affaires étrangères, tout en rappelant qu’une modification de la Constitution ukrainienne sur la question de la « neutralité ukrainienne » passerait par un référendum, qui ne pourra se tenir qu’en cas de départ des troupes russes du territoire ukrainien. « Il serait peut-être opportun aussi que le président Zelensky rencontre le président Poutine. Pour l’instant, ce n’est pas possible, puisque le président Poutine le refuse », a-t-il noté.
Jean-Yves Le Drian a également évoqué un grand dossier diplomatique : la question du nucléaire en Iran. Aujourd’hui, « l’Iran est prêt à renoncer à l’arme nucléaire et les sanctions liées à la course en avant de l’Iran pour acquérir l’arme nucléaire vont tomber », affirme le ministre, qui assure que les différents acteurs des Accords de Vienne de 2015 partagent la même position.
Conclu par l’Iran d’un côté, les États-Unis, la Chine, la France, le Royaume-Uni, la Russie et l’Allemagne de l’autre, ce pacte était censé empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique, en échange de la levée des sanctions qui asphyxient son économie. Mais il s’est délité après le retrait, en 2018, de Washington qui a rétabli ses mesures contre l’Iran.
Mercredi 30 mars, les États-Unis ont imposé des sanctions financières à des fournisseurs du programme de missiles balistiques iranien, à la suite d’une attaque revendiquée par les Gardiens de la révolution de Téhéran au Kurdistan irakien. Ces mesures montrent que les États-Unis « n’hésiteront pas à cibler ceux qui soutiennent le programme de missiles balistiques de l’Iran », même s’ils tentent parallèlement de conclure un compromis pour sauver l’accord sur le nucléaire iranien, a déclaré dans un communiqué le sous-secrétaire au Trésor américain, Brian Nelson. Alors que les militaires français quittent progressivement le Mali, le ministre français des Affaires étrangères est revenu sur neuf ans de présence militaire au Sahel. « Le gâchis est politique », affirme-t-il.
Jean-Yves Le Drian rappelle que la décision de réarticulation complète du dispositif français et européen au Sahel a été prise « par les Européens et les Africains » en février dernier. « C’est une refonte pour donner une plus grande amplitude en soutien aux différentes autorités des pays concernés par la menace terroriste. Non seulement aux pays du Sahel, mais désormais aussi les pays du golfe de Guinée, puisque l’on voit une percée de l’action des groupes terroristes dans le nord de ces pays. » « La France ne va pas se redéployer au Niger », promet-il, en assurant travailler avec les pays partenaires africains à une réorganisation axée sur la lutte contre le terrorisme, la formation des forces militaires, le retour de la présence étatique dans les zones reconquises aux groupes armés et le développement.
Le chef de la diplomatie française revient également sur la présence des supplétifs russes au Mali : des mercenaires du groupe Wagner, selon de nombreux pays occidentaux. La junte au pouvoir à Bamako est devenue « otage » des mercenaires de la société russe Wagner qui se livrent à des « exactions » et une « prédation » des ressources du pays. « Wagner au Mali, c’est des exactions et la limitation de liberté publique », maintient Jean-Yves Le Drian, en référence à la suspension de la diffusion de RFI et de France 24 dans le pays. « C’est un nouvel autoritarisme qui fait que la junte au pouvoir est prise un peu en otage aussi sur ces points-là par la force Wagner », a-t-il ajouté.
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