L’information circule dans certains milieux proches de la transition militaire au pouvoir au Mali. En effet, selon des sources maliennes concordantes, le gouvernement de transition en veut terriblement au président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, qu’il tient pour responsable de l’embargo économique et financière que la CEDEAO avait été pris contre le Mali et qui a été levé le 3 juillet 2022 lors du sommet extraordinaire de la CEDEAO tenu à Accra (Ghana). En dépit de la bonne volonté manifeste des autorités ivoiriennes de régler par le dialogue le différend lié aux 49 militaires ivoiriens détenus au Mali depuis le 10 juillet 2022 et inculpés le 14 août dernier, le régime de transition tenu par le Colonel Assimi Goita fait la sourde oreille. « La junte militaire a décidé de les garder en prison pendant 6 mois comme le temps qu’avait duré l’embargo contre le Mali. C’est ce que j’ai appris. C’est inacceptable parce que la Côte d’Ivoire est un pays frère où vivent beaucoup de maliens mais j’ai l’impression qu’ici la junte s’en fout de cela », nous a confié une source malienne informée. Qui précise cependant que la médiation du président sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine (UA), et du président du Togo, Faure Gnassingbé, pourrait faire bouger les lignes. Macky Sall était, hier, lundi 15 août, à Bamako où il a échangé avec le chef de la transition, le colonel Assimi Goita. Faure Gnassingbé est annoncé pour le jeudi 18 août prochain dans la capitale malienne.
A noter que le 14 août dernier, l’affaire dite des « 49 militaires détenus au Mali » a pris une tournure préoccupante à travers l’inculpation de ces soldats. « Le Procureur de la République du Pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée informe l’opinion publique nationale et internationale que suite à l’ouverture d’une procédure d’information judiciaire pour des faits de crimes d’association de malfaiteurs, d’attentat et complot contre le gouvernement, d’atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat, de détention, port et transport d’armes de guerre et de complicité de ces crimes contre les nommés Kouassi Adam Sanni et 48 autres, interpellés le 10 juillet 2022 à l’Aéroport internationale Président Modibo Kéita de Bamako-Senou, il a été procédé les 10,11 et 12 août 2022 à leur inculpation de ces chefs de prévention et à leur placement sous mandat de dépôt », a soutenu le procureur Samou Sissoko dans son communiqué relatif à l’inculpation des 49 militaires ivoiriens et daté du 14 août 2022.
Et le procureur malien d’ajouter : « Le procureur de la République rassure par ailleurs que, dans le respect de leurs droits, des investigations objectives et transparentes seront menées pour aboutir à la manifestation de la vérité, identifier tous les éventuels auteurs, co-auteurs et complices de ces faits et situer toutes les responsabilités ».
Comme on peut le constater, ce communiqué du procureur de la République, Samou Sissoco, dit en des termes juridiques voilés que les 49 militaires ivoiriens qui ont débarqué, le dimanche 10 juillet 2022, à l’aéroport de Bamako, sont arrivés au Mali dans l’intention de perpétrer un coup d’Etat contre les institutions républicaines maliennes.
Alors que la Côte d’Ivoire estime que ses soldats sont venus au Mali dans le cadre de mission des Nations Unies, MINUSMA, les autorités maliennes de la transition pensent totalement le contraire. Fait curieux, c’est la veille de l’arrivée du médiateur de l’UA, le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, à Bamako, que la Justice malienne a rendu publique sa décision d’inculper les 49 militaires ivoiriens. Ainsi que celle de diligenter une enquête pour savoir si oui ou non ces soldats voulaient déstabiliser le Mali. Cette curieuse attitude du Mali répond à une logique qui s’apparente à « une prise en otage » des militaires ivoiriens, à un chantage sur la Côte d’Ivoire et la communauté internationale, notamment l’ONU, l’UA qui sont impliquées dans la recherche de solution à cette crise.
Didier Depry
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