Au Mali, c’est un secret de polichinelle. Critiquer le régime de Transition militaire dirigé par le colonel Assimi Goita constitue un crime de lèse-majesté passible de représailles d’autant que cela est perçu comme un manque de patriotisme et une menace aux « intérêts » du Mali. Ainsi sait-on dans les milieux des médias et de la politique à Bamako que la chaîne de télévision privée Djoliba TV a été suspendue pour deux mois, à compter du jeudi 3 novembre 2022, par le gouvernement malien via la Haute autorité de la communication malienne (HAC) pour avoir critiqué la gestion de la Transition menée par les autorités actuelles du Mali. Ces critiques ont été émises au cours des débats organisés par Djoliba TV. Mais également par les journalistes de la chaîne lors de leurs différentes prestations.
La Haute autorité de la communication malienne (HAC) reproche à Djoliba TV « des manquements et violations graves et répétées aux dispositions substantielles du Code de déontologie du journalisme au Mali ». Le 13 octobre 2022, Djoliba TV avait été mise en demeure suite à un éditorial du journaliste Mohamed Halidou Attaher diffusé le 30 septembre 2022. Selon la HAC, ce texte comportait des « propos diffamatoires et des accusations infondées concernant l’instance de régulation, la Haute autorité de la communication, l’état de la liberté d’expression au Mali et les autorités de la transition ». Le texte faisait une analyse de la situation au Mali, suite au retour du Premier ministre malien, Abdoulaye Maïga, après son discours à la tribune des Nations unies. Un passage à l’ONU controversé qui avait été diversement apprécié. Si à Bamako, les populations visiblement fanatisées avaient accueilli chaleureusement le Premier ministre, colonel Abdoulaye Maïga; les milieux informées des implications internationales de tels propos pour le Mali avaient, quant à eux, condamné cette sortie onusienne.
Cette décision de suspension de Djoliba TV prise par la HAC à l’instigation du gouvernement du Premier ministre, colonel Abdoulaye Maïga a suscité globalement des réactions de condamnation à Bamako. Certaines personnes, notamment les professionnels des médias, perçoivent cela comme «un coup dur porté à la liberté d’expression au Mali »..
La maison de la presse de Bamako, association des journalistes du Mali, a déploré cette suspension et sollicite la clémence de l’organe de régulation. Elle demande à la HAC d’examiner le recours gracieux introduit par Djoliba TV. Ce n’est pas la première décision de fermeture prise par la HAC. Il y a de sept mois, les médias français RFI et France24 ont été suspendus du Mali. Comme on peut le constater, la liberté d’expression et de presse est en danger sous le régime de Transition militaire.
Didier Depry
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