La directrice des opérateurs audiovisuels à la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), Mme Léontine Dangny, et Dr. Issa Sangaré Yeresso ont conjointement animé un panel initié par l’Union des journalistes de la presse libre africaine (UJPLA) dirigée par Yao Noël sur le thème : « Concurrence audiovisuelle et bonne gouvernance », le vendredi 19 mai 2023, à la Maison de la presse d’Abidjan (MPA) à Abidjan-Plateau, dans le cadre de la célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Ladite journée a été célébrée dans le monde le 3 mai, mais le panel a été différé pour des raisons techniques. Aka Sayé Lazare, PCA de la RTI, en était le parrain.
Mme Léontine Dangny a appréhendé le thème sous l’angle de la HACA, en revenant sur l’histoire du paysage audiovisuel en Côte d’Ivoire avec la libéralisation de l’espace audiovisuel.
Parlant de la liberté d’expression, elle fera savoir qu’il existe une forte expansion du paysage en plus du pluralisme, mais aussi de la concurrence audiovisuelle née de l’ouverture du paysage; « concurrence qui doit être assainie et contrôlée, d’où l’importance du régulateur, la HACA ».
Par ailleurs, Mme Léontine Dangny a rappelé les trois modèles économiques des télévisions opérant en Côte d’Ivoire : le modèle des chaînes privées payantes (cas de Canal+), le modèle de télévision publique financée par la redevance (le cas de la RTI) et le modèle vivant de la publicité (cas de NCI et Life TV).
A l’en croire, l’intervention publique est nécessaire pour garantir la qualité et la diversité. « L’Etat doit assurer la bonne gouvernance du secteur », a-t-elle précisé, tout en égrenant les éléments de la bonne gouvernance. Notamment le comportement éthique, l’Etat de droit, la responsabilité.
« La bonne gouvernance est une sorte d’encadrement du marché », est certaine Mme Léontine Dangny qui s’est aussi penchée sur le rôle de l’intervention des autorités de régulation, la protection des droits des journalistes, la protection des créateurs de contenus, la protection du consommateur…
La HACA, s’est-elle souvenue, a été créée en 2011 pour garantir la liberté d’expression et la régulation de l’espace audiovisuel et le secteur numérique en Côte d’Ivoire. Mais avec aussi pour mission de sanctionner les infractions des journalistes et des opérateurs.
« Pour assurer la bonne gouvernance du secteur, la HACA recommande un outil consensuel de référence pour mieux encadrer le processus. Elle recommande, en outre, que continuellement, la loi soit adaptée et que la bonne gouvernance soit indispensable pour réguler la concurrence dans le secteur en Côte d’Ivoire. La concurrence audiovisuelle est indispensable et la bonne gouvernance est incontournable pour assurer la vitalité et la viabilité du secteur », a conclu Mme Léontine Dangny.
Dès l’entame de son propos, Issa Sangaré Yeresso, docteur en sciences de l’information et de la communication, par ailleurs DGA de la RTI, va procéder par les définitions de concurrence, audiovisuel et bonne gouvernance, en vue de mieux cerner sa communication. Et de révéler qu’il existe 3 types de concurrence : directe, indirecte et potentielle (psychologique).
« L’Etat délègue ses pouvoirs à des autorités de régulation pour ne pas être juge et partie. La concurrence audiovisuelle ne se limite pas aux supports traditionnels. Il existe de multiples supports qui font concurrence aux chaînes. Notamment les affiches (les panneaux), les supports modernes (écrans-vidéos), les véhicules plateaux mobiles, les hommes sandwiches, les halls d’information (qui ont aujourd’hui pratiquement disparu), les stades de sports avec des bandes vidéos déroulantes, la sonorisation des lieux publics, les marchés, les foires et les hôtels. Cette concurrence conduit à une course à l’audimat, de l’auditeur, tous en quête de ressources financières qui passent par les annonceurs. Cette concurrence est bénéfique. Elle fait baisser les prix », a-t-il soutenu. Reconnaissant que les chaînes ont aujourd’hui un sérieux problème de ressources financières.
« Tous les téléspectateurs deviennent des consommateurs et des contributeurs à la fois. Il existe toutefois un bémol au niveau de la concurrence, la course au scoop dont la conséquence est inéluctablement l’amateurisme », a relevé Dr. Issa Sangaré Yeresso. Pour qui un autre phénomène est de mise concernant cette concurrence : l’exclusivité que signent des chaînes avec des sportifs, organisateurs de spectacles… Ce qui induit, a-t-il lâché, une indécence pour priver l’adversaire, le concurrent d’une manne financière.
« Aussi les chaînes nationales sont-elles défavorisées face à cette concurrence. Elles intègrent les bouquets, cas de Canal+, comme par contrainte pour éviter d’être défavorisées, pénalisées », a-t-il poursuivi. Avant de prendre en exemple le cas des chaînes de la RTI sur le bouquet Canal.
Pour lui, cette donne pénalise la RTI, les grands groupes dictant leurs lois. « La révolution technologique a accentué la concurrence avec les vidéos à la demande, les montres connectées, les tablettes, etc. Dans la concurrence, les Africains sont un peu défavorisés face aux chaînes puissantes. Vu que cette concurrence n’est pas bien régulée. La RTI a, par exemple, besoin de beaucoup d’aide du gouvernement. Elle mérite mieux que ce qui est fait en ce moment », a-t-il suggéré.
Convaincu qu’un organe a besoin d’être bien géré, d’où la nécessité de la bonne gouvernance, le docteur en sciences de l’information et de la communication a titillé la HACA. Qui, a-t-il affirmé, n’accentue pas ses efforts sur les modes de gestion. D’où le souhait de voir l’avènement de troncs communs (dans les grandes écoles) sur les modes de gestion en management. Ce qui aura pour conséquence d’améliorer la gouvernance du secteur.
Enfin, l’ex-DGA de la RTI s’est épanché sur la grande faiblesse dans les entreprises audiovisuelles : la communication interne qui y fait fortement défaut. « L’ensemble du personnel doit être au même niveau d’information. L’élément le plus important de la bonne gouvernance dans les entreprises audiovisuelles est le manuel de procédure », a-t-il estimé. Avant de faire un clin d’oeil aux journalistes emprisonnés dans le monde entier. Dans cette veine, il a prôné la sécurité et la liberté des journalistes (liberté physique, matérielle, sociale, morale…).
Avant le panel proprement dit, le parrain Aka Sayé Lazare s’est prononcé sur la 30ème célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, mais aussi sur le thème du panel. « Ce thème nous interpelle. La RTI est appelé à faire face à la survenue de l’ouverture et la libéralisation de l’espace audiovisuel en Côte d’Ivoire. Elle s’y est préparée », a-t-il rassuré.
Marcellin Boguy
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