Après une nuit relativement calme, Goma s’est réveillée, ce mardi 28 janvier 2025, avec des fortes détonations et des échanges de tirs, notamment dans l’est de la ville. La population de la capitale de la province du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, vit dans l’angoisse et l’incertitude depuis l’entrée dans plusieurs quartiers des combattants du groupe armé M23 soutenus par les forces rwandaises. À Kinshasa, des manifestants ont attaqué de nombreuses ambassades étrangères. Rapporte la radio française RFI.
Le groupe armé antigouvernemental du M23, soutenu par quelque 3 000 à 4 000 soldats rwandais, selon l’ONU, combat l’armée congolaise dans la région depuis plus de trois ans. Mais l’étau s’est resserré ces derniers jours et des troupes sont entrées dans Goma dans la nuit de dimanche à lundi. Au moins 17 personnes ont été tuées et plus de 370 blessées, selon les informations fournies par plusieurs hôpitaux. Les hôpitaux de Goma « sont submergés » de blessés et de « nombreux corps » jonchent les rues de la ville, a affirmé l’ONU lors d’un point presse mardi, citant leurs employés sur place.
La situation humanitaire est « extrêmement inquiétante », s’alarme l’ONU, annonçant que la distribution d’aide alimentaire a dû être suspendue en raison de la situation sécuritaire. La ville de Goma compte environ un million d’habitants et autant de déplacés. La région vit une crise humaine chronique depuis des très nombreuses années.
Un sommet extraordinaire de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) dédié à la situation chaotique dans l’est de la RDC aura lieu mercredi 29 janvier. Selon le président kényan, qui assure la tête de l’organisation régionale, « à la fois le président Paul Kagamé et le président Félix Tshisekedi » ont « confirmé leur participation ». L’Union africaine après une réunion d’urgence de son Conseil paix et sécurité, a exhorté mardi les combattants du M23 « à déposer les armes », tout en disant « condamner les violences du M23 ». Du côté de l’ONU, une nouvelle réunion de son Conseil de sécurité est annoncée à New York ce mardi. Une communication du président congolais est annoncée, sans précision sur le moment choisi par Félix Tshisekedi pour s’exprimer sur cette escalade dans l’est de la RDC.
L’Union africaine « exhorte le M23 à déposer les armes »
L’Union africaine a exhorté mardi les combattants du M23 « à déposer les armes » dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où le groupe armé et des troupes rwandaises livrent de violents combats à l’armée congolaise dans la ville de Goma.
Le Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA, qui s’est réuni d’urgence après une intensification des combats à Goma, a « condamné les violences du M23 », tout en l’appelant à « déposer les armes », a plaidé sur X le commissaire aux Affaires politiques de l’Union africaine, le Nigérian Bankole Adeoye.
Le Kenya condamne l’attaque de son ambassade par une « foule déchaînée »
Le Kenya a condamné mardi l’attaque de son ambassade à Kinshasa par une « foule déchaînée » qui protestait contre la violence dans l’est de la République démocratique du Congo. « Le Kenya est profondément préoccupé par les attaques contre les bureaux et le personnel de notre ambassade à Kinshasa », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Musalia Mudavadi. Ce dernier a également affirmé que l’ambassade de l’Ouganda a également été attaquée.
L’Allemagne annule des réunions avec le Rwanda sur l’aide au développement
L’Allemagne a mis mardi sur pause des discussions avec le Rwanda sur son aide au développement, exigeant du pays africain et de ses alliés du M23 qu’ils retirent leurs forces de l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Le ministère allemand du Développement et de la Coopération économique a indiqué à l’AFP avoir annulé des « consultations gouvernementales » prévues pour février avec le Rwanda, sans préciser quels étaient les participants.
« Dans l’escalade (de la situation) actuelle, il ne peut pas y avoir de « ‘business as usual » », a dit un porte-parole du ministère allemand. « Les discussions sur la coopération et l’aide au développement ne pourront reprendre que lorsque le Rwanda et le M23 auront mis fin à l’escalade et se seront retirés » de l’est de la République démocratique du Congo, a-t-il dit. « Le ministère allemand de la Coopération économique se concerte actuellement avec d’autres donateurs sur les conséquences à tirer », a-t-il ajouté, sans donner davantage de précision.
À Goma, « il y a encore beaucoup de tirs, y compris à l’arme lourde, il y a beaucoup de cadavres dans les rues », déplore un responsable de l’ONU
À Goma, « la situation est très grave, extrêmement volatile, il y a encore beaucoup de tirs, y compris à l’arme lourde, il y a beaucoup de cadavres dans les rues, beaucoup de gens tués », a fortement déploré Bruno Lemarquis, représentant spécial adjoint de l’ONU en RDC, coordonnateur des opérations humanitaires, dans un entretien à RFI.
« Les services de base à Goma sont toujours très gravement perturbés, l’eau, l’électricité, les hôpitaux sont débordés, donc ils n’arrivent plus à gérer l’afflux des blessés, déplore-t-il. Simplement, lundi, dans l’hôpital principal pour gérer les cas graves, y a 256 blessés, des blessés par balles, des blessés par par éclats, éclat d’obus, donc beaucoup de blessés graves. Ce matin donc, on nous a rapporté beaucoup de pillages des agences humanitaires des États-Unis. Il y a des pillages de nourriture, de vivres d’urgence et de stock de médicaments. »
Des manifestations éclatent à Kinshasa contre la situation à Goma
Des rassemblements dans plusieurs endroits de la capitale congolaise Kinshasa ont vu le jour : dans les communes de Limete, Kitambo et surtout la Gombe, le centre administratif de Kinshasa, rapporte la radion française RFI. Les manifestants se sont dirigés vers plusieurs ambassades, des magasins, des restaurants ont aussi été pris pour cible. Ils font part de leur colère après les derniers évènements dans l’Est. Ils dénoncent la passivité de la communauté internationale. Les activités en ville sont quasiment suspendues, peu de véhicules circulent depuis ce matin.
Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur Jacquemain Shabbani a lancé un appel au calme aux manifestants, sur la radio Top Congo : « Que chacun rentre chez lui, votre colère a été exprimée et entendue, concentrons-nous sur l’essentiel : la défense de notre patrie. » Même message du côté du ministre de la Communication Patrick Muyaya, qui a appelé au calme.
On attend désormais une prise de parole du président Félix Thisekedi. Sa prise de parole avait été annoncée lundi soir par le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe à la sortie d’une réunion « inter institutionnelle ». Mais aucune information n’a été donnée sur quand le président congolais fera son intervention.La population manifeste à Kinshasa, en République démocratique du Congo, mardi 28 janvier 2025, contre l’avancée des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, dans la capitale du Congo oriental, Goma. © Samy Ntumba Shambuyi / AP
De nombreuses ambassades, dont celles de France et du Rwanda, attaquées par des manifestants à Kinshasa
Plusieurs ambassades, dont celles du Rwanda et de France, ont été attaquées mardi à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), par des manifestants dénonçant le conflit dans l’est du pays, ont affirmé des sources diplomatiques. Les ambassades du Rwanda, de la France, de Belgique, d’Ouganda, du Kenya, ainsi que des États-Unis ont été ciblées. De la fumée s’échappe du bâtiment de la représentation française, a constaté une journaliste de l’AFP.
Des pillages et des dégradations ont été signalés dans plusieurs d’entre elles. Un incendie a été signalé dans les bureaux de l’ancienne ambassade du Rwanda, qui est fermée actuellement. De même source, on précise que les manifestants n’ont pas pénétré à l’intérieur des enceintes diplomatiques. Selon un journaliste de Reuters, la police congolaise a fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser des protestataires, notamment devant l’ambassade d’Ouganda.
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot a qualifié d’« inadmissibles » les attaques survenues mardi matin à l’ambassade de France à Kinshasa. « L’ambassade de France à Kinshasa a été attaquée ce matin par des manifestants, qui ont provoqué un incendie désormais maîtrisé. Ces attaques sont inadmissibles. Tout est mis en œuvre pour assurer la sécurité de nos agents et ressortissants », a écrit sur X le chef de la diplomatie française.
Légende photo : Entre Félix Tshisekedi et Paul Kagamé, la ligne rouge de l’affrontement armée a été franchie. (Archives).
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