RDC / Pour avoir dit haut ce qui se dit bas – Koffi Olomidé menacé et convoqué par les pouvoirs publics ce vendredi

« Le Bureau du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC) vous invite, le vendredi 12 juillet 2024 à 12h30 précises, au Secrétariat d’instruction sis au 2e niveau de l’immeuble Likasi, près de Royal, dans la commune de la Gombe, pour présenter vos moyens de défense conformément à l’article 62 alinéa 1er de la Loi organique numéro 11/ 001 du 10 janvier 2011 », mentionne la convocation adressée à la star de la rumba congolaise, l’artiste-chanteur Koffi Olomidé.

Et le CSAC de préciser dans sa convocation : « Il vous est reproché d’avoir tenu lors de l’émission « Le Panier », édition du samedi 6 juillet 2024, présentée par Monsieur Kabasélé, des propos de dénigrement et de démobilisation des troupes des FARDC engagées au front, en violation de la Loi organique numéro 11/ 001 du 10 janvier 2011 et de la directive du CSAC relative aux émissions sur le déroulement des opérations militaires au front ». Le CSAC a enfin clairement menacé Koffi Olomidé en ces termes : « Le refus de présenter vos moyens de défense vous expose à des sanctions lourdes conformément à la loi ».

Les menaces du CSAC

 Cette convocation signée du président du CSAC, la structure étatique de régulation des médias audiovisuels en République démocratique du Congo (RDC), Maître Bosembé Lokando Christian Antoine Christophe, a été libellée, le mercredi 10 juillet 2024, et remise, selon nos sources, à l’artiste-chanteur Koffi Olomidé, le même jour. Toujours selon nos sources, Koffi Olomidé, de son identité à l’état-civil Antoine Christophe Agbepa Mumba, se présentera, le vendredi 12 juillet 2024, à l’audition au CSAC accompagné de son avocat.

Antoine Christophe Agbepa Mumba dit Koffi Olomidé, artiste-chanteur congolais de renommée internationale, était l’invité, le 6 juillet 2024, de l’émission « Le Panier, the Morning show » à la RTNC, la radiotélévision nationale congolaise. Réagissant  à une question du journaliste Jessy Kabasélé relative à la situation de forte insécurité dans l’Est de la RDC,  Koffi Olomidé lui a demandé : « De quelle guerre vous parlez ? ».Avant de renchérir en ces termes : « Il n’y a pas de guerreNous sommes tapés, on nous gifle, on fait de nous ne que l’on veut ». « Reconnaissez au moins qu’on nous agresse », a répliqué l’animateur-télé. À cela, l’artiste-chanteur a répondu : « Une guerre, c’est quand tu tires, je tire, comme en Ukraine. ».

La sortie de vérité d’Olomidé

 Cette sortie de Koffi Olomidé a été très mal perçue par les pouvoirs publics congolais  qui ont vu ces propos comme une forte critique au manque d’efficacité des Forces armées de la RDC (FARDC). Le CSAC s’est automatiquement lancé dans une opération de punition. L’animateur-télé Jessy Kabasele et son émission« Le Panier, the Morning show » ont fait l’objet de suspension. En dépit du message de l’animateur-télé posté sur les réseaux sociaux dans lequel il se désolidarise des propos tenus par son invité Koffi Olomidé.

Cette situation que vit Koffi Olomidé pose un grave problème d’entrave à la liberté d’expression en RDC. Mais au-delà de tout, on pourrait se demander en quoi les propos tenus par Koffi Olomidé sont attentatoires à la cohésion au sein de l’armée congolaise et surtout comment cette déclaration peut démobiliser les militaires au front dans l’Est de la RDC. Certes Koffi Olomidé est une star mais les militaires qui fuient devant les rebelles du M23 n’ont pas eu besoin de la déclaration de Koffi Olomidé pour déserter l’armée. D’ailleurs, 22 militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont été condamnés à mort, le lundi 8 juillet 2024, au terme de procès devant le tribunal militaire qui siégeait en audience foraine à Lubero, dans l’Est de la RDC.

22 militaires condamnés à mort pour désertion et fuite devant l’ennemi

 Et ces procès ne sont les derniers en la matière, d’autres pourraient suivre. Puisque les soldats de l’armée congolaise n’osent pas affronter crânement les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. Voilà assurément pourquoi Koffi Olomidé a affirmé qu’il n’y a pas de guerre dans l’Est de la RDC parce qu’une guerre, c’est un conflit armé qui oppose deux ou plusieurs belligérants qui s’affrontent sans peur. Mais quand l’un des belligérants a visiblement peur, il est évident qu’on ne saurait parler de guerre.

Les autorités de la RDC le savent, sans le dire haut, et la communauté internationale ne l’ignore pas, les militaires des FARDC n’arrivent pas à faire face à l’insécurité dans l’Est du pays parce qu’ils sont psychologiquement et peut-être matériellement peu outillés pour affronter les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda. La communauté internationale estime même que l’armée congolaise est très faible et incapable de sécuriser ce vaste pays et riche en matières premières qu’est la RDC.

Une armée faible et corrompue

 Peut-être que les militaires congolais se disent que ces rebelles du M23 étant soutenus par l’armée rwandaise, une armée aguerrie, ils n’ont aucune chance de les vaincre. D’où les multiples désertions que l’on constate. Pour inverser la tendance, il ne s’agit pas de tuer la liberté d’expression, les autorités congolaises feraient plutôt mieux de se pencher sérieusement sur la situation que vit l’armée congolaise. Il s’agit de remobiliser les troupes en engageant des psychologues pour y travailler, lutter contre la corruption qui gangrène l’armée congolaise, équiper le front d’armes adéquates et revoir la chaîne de commandement.

Incarcérer Koffi Olomidé ou le punir parce qu’il a donné son avis de citoyen meurtri par ce que vivent les populations de l’Est de son pays serait projeter une mauvaise image du président Félix Tshisekedi et de la RDC dans l’opinion internationale. Une opinion internationale qui sait que Félix Tshisekedi a hérité d’un « pays poudrière », instable,  et qu’il se bat de toutes ses forces pour tenter de redresser la barre.

Par Didier Depry

Légende photo : L’artiste-chanteur Koffi Olomidé, star de la rumba congolaise, sera entendu demain, vendredi 12 jullet 2024, par le CSAC à Kinshasa.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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