Signé le mardi 2 mai 2023  – Ce qu’il faut savoir sur le partenariat entre le RHDP et le FPI

Le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) dirigé par le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, et l’ancien parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien (FPI) présidé depuis 2001 par l’ex-Premier ministre Pascal Affi N‘Guessan mais qui avait porté la carrière politique de l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo et l’a installé au pouvoir suite à l’élection présidentielle d’octobre 2000, ont scellé un accord de partenariat sur la réconciliation nationale, la cohésion sociale et la démocratie, le mardi 2 mai 2023, au cours d’une cérémonie officielle qui s’est déroulée au Sofitel Hôtel Ivoire d’Abidjan-Cocody. Lors de cet événement, M. Affi N’Guessan a prononcé un discours et présenté les contours de ce partenariat politique dans lequel « le FPI sera à la fois un aiguillon et une vigie », a-t-il souligné.

Le secrétaire exécutif du RHDP, l’ancien ministre Ibrahim Cissé Bacongo, a également apporté, dans son intervention, des éclairages sur ce partenariat qui n’est pas, dira-t-il, « un partage de gâteau ». Comme pour dire subtilement à ses nouveaux partenaires du FPI qu’ils ne devront pas s’attendre à obtenir des postes de ministres ou de directeurs généraux etc. La délégation du RHDP était conduite par Cissé Bacongo et celle du FPI était dirigée par Pascal Affi N’ Guessan. Voici ci-dessous les discours d’Affi et de Bacongo.

  

Affi N’Guessan (FPI) : « Ce partenariat n’est pas un accord électoral »

Mesdames et Messieurs les journalistes, chers amis de la presse,

Merci de votre présence nombreuse pour immortaliser cet événement qui représente un marqueur fort de l’histoire politique de notre pays.

En effet, c’est la première fois dans l’histoire de notre pays, que le parti au pouvoir décide de conclure un partenariat avec un parti politique de l’opposition et d’apposer sa signature sur un texte qui l’engage sur des questions essentielles pour la vie de la Nation : la réconciliation nationale, la cohésion sociale et la démocratie.

Pourquoi nous engager aujourd’hui sur ces questions alors que la Côte d’Ivoire est apparemment en paix ?

Souvent les apparences sont trompeuses et il faut toujours aller au- delà des apparences.

En effet à travers les situations judiciaires liées aux crises passées, dans les discours et les postures politiques, nous notons tous que les plaies ne sont pas toutes cicatrisées, parce-que nous n’avons pas su aller au bout d’un processus de réconciliation sincère.

Cette réalité, nous la percevons chaque jour dans les tensions relationnelles entre citoyens ne partageant pas les mêmes convictions politiques ou religieuses, dans la méfiance à l’égard des institutions de notre République. Cette réalité s’est invitée dans le dialogue politique entre le gouvernement et l’opposition. Elle justifie la création par le chef de l’Etat du ministère chargé de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale.

Certes, la Côte d’Ivoire ne brûle pas, mais les braises ne sont pas éteintes. Et tant qu’il reste une braise, chacun le sait, le feu peut repartir si certains soufflent habilement.

La réconciliation impose de pardonner pour surmonter les déchirures et les drames du passé. Pardonner, pour « passer d’un passé divisé à un avenir partagé ». « Sans pardon, il n’y a pas d’avenir », nous dit le révérend Desmond Tutu.

Quoi qu’il soit arrivé par le passé, l’exigence d’un avenir commun doit l’emporter sur le désir de vengeance.

On ne bâtit pas l’avenir d’un pays sur la vengeance et sur la division. Nous voulons que la formule « jamais plus cela » devienne une réalité.

 La réconciliation doit permettre de se faire à nouveau confiance. Cela reste à ce jour un défi pour la Côte d’Ivoire. De la méfiance à la haine il n’y a qu’un pas, et on le franchit facilement et pour certains allégrement.

L’enjeu est immense. Aujourd’hui, notre pays fait face à des défis fondamentaux. Il ne peut pas s’offrir le luxe d’une nouvelle crise. Notre réconciliation est pour lui la meilleure des protections. Plus unis, nous serons plus forts.

Il est vrai que pendant les moments de crises et d’affrontements, de part et d’autre, des agressions ont été commises et subies, des injures et des insanités ont été proférées. Mais nous devons être à la hauteur de la mission que nous nous sommes donnée volontairement, de l’engagement que nous avons pris solennellement de faire de la politique pour le progrès de notre pays et le bonheur de notre peuple. Alors, nous devons être capables de dépassement, pour regarder l’essentiel. Et l’essentiel, c’est la Côte d’Ivoire, notre pays.

Notre démarche fait écho à l’envie de paix, au puissant désir de paix de nos compatriotes. Nous devons, nous leaders politiques, savoir répondre à cette envie de paix en nous donnant les instruments, les outils, afin de tourner pour toujours la page de nos cycles de violence.

Nous pensons qu’il y a urgence. Urgence, car nous voyons autour de nous la tentation inverse, celle d’instrumentaliser les souffrances au service d’un agenda politique, celle de souffler sur les braises de nos anciennes divisions.

 Pour faire de cette réconciliation une réalité ancrée dans la durée, nous devons sensibiliser les populations à ces enjeux. Ce sera notre mission. Nous l’accomplirons les uns et les autres lors de nos différentes tournées sur le terrain.

Pour faire de cette réconciliation une réalité ancrée dans la durée, nous nous interdirons désormais les uns et les autres, des postures, des mots, qui pourraient contrevenir à l’objectif. C’est aussi une promesse forte : certaines manières de faire de la politique doivent appartenir au passé. Nous devons apprendre à faire de la politique autrement.

La réconciliation est évidemment indissociable de la cohésion sociale.

Pour être fortes et durables, la réconciliation nationale et la cohésion sociale doivent être fondées sur la démocratie.

Nous nous réjouissons là aussi que le RHDP ait accepté de s’engager à nos côtés. Il s’agit du respect des libertés fondamentales et des droits de l’homme, de l’impartialité de l’Etat, de la bonne gouvernance des affaires publiques, de l’égalité des citoyens en droits et en devoirs.

Affermir la démocratie relève évidemment d’abord de ceux qui ont en charge le pouvoir d’Etat.

Mais cela nous concerne tous, chacun à la place qui est la sienne.

 Il s’agit de problèmes que nous n’avons pas totalement réglés, malgré des avancées certaines, à travers le dialogue politique et certaines initiatives du gouvernement. Sans cela, cet accord n’aurait d’ailleurs pas été possible entre nous.

Une démocratie mature, c’est une démocratie dans laquelle nos débats portent sur les idées, avec des campagnes électorales projet contre-projet, projet contre bilan.

Dans une démocratie mature, on n’instrumentalise pas les ressentiments pour conquérir des voix. On brandit un programme pour fédérer des énergies et emporter l’adhésion du plus grand nombre.

Demain, la Côte d’Ivoire doit entrer dans cette normalité démocratique, cette maturité démocratique.

Nous allons nous y employer.

Mais au-delà des mots, quel sens donner à ce partenariat ?

Wikipedia définit un partenariat comme « une association active de différents intervenants qui, tout en maintenant leur autonomie, acceptent de mettre en commun leurs efforts en vue de réaliser un objectif commun relié à un problème ou à un besoin clairement identifié dans lequel, en vertu de leur mission respective, ils ont un intérêt, une responsabilité, une motivation, voire une obligation ».

Ni le RHDP, ni nous-même le FPI, n’étions obligés de signer un tel accord. Chacun de nous aurait pu mener ce combat-là de son côté.

 Mais comment être crédibles dans nos démarches de réconciliation si nous-mêmes nous ne nous étions pas réconciliés ?

Ce partenariat est un acte de réconciliation entre nous pour engager ensemble la réconciliation en Côte d’Ivoire.

Par ailleurs, un parti au pouvoir n’a pas d’obligation de prendre des engagements auprès d’un partenaire, sur ce qui relève de sa prérogative, la gestion des affaires de l’Etat.

Le RHDP introduit par cette signature un acte d’humilité et d’ouverture dans sa pratique politique. C’est sans doute aussi l’expression d’une prise de conscience qu’aucun effort n’est superflu pour anticiper les crises et consolider la paix. C’est l’affirmation d’une volonté de faire bouger les lignes.

De la même manière, rien n’oblige un parti d’opposition à prendre des engagements face au pouvoir, sur la manière de se comporter en qualité d’opposants.

Nous le faisons pour la Côte d’Ivoire, pour servir notre idéal d’unité nationale et de démocratie. Ces valeurs sont au cœur de notre démarche. Nous les défendons tous les jours.

Cet accord nous donne davantage de leviers pour alerter, pour aiguillonner. Il nous donne davantage de moyens d’être vigilants.

Dédié à la réconciliation nationale, à la cohésion sociale et à la démocratie, ce partenariat n’est évidemment pas un partage de postes et de gâteaux.

Notre pays n’est pas une friandise et le pouvoir n’est pas un restaurant.

 Chacun est dans son rôle.

Travailler ensemble à conforter la réconciliation, la cohésion et la démocratie, travailler à l’apaisement des cœurs, n’exclut d’ailleurs pas la compétition entre nous.

Chacun continuera à défendre ses idées, son projet.

Après avoir été le parti du multipartisme, personne ne comprendrait d’ailleurs que le FPI songe à reconstituer le parti unique et la pensée unique.

Cet accord a été conclu par nos deux partis dans le respect de leurs différences et de leur autonomie.

Le cadre de concertation mis en place entre nous nous permettra, les uns et les autres, de dresser des bilans réguliers, de nous interpeller le cas échéant, de se demander l’un à l’autre des comptes.

Il nous donne des droits et nous impose des devoirs, librement consentis.

Le FPI sera à la fois un aiguillon et une vigie.

Pas un partage de postes, ce partenariat n’est pas davantage un accord électoral. Mais ce partenariat n’interdit pas de se retrouver, là où cela nous semblera nécessaire.

Par « nécessaire », nous entendons par exemple les mairies ou régions où des accords s’imposeront, afin de faire barrage à des candidats qui ne partagent pas notre objectif de réconciliation nationale, de cohésion sociale et de démocratie.

C’est une démarche de responsabilité et de lucidité. C’est la manifestation de notre amour pour la Côte d’Ivoire.

 Ce partenariat crée une dynamique, dans laquelle d’autres pourraient, devraient se retrouver.

A ceux qui craignent la réconciliation, à ceux qui jusque-là privilégient l’exacerbation des meurtrissures, l’instrumentalisation des frustrations comme stratégie de reconquête du pouvoir, à ceux qui rêvent de revanche, je voudrais dire la chose suivante : la vengeance est une voie sans issue. Il y a un temps pour la guerre et il y a un temps pour la paix.

Dans l’intérêt supérieur de notre pays, ensemble, choisissons la paix.

Cissé Bacongo (RHDP)  : « Il ne s’agit pas d’un instrument de partage de gâteau, de partage de pouvoir »

Messieurs les présidents d’institution,

Monsieur l’inspecteur général d’Etat,

Monsieur le président du Conseil économique, social, environnemental et culturel,

Monsieur le président Pascal Affi N’Guessan,

Madame la ministre d’Etat Kandia Camara,

Mesdames et messieurs en vos rangs grades, qualités et titres respectifs, tout protocole respecté,

Je ne peux pas être aussi loquasse que le Président Affi N’Guessan, pour une raison très simple. Comme l’a dit tout à l’heure le secrétaire général du FPI , Issiaka Sangaré, qui a lu le préambule du protocole d’accord que nous avons signé, tout est dans l’accord. La justification, les raisons profondes pour lesquels le protocole a été signé, la nécessité, le but ultime de l’accord, tout a été dit. Le président Affi a cru devoir revenir la dessus, je lui en sais gré et je lui dis merci pour cette approche pédagogique parce qu’on dit que la répétition est pédagogique.

Mesdames et messieurs,

Je voulais tout juste rendre hommage au Président de la République, le président Alassane Ouattara et son jeune frère Pascal Affi N‘ Guessan. Pas un hommage creux vide de sens mais un hommage dans tous les aspects du terme.

Le président Affi bien sûr pour sa hauteur d’esprit et le président Ouattara pour sens de l’Etat, pour son sens des responsabilités. Ils ont décidé de faire table-rase, je dis bien table-rase de beaucoup de choses qui les ont opposés ou qui auraient pu les opposer, d’abord pour se parler, pour se rencontrer, pour échanger, sans doute vider le contentieux qui les opposait et aussi pour se projeter.

Malgré tout ce qui les a opposé, nos deux partis ont eux aussi décidé de se rencontrer pour se parler, échanger pour arriver à ce que nous célébrons aujourd’hui, je rends hommage aux deux présidents qui ont fait preuve de force de caractère. Le président nous a donné un cours de démocratie en Conseil des ministres.

Le président Affi à sa sortie de prison a entamé une tournée à travers le pays. Je dirai pas de nom, mais certains parmi nous, je n’en fais pas partie, s’étaient offusqués premièrement qu’au sortir de cette situation, qu’il retrouvé la force d’entreprendre une tournée dans le pays. Deuxièmement, ils ont estimé que les propos qu’il tenait n’étaient pas bien. Et puisque certains s’étaient exprimés en Conseil des ministres, le président de la République a dit c’est ça la démocratie, il faut accepter d’écouter ce qui ne vous plait pas. C’était en 2013.

Donc le processus qui a abouti à cet accord a débuté au lendemain de la crise postélectorale. IL a débuté par la main tendue du président de la République à l’opposition sans exclusion y compris le FPI. Il s’est poursuivi par les différentes étapes du dialogue politique et les différentes rencontres que nous avons eues. Toutes les questions ont été abordées (… ) Nous avons bénéficié de l’accompagnement presque quotidien du président du parti, le président Alassane Ouattara.

C’est pour dire que la signature à laquelle nous avons procédé est un acte conscient que nous considérons comme étant un instrument au service de la démocratie et de la réconciliation nationale. Il ne s’agit pas comme l’a souligné le président Affi N’Guessan, d’un instrument de partage de gâteau, de partage de pouvoir.

Il s’agit bien d’un instrument au service de la réconciliation nationale, la paix dans notre pays. La paix n’a pas la même résonnance pour ceux que le FPI  a qualifié de revanchards.

Il n’a pas la même signification pour nous et pour ceux qui cherchent à se venger. Nous cherchons à consolider les acquis de la gouvernance de notre président ; cet accord doit contribuer largement à l’atteinte de notre objectif. C’est pourquoi je voulais me réjouir de cet aboutissement. Désormais, sur la base de l’accord que nous avons signé, nous irons plus loin.

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