Ukraine : les quatre mois qui ont conduit à l’attaque russe

Si les origines de l’invasion de l’Ukraine par la Russie remontent à plusieurs années, les quatre derniers mois ont été déterminants dans l’escalade militaire entre Moscou et Kiev. Rappel des faits.

En novembre dernier, des mouvements de troupes inhabituels à la frontière ukrainienne inquiètent les Américains, qui envoient Williams Burns, ancien ambassadeur des États-Unis en Russie, discuter avec les services de renseignement du Kremlin. On est le 2 novembre. À la fin du mois, le gouvernement de Kiev estime que 92 000 soldats russes sont massés aux frontières du pays et que des missiles balistiques russes sont stockés dans la zone.

Dès le 15 novembre, les États-Unis renforcent leur présence en mer Noire et réalisent des exercices. Une « provocation » pour Vladimir Poutine, au téléphone avec Emmanuel Macron. Début décembre, Vladimir Poutine annonce ses exigences. Une garantie que l’Ukraine n’adhérera jamais à l’Otan, pour laquelle il prépare deux traités, et le retrait des forces de l’Otan des pays de l’ex-espace soviétique. Ce n’est pas nouveau : le dirigeant russe a toujours refusé d’avoir de telles forces à ses frontières. Dans le même temps, Joe Biden agite la menace de sanctions en cas d’invasion : le gazoduc Nord Stream 2, hyper stratégique pour exporter le gaz russe, pourrait être utilisé comme « levier ». Une dizaine de jours plus tard, Moscou déploie des soldats en Biélorussie, pour des exercices militaires, et vers Noël, l’Otan renforce ses forces dans les pays de l’est de l’Europe membres de l’Alliance.

Washington place 8 500 militaires en état d’alerte. Moscou lance à ce moment-là de nouvelles manœuvres, près de l’Ukraine et en Crimée. Du 14 au 16 janvier, une vaste cyberattaque, que Kiev attribue à des pirates informatiques russes, touche des sites institutionnels, militants et médiatiques ukrainiens. Le 2 février, après l’annonce d’exercices militaires russes et bélarusses à la mi-février, Washington re-déploie 3 000 soldats en Europe de l’Est, et dans le même temps, les parties prenantes amorcent une séquence diplomatique très intense. Des coups de fil quotidiens, des déplacements en Ukraine et à Moscou, qui pourraient aujourd’hui être qualifiés de séquence de « poker menteur » : Poutine soufflait le chaud et le froid, promettant un jour la paix, et l’autre la guerre. Les déclarations des États-Unis, à ce moment-là, sont très alarmistes.

Cinq jours plus tard, toujours dans cette volonté de brouiller les lignes, Vladimir Poutine se dit prêt à des compromis, après un entretien avec le président français… Puis les armées russe et bélarusse débutent des manœuvres de grande envergure. L’Otan insiste alors sur le risque réel d’un nouveau conflit armé en Europe, et la France annonce des renforts militaires possibles en Roumanie.

À la mi-février, Kremlin annonce un retrait partiel de ses forces aux frontières ukrainiennes, et explique qu’il n’a jamais été question que ces forces restent en place, mais l’Otan et Washington disent ne constater aucun signe de désescalade. C’est là que les choses s’accélèrent. Des heurts accrus se déroulent dans l’est de l’Ukraine, dès le 17 février. L’armée russe augmente ses forces de 7 000 soldats supplémentaires, les renseignements américains en comptent 150 000 le long de la frontière.  Deux jours plus tard, l’armée ukrainienne annonce la mort de deux de ses soldats. Malgré tout, une dernière lueur d’espoir naît le lundi 21 février. L’Élysée annonce que les présidents russe et américain ont accepté le principe d’une rencontre. Un espoir douché par le Kremlin, qui dément et juge une rencontre « prématurée ».

Et puis, le même jour, Vladimir Poutine prononce à la télévision russe un discours extrêmement offensif dans lequel il reconnaît l’indépendance des républiques séparatistes du Donbass. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, affirme alors dans un communiqué considérer la décision de la Russie  « comme une violation de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine ». Les États-Unis annoncent des sanctions contre les régions séparatistes. L’Allemagne et la France condamnent également le discours russe mais laissent ouverte la porte de la diplomatie.

Mais tous les pions sont déjà en place : les républiques séparatistes nouvellement reconnues appellent la Russie à l’aide le 23 février, et l’imminence d’une intervention militaire russe ne fait plus de doute.

 

Laissez une réponse

Votre email ne sera pas publié