Ukraine :  Pourquoi la Russie parle de dénazification

La crise en Ukraine a pris un tournant important, le jeudi 24 février 2022, avec la déclaration du président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, autorisant les premiers bombardements et l’entrée sur le sol ukrainien de forces armées russes à l’Est, au Sud par la Crimée et au Nord via la Biélorussie, allié de Moscou. Cette entrée en guerre résulte de longs mois de tensions entre les deux pays. La Russie n’acceptant pas le rapprochement de l’Ukraine avec les pays occidentaux et encore moins son désir d’adhérer à l’Otan, un point inacceptable pour la Russie qui y voit une menace pour ses frontières.

Le 12 juillet 2021, Vladimir Poutine avait publié ainsi un long texte sur le site du Kremlin dans lequel il revenait sur l’histoire qui lie la Russie et l’Ukraine depuis des siècles. Dans ses écrits, le président russe  a rappelé que « les Russes et les Ukrainiens ne forment qu’un seul peuple » au regard de l’histoire entre les deux nations. Pour lui, l’indépendance prise par le pays voisin en 1991 « est notre grand malheur et notre grande tragédie commune ». Un sentiment renforcé avec la volonté réitérée, en août 2021, du président ukrainien Volodymyr Zelensky d’intégrer l’Otan, et donc de s’éloigner un peu plus de la Russie.

Autre raison évoquée par Vladmir Poutine pour justifier l’offensive armée contre l’Ukraine, sa décision de dénazifier l’Ukraine. Bouter hors de ce pays, les groupes para-militaires néo-nazis ainsi que les leaders populistes pro-nazi. Poutine accuse le pouvoir de Kiev d’être lié aux « nationalistes extrémistes » qualifiés aussi de « néo-nazis » qui menacent de prendre le pouvoir. Le chef de l’Etat russe dénonce également «une junte anti-populaire ». « Avec l’aval du Conseil de sécurité, j’ai décidé de mener une opération militaire spéciale. Son objectif est de protéger les personnes victimes d’intimidation et de génocide par le régime de Kiev depuis huit ans. Et pour cela, nous lutterons pour la démilitarisation et la dénazification de l’Ukraine », précise Vladmir Poutine.

Le président russe a-t-il raison sur toute la ligne concernant toutes les accusations qu’il a proférées contre l’Ukraine ? S’il a raison pour la menace que constitue une adhésion probable de l’Ukraine à l’Otan pour la Russie à travers une présence militaire de l’Organisation du traité de l’atlantique nord (OTAN) aux frontières russes ainsi que les agissements des  néo-nazis en Ukraine, on pourrait s’interroger sur la pertinence des accusations liées à un génocide que perpétuerait le pouvoir de  Kiev dans le Donbass. « Il se passe un génocide de millions de personnes qui ne peuvent compter que sur la Russie », a affirmé le président Poutine à propos de la situation dans le Donbass. A l’évidence aucune preuve ne vient étayer une telle accusation.

 

Certes, l’Ukraine n’est pas dirigée par des nazis. Mais il existe dans ce pays, des groupes d’extrême droite que l’on peut qualifier de néonazis. Des groupes puissants et ouvertement menaçants. C’est le cas par exemple, des militants du Corpus noir du Régiment Azov. En février 2017, ils ont organisé une gigantesque manifestation à Kiev au cours de laquelle ils ont, à travers une parade, démontré leur présence forte dans le pays. Les observateurs occidentaux, soutiens d’une Ukraine, membre de l’OTAN, estiment que les néo-nazis sont une réalité marginale en Ukraine. Ils ont veulent pour preuve, l’élection du président Zelensky qui est lui-même d’origine juive. Pourquoi un pays de néo-nazis élirait-il un juif d’origine comme président de la République ? S’interrogent-ils. A cette question, le Kremlin répond qu’il s’agit de la poudre aux yeux.

Bien au contraire,  l’Ukraine serait en train d’ériger en héros, un dirigeant pro-nazi qui se nomme Stepan Andriïovytch Bandera. Né le 1er janvier 1909 dans la province de Kalouch dans l’Est de l’Empire austro-hongrois et mort assassiné le 15 octobre 1959 à Munich, Stepan Bandera était un homme politique et idéologue nationaliste ukrainien. Il était l’un des dirigeants de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) et le dirigeant de l’Organisation des nationalistes ukrainiens dite « OUN-B », à tendance extrémiste. Dans sa lutte pour l’indépendance de l’Ukraine contre la Pologne et l’Union soviétique, il  a collaboré avec l’Allemagne nazie en créant la Légion ukrainienne sous commandement de la Wehrmacht.

Le 30 juin 1941, il rédige avec Iaroslav Stetsko, une déclaration d’indépendance de l’Ukraine. Celle-ci étant rejetée par l’occupant nazi, il est arrêté et envoyé après janvier 1942 dans le camp de Sachsenhausen. Libéré en septembre 1944, il collabore à nouveau avec l’Allemagne nazie depuis Berlin. Il fuit en Suisse avant la fin de la guerre pour réapparaître en Allemagne de l’Ouest où il est assassiné par les services secrets soviétiques.

C’est cette personne qui est devenue, selon le Kremlin, un héros en Ukraine au point où le pays à travers son extrême droite, de plus en plus forte, serait lancé dans une politique révisionniste. Pour une certaine classe politique ukrainienne, selon des observateurs attentifs, les Nazis ne seraient pas si dangereux que ça et qu’il fallait lier une alliance avec eux durant le régime tortionnaire d’Adolf Hitler. Les néo-nazis ukrainiens développent donc de plus en plus une idéologie pro-nazi et évidemment anti-russe. C’est à cette situation que Poutine veut mettre fin en attaquant l’Ukraine. Y parviendra-t-il sans faire de nombreux morts ? L’opération militaire de la Russie nous le dira à son terme.

Une contribution de Franck Soro

Citoyen Ivoirien

francksoro21@yahoo.com

 

 

 

 

 

 

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