Ahmed Ouattara, ancien footballeur international : « L’Asec ne m’a pas récompensé à la hauteur de mes services »

Ahmed Ouattara était un attaquant véloce de l’Africa Sports des années 90. Sa pointe de vitesse et ses coups de tête rageurs ont dérouté de nombreuses équipes. Dé­sormais, à la retraite, il nous ouvre sa maison et son cœur.

Parlez-nous de vos débuts.

J’ai commencé à l’Asec en cadet, junior et senior, de 1984 à 1986. Ce sont des années durant lesquelles j’ai été meilleur buteur. J’ai joué mon premier match de championnat de Côte d’Ivoire avec l’Asec d’Abidjan. C’est ce club qui m’a prêté au Sporting club de Gagnoa en 1987. J’ai quitté Ga­gnoa en cours de saison 1988-1989 pour rejoindre l’Africa, alors même que j’avais déjà été appelé en équipe nationale. Mon arrivée à l’Africa a été motivée par le fait que l’Asec ne m’a pas récompensé à la hauteur des services et du dévouement que je lui ai consacré.

Que s’est-il passé ensuite ?

J’ai joué à l’Africa de 1990 à 1994. Pendant ces années, j’ai été plusieurs fois meilleur buteur. A la fin de la saison 1994, j’ai signé au FC Sion en Suisse où je n’ai passé que 06 mois pour me retrou­ver au Sporting club de Lisbonne au Portugal (1995-1996). En 1997, je suis revenu à Sion. J’en repars en juin 1998 pour signer au FC Bâle, toujours en Suisse. En 1999, je joue à Estrémadure en Espagne. Ensuite, c’est Al Shabab, un club Emirati qui m’accueille en 2000. Dans le courant de la même année, j’arrive à El Nasser en Arabie Saoudite. Enfin, de 2001 à 2002, je fais un tour à Salgueiros, au Portugal. C’est un club de Porto à l’image de la JCAT ou du WAC, ici à Abidjan. Ma carrière a pris fin de façon effective à Salgueiros au Portugal, en 2002.

Combien de CAN avez-vous jouées ?

J’ai joué les CAN de 1990, 1994, 1996, 1998 et 2000. Ce sont des expériences enrichissantes au cours desquelles j’ai vécu des moments intenses. Elles m’ont permis de tisser des liens solides avec de nombreux joueurs et dirigeants de ce pays.

Comment se fait votre retour en Côte d’Ivoire après l’aventure professionnelle ?

A la fin de ma carrière, j’étais sur le point de me rendre à Saint-Denis à l’Ile de la Réunion lorsque Jacques Anoma, nouvellement élu à la tête de la Fédération ivoirienne de football, m’a fait appel. Il m’a demandé de l’aider à reconstruire le football ivoirien. Il voulait mettre fin à l’ère des dirigeants qué­mandeurs et larbins. C’était la seule condition pour gagner le respect des joueurs et les amener à plus de travail. C’est ainsi que je suis arrivé à la fédération avec Gouaméné Alain pour aider le président Jacques Anoma qui était comme un père pour moi. En ma qualité de chargé de mission et re­présentant de la FIF à l’étranger, notamment en France, j’as­sumais les fonctions de directeur sportif en quelque sorte. Cela a duré 10 ans (2002-2012).

Quel a été votre apport à la FIF ?

C’est Gouaméné Alain et moi qui avons encadré l’arrivée de Robert Nouzaret et d’Henri Michel à la tête des Elé­phants. C’est sous mon impulsion que Cissé Sékou et Tioté Cheick, qui jouaient à Anderlecht, en Belgique, sont arrivés en sélection. Je suis allé à Beveren où se trou­vaient Boka Arthur, Kouassi Gervais, Gyapi, Yaya Touré, Né Marco, N’Dri Koffi Romaric et Eboué Emmanuel pour les faire entrer chez les Eléphants. Pendant les 10 ans passés à la FIF, j’ai eu la chance de vivre plusieurs CAN et surtout 3 coupes du monde avec l’équipe nationale.

Vos meilleurs souvenirs de joueur ?

J’ai été meilleur buteur du championnat 1991, 1992, 1993, 1994. J’ai gagné le championnat et la coupe nationale plusieurs fois. Ensuite, j’ai eu la reconnaissante du président de l’Africa Sports Simplice De Messé Zinsou. Il y a aussi mon premier match livré au Portugal en 1995 avec le Sporting Lisbonne où j’ai marqué. Je n’oublierai pas mon passage en sélection avec le match Côte d’Ivoire-Nigéria en 1993 pour les éliminatoires de la CAN 1994, ainsi que le match Côte d’Ivoire-Algérie à Tlemcen. Dans certains matches, j’ai marqué des buts dont les gens continuent de parler encore aujourd’hui.

Pires souvenirs ?

Ce sont surtout les blessures que j’ai connues. Par exemple, j’ai eu une rupture des ligaments croisés en 1996 au Sporting de Lisbonne. Il y a eu une seconde contrac­tée à Al Shabab aux Émirats Arabes Unis. Une double fracture du tibia-péroné. Ce sont des blessures terribles qui m’ont éloigné des stades durant un certain temps.

Quel est votre regard sur le football ivoirien actuel ?

Le constat est triste. La situation est pire qu’il y a 20 ans. Pourtant, aujourd’hui, le football est beaucoup plus média­tisé. Internet, les téléphones portables et les grandes chaines de télévisions vulgarisent toutes les images des matches. Chaque geste est posté sur les réseaux sociaux en temps réel. Nous n’avons pas connu cela. Mais à notre temps, les salaires et les traitements des équipes étaient meilleurs. En 1993 ou 1994, nous touchions 1 million CFA pour certains joueurs à l’Africa. Les joueurs étrangers tou­chaient parfois plus. En ce moment-là, la subvention de la FIF aux clubs n’était même pas de 100.000 F. En 2017, la subvention est de 70 millions par club, et on trouve des joueurs payés à 50.000, 100.000 ou 200.000 F pour les plus chanceux. Parfois même, ces misérables salaires ont du mal à être payés.

Et au niveau sportif ?

Ensuite, il n’y a plus de derby en Côte d’Ivoire. Le match Asec-Africa n’a plus aucune saveur. Dans tous les pays du monde, les derbies demeurent. Au Maroc, WAC-Raja, en RDC, Vita club-TP Mazembé. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, l’Africa et l’Asec ne font plus peur. Au contraire, ils cherchent à obtenir des matches nuls lorsqu’ils rencontrent l’AS Tanda, San Pedro ou le WAC. C’est incroyable. Enfin, on constate qu’il n’y a plus de mécènes dans le football ivoirien. Il n’y a plus de Simplice Zinsou. Me Roger Ouégnin est le seul à rêver en­core grand.

Vos propositions ?

Dans un championnat, il est nécessaire de créer un en­gouement. C’est par lui que viennent le dynamisme et les performances. Je commencerai par faire revenir certains joueurs en fin de carrière. L’Asec l’avait déjà fait en 1993 avec Gadji Celi et Bedé James, par exemple. Il y a aussi le traitement des joueurs qu’il faut améliorer car il est inacceptable qu’un joueur ne soit pas correctement payé alors que la Fédération octroie une subvention de 70 millions à chaque club de la Ligue 1. Même ceux de la Ligue 2 sont conséquemment subventionnés. C’est un fait inédit dans l’histoire du foot­ball ivoirien. En Egypte, Abou Treika n’a jamais quitté son pays parce qu’il était payé à 2 milliards de francs CFA par an. Que voulez-vous qu’il aille chercher à l’étranger ?

Etes-vous marié ?

Et père de 5 enfants dont 3 garçons et 2 filles. Ils vivent en France avec leur mère.

Un fils futur footballeur ?

Peut-être qu’il y en aura un, on ne sait jamais. Moi, j’ai eu un oncle footballeur. Dans une famille, ce genre de prédis­positions est toujours possible. Ma fille a été gardienne de buts au Paris Saint-Germain. Un autre Ahmed Ouattara, c’est possible. On ne sait jamais.

Que fait Ahmed Ouattara aujourd’hui ?

Je fais mes affaires. J’ai aussi fondé une société Ahmed Ouattara Consulting (AOC) qui opère dans l’organisation des grands évène­ments, service traiteur, etc.

Nerveux, caractériel ?

Non, je suis ouvert. Il m’arrive de crier mais après ça passe. J’oublie tout et puis la vie continue. Je ne suis pas rancunier. J’aime surtout la sincérité.

Plat préféré ?

Vous me posez une colle…. Bon, en  bon Malin­ké, c’est le riz à la sauce arachide (Rire).

Arthur Zébé

 

 

 

 

 

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