Dans cette seconde et dernière partie de l’interview exclusive qu’il a accordée au quotidien ivoirien L’Avenir, l’ancien ministre des Affaires étrangères sous l’ex-président Laurent Gbagbo, le diplomate chevronné Alcide Djédjé, parle du style politique des présidents Gbagbo et Ouattara, il jette également un regard critique sur les ambitions politiques de l’ancien chef de l’Etat.
Vous avez l’avantage d’avoir pratiqué deux présidents Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. Quelle lecture faites-vous de la conduite des affaires de chacun de ces présidents ?
Chacun a son tempérament et ses méthodes. Le Président Gbagbo est quelqu’un qui sait haranguer les foules, c’est un tribun. Le Président Ouattara est un travailleur acharné, c’est un chef d’Etat qui se comporte comme un chargé d’études dans un ministère. Il vérifie tout et il suit tout. Il ne serait pas arrivé à ce résultat, s’il ne faisait pas preuve d’une vigilance extrême, d’une technicité, d’une connaissance et d’une vision juste du monde. Il est attentif à tout.
Je pense que c’est la providence qui l’a mis à la tête de la Côte d’Ivoire en ce moment précis. Sinon on ne peut pas expliquer ces résultats qu’on obtient. Sortir de la situation de 2011 dans un pays totalement à terre et avoir le résultat qu’on a aujourd’hui est inexplicable. Cela relève du génie, mais du génie d’un homme : Alassane Ouattara. Je pense simplement que c’est un homme providentiel pour la Côte d’Ivoire. Nous sommes vraiment fiers du Président Ouattara, de notre leader. On prie tous les jours pour qu’il puisse encore continuer à aider la Côte d’Ivoire.
L’ancien président Laurent Gbagbo a été acquitté. Il est de retour en Côte d’Ivoire depuis le 17 juin 2021. C’est votre ancien patron, l’avez-vous rencontré ?
Non pas encore. J’ai demandé à le rencontrer, je n’ai pas eu de retour.
Vous n’êtes pas le seul dans cette situation, il y a aussi Blé Goudé, son compagnon de cellule qui peine aussi à le rencontrer. Est-ce que vous avez l’impression que Laurent Gbagbo ne veut pas vous recevoir ou bien il est pris en « otage » par des proches qui régentent tout autour de lui ?
Non, après tout, la décision lui appartient. A un moment donné, vous vous retrouvez seul à prendre une décision. Il a ses raisons. Je pense que ce sont peut-être les méandres de la politique politicienne. J’ai fait une demande d’audience auprès de l’ambassadeur Aka Emmanuel qui est son directeur de cabinet. Il m’a dit qu’il n’y a pas de problème, il a promis que ça va se faire, mais ça fait bientôt un an et demi que j’ai demandé l’audience et j’attends toujours.
Laurent Gbagbo est revenu de la CPI, il a enfilé à nouveau son costume d’homme politique. Il a même créé une nouvelle formation. Il est à nouveau dans l’arène politique. Au regard des faits et gestes et des discours qu’il tient, pensez-vous que ce Laurent Gbagbo a tiré les leçons de la crise post-électorale et aussi celles des dix années de sa gestion du pouvoir ?
Ce qu’il faut retenir, c’est que le président Laurent Gbagbo d’aujourd’hui n’est pas dans la même dynamique que l’opposant d’Houphouët-Boigny. Du temps du parti unique, il s’est retrouvé dans un contexte qui lui avait été favorable. Je pense qu’aujourd’hui, les Ivoiriens ont pu comparer les choses, ils se sont fait une opinion, ce qui fait qu’il y a moins d’enthousiasme et beaucoup de défections au sein de son parti, le PPA-CI.
Tout le bloc de son parti historique qui a fait sa réputation et sa renommée a été émietté. Il y a la fraction de Simone Gbagbo, celle d’Affi N’Guessan et les frustrés du PPA-CI qui rejoignent individuellement le RHDP et d’autres formations comme celle de Blé Goudé etc. Et puis il y a un groupe qui n’a plus le même enthousiasme, qui est dans une situation d’attentisme. Ce qui fait que le PPACI n’est pas fort. Et même si le Président Gbagbo avait des ambitions, je ne pense pas que ses ambitions puissent le porter à nouveau au pouvoir.
Et pourtant, ses lieutenants le présentent comme l’homme de la situation pour 2025…
C’est de bonne guerre et ce sont les règles de jeu du multipartisme. Mon avis sur la candidature de Laurent Gbagbo n’est pas celui d’un militant du RHDP, mais bien celui d’un observateur de la vie politique. Aujourd’hui, Laurent Gbagbo n’a pas les mêmes atouts que l’opposant à Houphouët-Boigny qui était monté en puissance. Nous sommes en 2023 et il a déjà exercé le pouvoir d’Etat. Trop d’eau a coulé sous les ponts. Il n’aura plus la même occasion historique d’accéder à nouveau au pouvoir. A vrai dire, il ne pourra pas être le Lula Da Silva ivoirien.
Le PPA-CI a des velléités de rapprochement avec le PDCI. Quels commentaires sur une alliance entre ces deux formations ?
En Côte d’Ivoire, il y a eu tous les attelages possibles et il y a eu tous les rapprochements possibles à des moments donnés de l’histoire. Compte-tenu de certaines frustrations, il y en a au PDCI qui veulent se rapprocher du PPA-CI ou de qui d’autre le voudrait, pourvu que la personne soit un adversaire d’Alassane Ouattara.
Ça peut à mon avis être considéré comme des voies qui ne sont pas viables. Ces deux formations politiques sont en perte de vitesse. Le PDCI a été fondé en 1946. Mais il y a eu beaucoup de vicissitudes. Il ne faut jamais oublier que le RDR et tous ceux qui composent le RHDP sont issus au départ du PDCI. Donc ce n’est plus le même PDCI qu’avant.
Le PPA-CI n’est plus le même FPI de Laurent Gbagbo. Ce sont donc deux formations politiques en perte de vitesse qui vont se mettre ensemble et qui ne pourront pas affronter valablement la grande coalition que constitue le RHDP, qui est quasi comparable à ce que nous avons connu sous le leadership du président Félix Houphouët-Boigny. Aujourd’hui, Alassane Ouattara incarne à nouveau le leader que Dieu nous a envoyé pour, d’abord reconstruire la Côte d’Ivoire, et aller au-delà en faisant mieux qu’Houphouët-Boigny.
Je voudrais donc rendre un vibrant hommage au Président Ouattara pour son leadership et pour l’encadrement qu’il nous procure, nous autres qui sont plus jeunes que lui, pour les voies qu’il nous montre pour qu’ensemble soudés, nous puissions continuer de suivre ces voies, et l’aider à notre modeste niveau à conduire la Côte d’Ivoire à un développement encore plus radieux.
Nous sommes à la veille des élections locales et celles de 2025. En tant que cadre du RHDP, est-ce que vous avez des appréhensions sur les performances de votre parti pour ces consultations étant entendu que les trois grands blocs politiques, RHDP, PDCI et PPA-CI seront tous dans la course?
Non, je n’ai aucune appréhension. Les cadres RHDP qui occupent les mairies et les conseils régionaux ont un bilan très positif qui est la résultante de la politique menée au plan national par le Président Alassane Ouattara. Ils constituent au plan local, les relais de la politique de ce dernier. Les retombées des politiques publiques et leurs actions bénéfiques sur les mairies et les conseils régionaux dans lesquels nous sommes majoritaires font que les populations vont vouloir conserver le RHDP à la tête de ces collectivités. Cette majorité sera donc gardée par le RHDP parce que les populations ont du bon sens. Je pense que le RHDP va encore les remporter.
Nous sommes quasiment au terme de cette interview, est- ce que 12 années après la crise post-électorale, Alcide Djédjé a des regrets ?
Oui, j’ai des regrets et des frustrations de n’avoir pas pu empêcher ce qui s’est passé parce qu’il y a eu des morts et d’importants dégâts de toutes sortes. En tant que diplomate et homme politique, la frustration est grande et les regrets sont là. On ne fait pas la politique pour arriver à la guerre. Tout ce qui est arrivé de mauvais et les tourments dont les populations ont été l’objet au cours de cette crise sont de notre responsabilité, nous les élites politiques. Je voudrais demander pardon à tous ceux qui ont subi ces frustrations par la faute d’un système auquel j’ai appartenu.
Comment voyez-vous alors l’avenir de votre pays 12 années après ce que vous venez de décrire ?
Je vois un avenir radieux et tous les experts le disent. Je pense qu’il faut entendre ce qu’ils disent. Tous les signaux sont au vert. Le ministre de l’Economie vient des Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale. On ne prête pas l’argent quand on n’a pas confiance. C’est la règle du jeu dans le monde. On confie les ressources à ceux qu’on croit capables d’utiliser à bon escient tous ces fonds qui appartiennent au FMI et à la Banque mondiale.
Si on n’avait pas confiance en la Côte d’Ivoire, si on n’avait pas confiance au Président Alassane Ouattara et à son gouvernement, ces engagements au plan international n’auraient pas été pris. Les facteurs qui sont pris en compte par le FMI et la Banque mondiale sont les perspectives de paix sociale, les perspectives de retour sur investissements, le cadre institutionnel dans lequel ces ressources vont être utilisées et être fructifiées.
Sur la base de cet optimisme, est-ce qu’Alcide Djédjé a un appel à lancer aux Ivoiriens, en général et aux militants du RHDP, en particulier ?
Comme c’est un triste anniversaire, celui du 11 avril 2011, il faut toujours avoir à l’esprit ce qui s’est passé et se dire plus jamais ça dans notre pays ! Dans les actions que nous menons, dans l’animation de la vie politique on peut avoir, des désaccords. Mais il faut éviter les crises comme celle qu’on a vécue. Nous qui avons vécu la crise, devons avoir une attitude de péda- gogue et d’encadrement vis-à-vis de ceux qui viennent de se lancer dans la politique.
Que les gens retiennent bien ceci : On ne sort jamais gagnant d’une crise. Et une crise laisse parfois des séquelles dont on ne peut se relever. Si vous n’avez pas un homme providentiel comme Alassane Ouattara, qui peut vous sortir de là, vous n’y arriverez pas. J’appelle donc l’ensemble des Ivoiriens à la retenue dans toutes leurs activités et confrontations politiques et que Dieu nous inspire.
(Source : Quotidien L’Avenir)
NB : La titraille et le chapeau sont de « Le Monde Actuel »
Qui est Lula Da Silva ?
Luiz Inácio Lula da Silva appelé Lula ou Lula da Silva, est un homme d’État brésilien, né le 27 octobre 1945 à Caetés (Brésil). Figure historique du Parti des travailleurs (PT), il est président de la république fédérative du Brésil de 2003 à 2011 et depuis 2023.
Ouvrier métallurgiste de profession, il participe en 1980 à la fondation du Parti des travailleurs, mouvement d’inspiration socialiste, dans un contexte de grèves et d’opposition à la dictature militaire. Au cours de la décennie, le PT devient une formation de premier plan de la vie politique brésilienne. En 1989, après la fin de la dictature, Lula s’incline au second tour de l’élection présidentielle face à Fernando Collor (PRN), réunissant 47 % des voix. À nouveau candidat en 1994 et 1998, il est éliminé dès le premier tour par Fernando Henrique Cardoso (PSDB).
Finalement élu président de la république fédérative du Brésil lors de l’élection présidentielle de 2002 face à José Serra (PSDB) avec pour colistier à la vice-présidence le centriste José Alencar, il est réélu en 2006 en l’emportant une nouvelle fois sur le candidat du PSDB, cette fois-ci Geraldo Alckmin. Lors de ces scrutins, Lula réunit respectivement 61,3 % et 60,8 % des suffrages exprimés au second tour.
Au palais du Planalto, il met en place des programmes sociaux d’importance – notamment la Bolsa Família et Fome Zero –, améliore sensiblement la situation économique du pays dans la lignée de son prédécesseur et s’implique dans les questions internationales, comme pour l’obtention d’un siège au Conseil de sécurité des Nations unies. Ses deux mandats sont également marqués par des scandales politico-financiers, qui abîment l’image de son parti et de ses gouvernements. La Constitution lui interdisant de se représenter pour un nouveau mandat consécutif, il apporte son soutien à sa cheffe de cabinet, Dilma Rousseff, qui remporte le scrutin présidentiel de 2010 grâce notamment à la popularité record de Lula.
En 2016, alors qu’il est soupçonné de corruption et de blanchiment d’argent dans l’affaire Petrobras, Lula est nommé ministre de la Maison civile par Rousseff, mais cette nomination controversée est aussitôt suspendue par la justice. Deux ans plus tard, il est condamné à douze ans de prison. Désigné candidat du PT à l’élection présidentielle de 2018, il est emprisonné et déclaré inéligible, avant d’être condamné dans une autre affaire. En 2019, il est libéré à la suite d’un recours. En 2021, le Tribunal suprême fédéral fait état d’une partialité du juge Sergio Moro et annule ses deux condamnations pour « vice de forme ».
Cette décision permet à Lula de se présenter à l’élection présidentielle de 2022, avec son ancien adversaire de droite Geraldo Alckmin à la vice-présidence. Il l’emporte au terme du scrutin présidentiel le plus serré de l’histoire du Brésil, obtenant 50,9 % face au président sortant d’extrême droite, Jair Bolsonaro.
Didier Depry
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