Dans cette tribune qu’il a intitulée « Appel de Bonoua : La redistribution des cartes », Marcellin Gnahoua connu sous le pseudonyme de Gilles Christ Djédjé, Secrétaire national du PPA-CI, formation politique de l’ancien président de la République de Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, tire à boulets rouges sur certains leaders de l’opposition ivoirienne notamment Pascal Affi N’Guessan du FPI, Simone Ehivet Gbagbo du MGC et Charles Blé Goudé du COJEP. Il les accuse de vouloir saborder l’appel à l’unité de l’opposition, pour évincer le RHDP et le président Alassane Ouattara du pouvoir en 2025, lancé, le 14 juillet 2024, par Laurent Gbagbo lors d’un meeting de son parti à Bonoua, localité située à quelques kilomètres d’Abidjan.
L’appel lancé par le Président Laurent Gbagbo, le 14 juillet 2024, sonne comme l’alerte de la sentinelle démocratique. Les soldats appelés à se mettre en situation de bataille semblent pour certains rechigner encore au combat. Le prétexte tout trouvé s’énonce comme suit : « Pourquoi Laurent Gbagbo se croit-il résolu à appeler à l’union de l’opposition ivoirienne alors qu’il avait soutenu que son rôle n’était pas de travailler à l’entente de la gauche ? Pourquoi revient-il vers Affi N’Guessan et le FPI qu’il avait pris soin de contourner après les avoir traités d’enveloppe vide et de cailloux ? Pourquoi a-t-il envoyé des émissaires chez Blé Goudé qu’il refuse de recevoir et de citer nommément en public ?… ». Voilà entres autres échappatoires auxquelles s’attachent certains acteurs politiques pour tenter de délégitimer le père de la démocratie en Côte d’Ivoire, auteur de l’appel historique de Bonoua.
L’autre argument le plus farfelu débité encore par d’autres acteurs politiques est le suivant : « Laurent Gbagbo a un problème avec la justice ivoirienne à propos de ses droits civils. Son nom n’est pas sur la liste électorale, alors coincé, il a besoin des ivoiriens de tout bord pour le remettre en selle… ». Alors les allégories des plus saugrenues au plus incongrues fusent de partout. Suivons : « C’est le jour où les herbes envahissent de nouveau la cour, que l’on regrette le mouton qu’on a chassé juste pour une peau de banane…Quand tu te promènes avec n’importe qui, c’est n’importe quoi qui t’arrive…». Dans notre analyse, nous allons épuiser ces pantalonnades, ces faux-fuyants, des couvertures d’une faiblesse de sédiments argumentatifs.
Le cas Affi N’Guessan
Le Président Laurent Gbagbo a longuement expliqué au monde entier les raisons pour lesquelles il fallait éviter de disputer le FPI à Affi N’Guessan. Il n’est pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre… Affi N’Guessan a fonctionné depuis sa sortie de prison en août 2013 en agent double de la politique ivoirienne. Sa méthode principale était de faire du FPI qui était un parti de combat, la branche tendre, absolument et notoirement pacifiste du règne de Ouattara. Pour quelles raisons ? « Pour un dialogue constructif pour le développement », disait-il. Pourtant cette phraséologie n’est mentionnée dans aucun manuel des sciences politiques dans ce monde. S’il y a un pouvoir, il faut un contre-pouvoir. C’est bien la démarche dans toutes les démocraties. Et très vite nous avons constaté des alliances entre le front faible de notre ligne d’attaque avec les tyrans du moment. Aujourd’hui, nous assistons à un partenariat entre le FPI, parti d’opposition et le RHDP, parti au pouvoir.
Le cas Blé Goudé
S’il y a un problème qui intrigue c’est bien celui du « menuisier-coiffeur, ex-général de la rue, nouveau chauffeur… », Charles Blé Goudé. Comment comprendre que, un homme ait été déporté à La Haye par les autorités de son pays, puis s’est battu avec l’aide d’un collectif d’avocats pour sortir des griffes de cette opération qui visait à l’éteindre totalement de la sphère publique nationale et internationale, réussit à être libéré puis sa première préoccupation est de traiter son codétenu d’ennemi juré ? Blé Goudé a préparé l’esprit de ses amis au rejet systématique du Président Laurent Gbagbo dans l’opinion publique ivoirienne. Avant son arrivée en Côte d’Ivoire, il a envoyé à celui qu’il appelle son père, une demande écrite d’audience. Aussi, ses lieutenants (Hanny Tchelley, Arsène Touho et autres pitres des réseaux sociaux) avaient-ils montré aux internautes du monde entier la pleine mesure de leur irrévérence caractérisée
A l’égard du bourreau, rien, sinon, de la pommade. Jusqu’à aller en campagne électorale pour ses représentations locales lors du scrutin de septembre 2023. Aucun détenu politique sorti de prison n’a autant caressé ses bourreaux. Il avait même fait écrire à l’un de ses sous-fifres que c’était le Président Laurent Gbagbo qui s’opposait à la délivrance de son passeport. Un simple document administratif dont la confection ne nécessite même pas l’avis des parents, pour les personnes majeures, a été surmédiatisé pour Blé Goudé. Se prendre en photo avec le passeport en main, sous le poster du chef de l’Etat ivoirien à l’ambassade de Côte d’ivoire ? Toute cette symbolique était une tournure en dérision de la souffrance des Ivoiriens qui pensaient naïvement qu’une injustice venait d’être réparée. Rien de tout ça. Un peu plus tard, une autre théorie allait naitre :« Six(6) ne deviendra jamais neuf(9), je ne prendrai pas part à un festin au cours duquel il sera question d’enlever un tel pour untel ». Quelle idiotie ! Pourtant, nulle part, il n’est interdit qu’un parti politique qui concourt à remporter les suffrages universels ne mette pas en priorité le départ du tenant du pouvoir. N’est-ce pas là sa raison d’exister ? Mais bon …avec Charles Blé Goudé, le désormais chauffeur de son propre véhicule, tous les panneaux de signalisation n’ont plus d’importance. Il roule sur une autoroute où tous ceux qui sont dans la même direction et dans le même sens de la circulation que le RHDP ont la priorité absolue. Voilà l’exercice auquel le fils de Kpogrobré se prête malgré tout. Du coup, il renonce à demander les dents de la panthère à celui qui en a mangé la tête.
Le cas Simone Ehivet
Nous avons tous constaté la rupture politique entre Simone Ehivet et le Président Laurent Gbagbo depuis la naissance du PPA-CI. Après la chute du régime de la Refondation, le Président Laurent Gbagbo déporté à La Haye, la bataille s’est donc engagée pour le contrôle de son parti. Simone Ehivet, 2ème vice-présidente du FPI, à sa sortie de prison, qui naturellement était en droit d’attendre le poste de présidente par intérim après le décès du gardien du temple feu Sangaré Aboudrahame, est oubliée avec la suppression de l’intérim. Docteur Assoa Adou nommé Secrétaire général sera donc à la manœuvre. La guerre interne remonta dès lors en surface. On se souvient des quolibets lancés envers le Président Laurent Gbagbo par les partisans de Simone Ehivet à l’effet de discréditer ses choix. Son conseil, Maître Rodrigue Dadjé, lâcha une boutade du genre : « On ne peut pas diriger le FPI depuis l’extérieur ».
Ces pics et autres propos sarcastiques ont eu le poids de creuser en profondeur des divergences politiques. Ainsi d’un petit mouvement d’humeur mis en musique avec la célébration d’un tissu africain, appelé « femme capable », un mouvement politique naquit dont évidemment Simone Ehivet porte l’étendard. Les élections régionales et municipales de septembre 2023 devraient en principe être considérés comme l’unité de mesure de l’ancrage populaire de chaque groupement politique né de ces fissures. Malheureusement, le MGC, au lieu de présenter des candidats avait préféré s’inscrire sur certaines listes des autres partis. Et du côté du PPA-CI, la technologie électorale élaborée par la ceinture de kuibert Coulibaly était loin de constituer un véritable révélateur de la vérité. Hélas ! Ouattara et son groupe jouent pour leur maintien au pouvoir vaille que vaille.
S’il y a donc un souci d’alternance politique et un peu de patriotisme chez l’opposition politique Ivoirienne, si elle est également fatiguée de la souffrance du peuple, si elle a compris le sens du patriotisme vrai, alors l’appel de Bonoua aurait une oreille attentive auprès d’elle. L’intelligence de la lutte politique réside dans la capacité des acteurs à faire la différence entre la contradiction principale (l’adversaire) et les contradictions secondaires (les divergences entre camarades). Privilégier les secondes au détriment de la première, c’est courir vers un échec certain avec le renforcement de la position de l’adversaire. La contradiction principale serait donc qu’en tant qu’opposition, de chercher ensemble à faire jouer les règles de la démocratie pour faire advenir l’alternance en éjectant le RHDP du pouvoir. Voilà l’équation fondamentale pour laquelle l’appel de Bonoua doit avoir un écho favorable auprès de toute l’opposition.
En France, par exemple, la gauche a prouvé qu’unie, elle reste plus forte. Les différents dirigeants ont rapidement tu leur ressentiment et ont, après la dissolution de l’Assemblée nationale le 8 juin 2024, porté sur les fonts baptismaux une nouvelle alliance: le Nouveau Front populaire (NFP). Aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, cette alliance est arrivée en tête avec environ 190 députés devant le camp présidentiel (environ 160 sièges). Même les aveugles voient la force de l’union. Et les sourds entendent.
En Côte d’Ivoire, après l’appel de Bonoua, à voix basse, certains opposants soupçonnent un agenda secret ou caché du Président Laurent Gbagbo en vue de les embarquer dans une lutte en sa faveur et à son profit. Les voilà encore et toujours dans leur tour d’ivoire, souvent nombrilistes et fermés à tout compromis dynamique.
Alors, si le Président Laurent Gbagbo a longtemps représenté, par son leadership, un facteur d’union, serait-il devenu un obstacle, depuis la perte du pouvoir ? D’ailleurs feu Sangaré Aboudramane très tôt avait en des termes bien précis rappelé à l’ordre ceux qui voudraient éloigner le Woody de Mama : «Laurent Gbagbo est à la fois le cœur, le corps et la chair de tout débat sur l’avenir de la Côte d’Ivoire. Il n’est pas une partie du débat, il est à lui seul tout le débat…Il ne peut avoir d’omerta sur son nom. Si le nom du président Laurent Gbagbo est un nom qui fâche, c’est que la Côte d’Ivoire est fâchée avec elle-même». Les opposants qui torpillent l’appel de Bonoua ont donc quel problème avec la Côte d’Ivoire ?
Ces dirigeants politiques ignorent cette pensée cartésienne de Jean-Luc Melenchon, ex-patron de La France insoumise : « En politique, l’amour n’existe pas entre hommes politiques. On s’unit pour faire face à l’adversaire ». Cela fait bientôt 14 ans qu’en Côte d’Ivoire, ceux qui se réclament de gauche gaspillent toute leur énergie à se combattre sans ménagement, à saborder toute velléité d’unité en faisant des interprétations malveillantes de tous propos venant du Président Laurent Gbagbo. Pourtant, sans Laurent Gbagbo, plus ils ont tenté de s’en sortir, et plus ils se sont essoufflés, plus ils ont manqué d’air. Alors, pourquoi ne pas saisir l’appel de Bonoua pour se libérer ?
Marcellin Gnahoua alias Gilles Christ Djédjé
Secrétaire national du PPA-CI
Légende photo : Après leur divorce conjugal, Laurent et Simone Gbagbo vivent visiblement un divorce politique irréversible.
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