Après l’opération Barkhane, la Task Force Takuba, les soldats danois… : Assimi Goita veut-il expulser l’armée ivoirienne du Mali ?

Grand rebondissement dans l’affaire des 49 militaires ivoiriens dont 15 éléments des Forces spéciales (FS) bloqués au Mali. Si en Côte d’Ivoire, on a tenté de dédramatiser la situation en ayant à l’esprit que tout rentrerait dans l’ordre parce qu’il s’agit d’ « un malentendu », pour reprendre les termes d’un haut gradé de l’état-major des Forces armées de Côte d’Ivoire (FACI) ;  au Mali, les choses sont prises très au sérieux. Le régime de la transition militaire dirigé par le colonel Assimi Goita soupçonne les 49 militaires ivoiriens d’avoir débarqué à Bamako dans l’optique de déstabiliser le Mali.  Vérité ou simple paranoïa ?  « Quel intérêt aurait la Côte d’Ivoire de déstabiliser le Mali qui est un pays frère ? Nous avons une forte communauté malienne qui vit ici en harmonie avec les Ivoiriens depuis des décennies. Soyons sérieux, quel serait l’intérêt d’un tel acte ? », soutient un haut gradé de l’état-major de l’armée ivoirienne qui dit être confiant que tout rentrera dans l’ordre. Même si la situation apparaît crispée depuis hier, lundi 11 juillet 2022.

En effet, dans un communiqué officiel du gouvernement de transition rendu public, le ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation, le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, a qualifié les 49 militaires ivoiriens de « mercenaires ». Et de préciser « le dessein funeste des personnes interpellées était manifestement de briser le dynamisme de la refondation et de la sécurisation du Mali ainsi que le retour à l’ordre constitutionnel ». Au regard de plusieurs manquements et de infractions que les 49 militaires ivoiriens auraient commis dans le cadre de leur déploiement, selon le gouvernement de transition,  les autorités maliennes estiment qu’ils sont considérés des « mercenaires tels que définis par  la convention de l’OUA (actuelle UA, ndlr) sur l’élimination du mercenariat en Afrique ».

Le gouvernement de la transition du Mali soutient que «ces militaires (ivoiriens) dont une trentaine de Forces spéciales étaient en possession d’armes, et de munitions de guerre, sans ordre de mission et d’autorisation. La profession réelle des militaires était pour la plupart dissimulée. Sur la majorité des passeports des militaires interpellés, les professions inscrites étaient les suivantes : étudiants, chauffeurs, maçons, mécaniciens,  vendeuses, électriciens,, vigiles, peintres etc. Quatre versions différentes ont été avancées par les militaires interpellés pour justifier leur présence sur le territoire malien, à savoir : la mission confidentielle, la rotation dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA), la sécurisation de la base  logistique de la compagnie aérienne Sahelian Aviation Services et  la protection du contingent allemand ». Pour en savoir davantage sur ces 49 militaires ivoiriens, le gouvernement de transition du Mali affirme que «des responsables des Forces  de défense et sécurité maliennes ont contacté leurs homologues  ivoiriens. Ces derniers ont affirmé qu’ils ignoraient tout des militaires ivoiriens interpellés au Mali ».

Face à cette situation que les autorités maliennes appréhendent visiblement comme un coup d’Etat étouffé dans l’œuf, elles ont pris un certain nombre de mesures contre les 49 militaires ivoiriens et la structure allemande que l’armée ivoirienne assiste dans le cadre d’un accord scellé depuis 2019. «Mettre fin, avec effet immédiat, à l’activité de protection de la compagnie aérienne Sahelian Aviation Services par des forces armées étrangères et exige leur départ immédiat du territoire malien ; inviter la compagnie aérienne Sahelian Aviation Services à confier dorénavant sa sécurité aux forces de défense et de sécurité maliennes ; transmettre le dossier aux autorités judiciaires compétentes ;  mettre à la disposition des autorités judiciaires compétentes les 49  militaires ivoiriens interpellés ». En prenant de telles décisions, le gouvernement de transition au Mali explique sans ambages qu’il ne veut plus voir l’armée ivoirienne sur le sol malien.

D’autant que, selon des sources autorisées au sein de l’état-major de l’armée ivoirienne, c’est le 6 juillet 2019 que la Côte d’Ivoire a signé un partenariat avec l’Allemagne afin que des militaires ivoiriens sécurisent le soutien logistique de la MINUSMA. Le gouvernement malien a décidé que désormais cela soit assuré par les forces de défense et de sécurité maliennes, pas par des forces étrangères, allusion faite à l’armée ivoirienne.

Dans une sorte de double jeu bien incompréhensible, le régime de la transition au Mali, convaincu que des mains obscures qu’il se garde de nommer voudrait le déstabiliser, appelle la population malienne à « signaler aux forces de défense et de sécurité  tout fait suspect digne d’intérêt » et  tente par la même occasion de dédouaner la Côte d’Ivoire d’être ce déstabilisateur. Alors qu’il qualifie 49 militaires ivoiriens de « mercenaires ».

Cette affaire rappelle celle des militaires danois : en janvier 2022, ils étaient arrivés au Mali dans le cadre de la force Takuba, en suivant les procédures habituelles. Les autorités maliennes avaient estimé que ces procédures ne suffisaient plus à garantir leur « consentement » et avaient contraint les militaires danois à rentrer chez eux. Après les soldats français de l’opération Barkhane et ceux venus de plusieurs autres pays d’Europe qui formaient la Task Force Takuba, le gouvernement de transition va-t-il chasser l’armée ivoirienne du territoire malien ?  Rien ne paraît incertain. Avec l’évolution des choses, si les négociations qui se poursuivent actuellement à divers niveaux pour faire tomber la tension n’aboutissent pas, la Côte d’Ivoire pourraît se retrouver hors du Mali.

Didier Depry

 

 

 

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