Coopération militaire avec les pays occidentaux : Que gagnent les pays africains ?

La coopération militaire fait partie des outils classiques de l’action extérieure des Etats-Unis, et était déjà au cœur de la stratégie américaine pendant la guerre froide. Elle est aujourd’hui en train de prendre une ampleur inédite sur le continent africain. Il n’y a pas de « guerre secrète » des Etats-Unis en Afrique, mais une masse, croissante, de programmes de coopération militaire. AFRICOM, le commandement militaire américain pour l’Afrique, n’est pas un acteur autonome mais obéit au pouvoir civil (département d’Etat et Pentagone) à Washington.

L’aide militaire et la formation des armées alliées ou amies fait partie des outils classiques de l’action extérieure des Etats-Unis, et était déjà au cœur de la stratégie américaine de « containment » pendant la guerre froide, y compris sur le continent africain. La fin de la guerre froide avait produit une période de flottement dans la politique américaine en Afrique, marquée sous la présidence de Bill Clinton par des épisodes traumatiques, en Somalie en 1993, au Rwanda en 1994. Dans la période post-Rwanda (mais pré-11 septembre 2001), les Etats-Unis qui s’étaient (militairement) retirés du continent, n’en lancent pas moins de nouveaux programme de « formation des armées partenaires » (« building partner capacity » ou BPC), dont l’enjeu central est le maintien de la paix et la prévention de conflits : c’est ainsi la création du programme African Crisis Response Initiative (ACRI) en 1996, dont l’objectif est de former les militaires africains afin qu’ils puissent participer aux opérations de maintien de la paix, qui connaissent alors un croissance considérable et tout particulièrement sur le continent.

Après les attentats du 11 septembre 2001, les priorités américaines en Afrique évoluent à nouveau. La lutte contre le terrorisme devient l’alpha et l’oméga de l’action extérieure américaine. Deux nouveaux programmes entérinent cette nouvelle vision de la BPC pour l’Afrique, dans la région de la Corne (PREACT) et au Sahel (TSCTP). Les Etats-Unis signent en 2002 un accord avec Djibouti pour y installer une importante base de logistique militaire au cœur de leur dispositif en Afrique de l’Est. L’accord permettant sa mise en service a été reconduit en 2014 pour 10 ans renouvelables. Par ailleurs, un nouveau commandement militaire géographique a été créé pour l’Afrique (AFRICOM) en 2007 entérinant ainsi le nouveau statut stratégique du continent dans les intérêts américains.

Cette évolution s’est accélérée sous Barack  Obama, en raison à la fois de l’évaluation de la menace par Washington, en hausse pour le continent africain et des choix de politique de défense du président démocrate. En effet, la BPC est replacée au cœur de la stratégie américaine de sécurité nationale, emblématique d’une doctrine ou d’une approche Obama, que celle-ci soit qualifiée de light footprint, de « doctrine de responsabilité » ou encore de « stratégie de parrainage ». La BPC devient en particulier un élément central du nouveau modèle de contre-terrorisme promu par l’administration démocrate, reposant sur une stratégie d’appui aux armées partenaires, en priorité des forces locales. En Afrique sub-saharienne, les programmes de BPC se sont ainsi multipliés, avec des objectifs stratégiques de plus en plus variés, allant du renforcement de la relation avec les Etats-Unis, au maintien de la paix et à la guerre par partenaires interposés, et des sommes toujours croissantes.

L’essentiel de l’assistance sécuritaire américaine à l’Afrique prend la forme d’une aide militaire. Aujourd’hui, la part la plus importante concerne la lutte contre les Shebab en Somalie (première priorité d’AFRICOM), avec plus de 1,4 milliards de dollars sur la dernière décennie. Somme à laquelle il faut ajouter l’aide destinée aux pays voisins (principalement le Kenya, Djibouti et l’Ethiopie), de l’ordre d’environ 40 à 60 millions de dollars par an depuis cinq ans. En augmentation également, il convient de mentionner l’assistance au Nigéria et à ses voisins contre Boko Haram, de même que l’aide aux pays du Sahel.  Il convient de distinguer entre les programmes placés sous tutelle du Département d’État (configuration traditionnelle) et ceux, de plus en plus nombreux, qui dépendent directement du Pentagone.

La coopération militaire de la France en Afrique date des années 1960. Elle repose sur un ensemble d’accords de défense, de conventions d’assistance militaire technique qui ont permis à la France d’assurer la défense des États, la formation et l’équipement de leurs armées nationales et d’intervenir le cas échéant sur le terrain. Ce sont ces interventions qui ont soulevé ces dernières années de vives critiques. Quand on examine l’ensemble de ces dernières, on constate que la France intervient en priorité quand ses intérêts risquent d’être menacés, ce qui peut la conduire à consolider les pouvoirs en place. C’est toute l’ambiguïté de cette politique car les chefs d’État africains ont su également en jouer comme le Gabon le montre. Ce soutien s’est effectué quel que soit le type de régime militaire ou civil. Cette coopération lui a assuré sur le continent africain une place très particulière que n’a aucun autre pays. Les profondes modifications du contexte international et du contexte africain vont-elles remettre en cause cette coopération dont l’opération Turquoise a montré le danger alors que par ailleurs ses intérêts sont beaucoup plus importants que par le passé ?

Les accords de défense, souvent considérés comme bras armés de la « Françafrique » sont aujourd’hui dans une lumière inhabituelle après que le Mali a décidé de les dénoncer. Les accords de défense signés entre la France et une grande partie de ses anciennes colonies en Afrique sont  un enjeu sécuritaire, financier et hautement politique tant ils cristallisent -au même titre que le franc CFA- le rejet de l’ancienne puissance dans une très large partie de l’opinion publique africaine. Que gagnent les pays africains dans leur coopération militaire avec les pays occidentaux notamment les Etats-Unis et la France qui largement présents sur le continent ?

Le gain est notable et important au plan sécuritaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme principalement. Mais au plan des équipements militaires à proprement parlé et des techniques militaires, les pays africains sont à la traîne. Parce que ni la France ni les Etats-Unis ne leur offrent les armes à la pointe de la technologie moderne. Ce sont les armes et les équipements militaires dont les armées occidentales,  française et américaine n’ont plus besoin qui sont livrés aux armées africaines. Aujourd’hui, les drones constituent un atout majeur dans les conflits armés. Ils font partie du système moderne de défense et d’attaque. Les armées française et américaine les utilisent et en maîtrisent l’utilisation. Ni la France ni les Etats-Unis ne forment les armées africaines à la maîtrise de ce nouvel outil militaire important.

Malgré ce déficit de connaissance et d’atouts dont sont victimes leurs armées, les pays africains sont comme pris au piège dans leur coopération militaire avec les pays occidentaux. Leur volonté d’émancipation est perçue comme un crime de lèse-majesté et cela fait l’objet de tensions diplomatiques importantes. On le voit entre la France et deux pays africains qui sont la Centrafrique et le Mali. De nombreuses autres pays africains devront suivre l’exemple du Mali et de la Centrafrique s’ils veulent moderniser leurs armées et leur permettre d’assumer leur rôle régalien de défense des territoires et des peuples.

Une contribution de

Méité Bagayoko

Citoyen malien

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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