Côte d’Ivoire  /  La crise à l’opposition s’intensifie : Affi dénonce une trahison et attaque Bédié et Gbagbo

« (…) l’opposition politique continue d’errer, victime du trouble de stress post-traumatique que « les Anciens qui refusent la retraite » lui ont administré à travers leur alliance exclusive et excluante à l’occasion des élections législatives de mars 2021, au mépris des risques pris par les uns et les autres lors de la désobéissance civile de 2020. Dans ce contexte d’anomie, d’anémie, brumeux et répulsif, notre parti a choisi la voie de l’Emancipation et de la Renaissance ».

Ces propos de l’ancien Premier ministre, Pascal Affi N’Guessan, président du Front Populaire Ivoire (FPI), sont contenus dans son discours adressé aux militants de son parti, le samedi 28 janvier 2023, à l’occasion de la cérémonie de présentation de vœux du nouvel an tenue au siège de la formation politique à Abidjan-Cocody Les 2 Plateaux.

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M. Affi qui a annoncé la future alliance entre le FPI et le RHDP, le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire, révélait ainsi en des termes voilés, mais suffisamment explicites, les raisons de sa rupture définitive avec les deux autres principaux leaders de l’opposition que sont les anciens chefs d’Etat, Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA et Laurent Gbagbo, président du PPA-CI. Deux personnalités qu’il a désignées par l’expression allusive «les Anciens qui refusent la retraite».

Faisant cas de leur acharnement à vouloir briguer de nouveau, vaille que vaille, le poste de président de la République en 2025 en dépit de leurs âges forts avancés. Bédié aura 91 ans en 2025 et Gbagbo, 80 ans.

Pour Affi N’Guessan, si l’opposition ivoirienne est en errance et a perdu ses repères, c’est le constat qu’il fait dans ses propos, cela est lié aux actes posés par Bédié et Gbagbo qui ont scellé une alliance, à l’occasion des législatives de mars 2021, en excluant les autres formations politiques dont le FPI. Et Affi N’Guessan d’évoquer en filigrane une trahison d’autant que, précisera-t-il, l’entente Bédié-Gbagbo s’est faite «au mépris des risques pris par les uns et les autres lors de la désobéissance civile de 2020 ».

En clair, le président du FPI estime que ses homologues du PDCI-RDA et du PPA-CI ont privilégié leurs seuls intérêts au détriment de ceux de l’ensemble de l’opposition. Et pourtant, laisse-t-il comprendre, lui, Affi N Guessan, figurait parmi les personnalités politiques qui ont durablement souffert des conséquences de l’opération de désobéissance civile lancée en 2020 pour dire « non » à la candidature du président Alassane Ouattara.

Pour rappel, M. Affi avait été arrêté le samedi 7 novembre 2020 pour son rôle actif dans la création du Conseil national de transition (CNT), un « pouvoir » parallèle mis sur pied par l’opposition et présidé par Henri Konan Bédié qui contestait la légitimité du président Alassane Ouattara.

Contrairement à Affi, Bédié et Mabri Toikeusse qui étaient engagés à fond dans ce CNT; Gbagbo, depuis Bruxelles (Belgique), n’y souscrivait pas. Il aurait même discrètement donné un mot d’ordre à ses partisans de s’en éloigner.

Ce que ces derniers ont d’ailleurs fait progressivement. Laurent Gbagbo privilégiait ses négociations avec le pouvoir d’Abidjan relatifs à son retour en Côte d’Ivoire qu’il menait, en toute discrétion, avec le chef de l’Etat Alassane Ouattara via feu Hamed Bakayoko, alors Premier ministre, avions-nous appris de sources crédibles.

Libéré sous contrôle judiciaire, le mercredi 30 décembre 2020 après environ deux mois de détention préventive, Pascal Affi N’Guessan a très mal vécu l’alliance scellée, quelque temps plus tard, en vue des législatives, entre le PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié et le mouvement politique EDS de Laurent Gbagbo, qui s’est mué ensuite en PPA-CI. Le FPI et l’UDPCI ont été totalement ignorés.

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Fait marquant et qu’Affi n’a pas mentionné dans sa déclaration du samedi 28 janvier 2023, c’est que le FPI fut le premier parti politique à solliciter une alliance avec le PDCI-RDA. Pascal Affi N’Guessan avait été reçu pour cela par Bédié et les choses semblaient prometteuses quand contre toute attente, Bédié a planqué un couteau dans le dos d’Affi en s’alliant à Gbagbo.

Autre raison du « mariage » futur entre le FPI et le RHDP, outre la trahison, le président du FPI évoque sa décision de s’émanciper et surtout de ne plus se sentir seul dans son action politique.

« L’émancipation, c’est aussi rupture avec la solitude politique sclérosante au profit de nouvelles alliances fécondantes, dynamiques et émancipatrices, qui permettent le plein développement de notre potentiel. C’est l’essence de l’alliance que nous allons conclure très prochainement avec le RHDP ». Et d’ajouter : « L’émancipation est détachement des misères politiques, éthiques et idéologiques, ces pathologies qui gangrènent certaines formations politiques de l’opposition et bloquent toute dynamique de progrès ».

Après l’alliance, qu’on pourrait juger de morganatique entre le PDCI-RDA et le PPA-CI, voici que pointe à l’horizon, une autre alliance entre un parti de droite et une formation politique de gauche. Au-delà de la sempiternelle réponse des acteurs politiques qui consiste à dire qu’il faut se mobiliser au chevet de la mère-patrie, une question demeure. C’est celle de savoir sous quel projet de société la Côte d’Ivoire sera-t-elle gérée si ces alliances parvenaient au pouvoir ? Ni libérale ni socio-démocrate ou socialiste, quelle gouvernance aurons-nous?

Didier Depry

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