Côte d’Ivoire / L’ombre de Soro plane sur le nouveau dialogue politique

Dans cette contribution parue chez notre confrère du Nouveau Réveil, le libre auteur et créateur, Koné Kobali s’interroge sur l’issue du dialogue politique, ouvert à nouveau hier, sur fond d’exclusion de certains acteurs majeurs de la scène politique ivoirienne. Quand l’ombre de Soro plane sur le nouveau dialogue politique.

Je préviens tout de suite. Ferké, la ville natale du plus célèbre des Niarafolo, qui est située au Nord du pays, n’est pas une ville à part. Elle ne court pas derrière une singulière autonomie politique et administrative. Mais à Ferké, depuis les dernières présidentielles qui se sont tenues sans leur fils adoré, les gens de ce bled considèrent qu’il n’y a rien eu. Pour eux, en octobre 2020, il n’y a pas eu d’élections présidentielles.

Car leur fils, qui n’était pas forcément leur candidat à cette élection, se trouvait traqué qu’il est, à mille lieues de son pays natal, objet infalsifiable de son action politique. Et depuis, rien n’a vraiment changé dans son statut d’exilé sur les terres étrangères d’Europe ! Depuis peu, l’actuel Premier ministre Patrick Achi nous a annoncé (08/12/2021) qu’il va à la demande du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, reprendre le brûlant flambeau du dialogue politique, sans toutefois nous dire s’il compte l’achever après les tentatives de Gon et celles de Hamed Bakayoko !

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Le dialogue politique, ouvert à nouveau sur fond d’exclusion de certains acteurs majeurs de la scène politique ivoirienne

Qui se sont toutes révélées être même jointes les unes aux autres, délibérément infructueuses. Toutes incapables de reconduire les unes les autres, la paix dans la corbeille commune des Ivoiriens ! Il y a comme dans ce pays, des gens qui pensent qu’on ne devrait rien faire pour que la paix advienne. Qu’on ne doit rien faire à part accentuer l’inclination de l’aiguille qui notifie aux usagers (tableau de bord) le manque d’eau dans le radiateur.

Sauf qu’ici, puisqu’il s’agit de la Côte d’Ivoire, il n’est pas question de n’importe quelle eau. Si l’importance vitale de la paix peut être comparée à celle de l’eau qui est par excellence source de vie, la paix en Côte d’Ivoire doit être diagnostiquée, requinquée, remodelée, apurée et livrée en mode service public ! La particularité de la paix, c’est que c’est une denrée qui, eu égard à sa facilité d’interpénétration dans les foyers et le rôle social qu’elle joue, ne se commercialise pas.

Il y a comme dans ce pays, des gens qui pensent qu’on ne devrait rien faire pour que la paix advienne

La paix ne doit pas se concevoir comme une épargne ordinaire sur laquelle on rêve de réaliser des plus-values. Elle ne se négocie pas, les usages doivent créer les conditions afin qu’elle s’offre à eux dans toute sa belle nudité prénuptiale ! La paix est à la fois un moyen et la base « culminale » (du verbe culminer) de tous les moyens ! La paix n’est jamais l’affaire d’une seule personne. La recherche de la paix n’est pas l’affaire d’un groupe contre ou pour les autres !

La paix est un bien qui s’obtient avec la contribution physique et intellectuelle de toutes ses filles et de tous ses fils. Peu importe leur statut social du moment. Peu importe que ce statut soit infligé, volontaire ou mû par facteurs autres ! Moi qui suis un consommateur au dos argenté de la paix et de ses dérivés, que signifie dans l’esprit du pouvoir : « le dialogue politique » ? Le problème chez nous, c’est que les gens sont prompts à emprunter ou à créer des concepts, sans jamais leur donner la chance d’aller loin ! J’en parle et je vais en parler ici avec vous, sans en connaître le contenu exact !

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Que recouvre la notion exclusive de « dialogue politique » ? Pour moi, c’est forcément le premier acte d’une série. Il doit précéder les notions de dialogue civil ou à tout le moins, ils se situent sur la même ligne ! Ce dialogue politique se permet de s’ouvrir aux seuls hommes et femmes politiques de la scène nationale. Le dialogue politique qui ne s’embarrasse pas du mot national, est le premier chaînon d’une méthodologie. Il sert à déterminer l’ensemble des termes de références qui vont définir l’épine dorsale de la réconciliation jusqu’à aboutir à la paix.

La notion de dialogue politique intègre celle de l’inclusivité sans laquelle la dimension politique serait une vue de l’esprit. Le dialogue dit politique vise une seule chose. Mettre les acteurs de cette matière, en ordre de paix ! En ce sens, le dialogue politique ressemble à un calumet. Qui l’a fumé s’attache à exécuter les exigences les plus détaillées pour que la paix soit !

Notre objectif ici n’est pas d’aider à définir ou à découvrir les étapes qui vont logiquement intervenir après, mais d’inviter à associer toutes les forces vives de l’action politique nationale. Peut-on raisonnablement imaginer la mécanique d’un dialogue politique qui se met en branle, sans marquer d’arrêt ni d’escale chez tous les acteurs ? Je pense aux acteurs qui sont en dehors de leur pays, et qui n’ont pas, non pas par leur faute, de bons rapports avec le parti au pouvoir !

La particularité de la paix, c’est que c’est une denrée qui ne se commercialise pas

Peut-on et doit-on mener ce dialogue dit politique sans prendre langue avec Soro Guillaume et tous ceux dont les avis politiques comptent ? Il ne faut pas croire qu’on va déboucher sur le périmètre dédié à la paix en évoluant par saturation d’acomptes après acomptes ! La recherche de la paix et l’obtention de la paix ne s’accommodent pas de morceaux de paix unis les uns aux autres !

Si on procède par morceaux, par fragments, il faudra déterminer sur les 31 conseils régionaux, celui qui le premier, va étrenner ce morceau pendant que les autres se demandent à quand leur tour ! Je serai curieux de connaitre les critères qui vont permettre de réaliser une telle liste de passage ! La paix que nous avons perdue dans des conditions où l’hostilité générale avait atteint des sommets inégalés, n’est pas un jeu. Que les populations éprises de paix vont laisser entre les seules mains des politiques !

La recherche de la paix et l’obtention de la paix ne s’accommodent pas de morceaux de paix unis les uns aux autres

Certes l’initiative de la paix revient de droit aux politiques en tant que maitre d’ouvrage, mais la qualité de maitre d’œuvre ne doit pas échapper au gros de la population. Qui se trouve être la cible finale et la grosse consommatrice de cette denrée ! Si le Premier ministre Patrick Achi, dans sa mission qui va commencer seulement le 16 décembre, a des contacts suivis avec les acteurs tenus à l’extérieur du pays, qu’il nous rende compte. Qu’il nous dise qui il a contacté, quel est son état d’esprit et sa vision des choses !

Sinon, je vois comment les acteurs sur place vont donner leur onction pour la poursuite de cette noble action. Si l’inclusivité n’est pas le refrain partagé par l’ensemble des acteurs, il va sans dire que la montagne qui avait du mal à montrer sa voûte, va accoucher d’une souris à peine visible à l’œil nu ! Je demande aux hommes et aux femmes politiques de la scène nationale, de ne pas jouer avec le désir de paix des Ivoiriens.

Pour comprendre le désarroi profond de ceux-ci, pensons à une femme qui attend de donner un bébé à son époux, après de multiples essais sur une période totale de trente années de vie conjugale ! Pour la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens, la paix n’est pas un luxe, mais une nécessité dont la légitimité sociale et historique n’est plus à croquer ! Depuis 1999, notre pays est amputé de son principal organe qui n’est autre que la paix.

Quand l’ombre de Soro plane sur le nouveau dialogue politique

Il nous revient de restaurer cet organe essentiel dans la vie de notre pays, en recourant au coup par coup tout en nous éloignant de la méthode qui s’illustre par à-coup ! Si on n’est pas capable de donner la paix à nos compatriotes et surtout à nos enfants, pensons aussi à ne plus prendre de crédits internationaux (en leur nom) qu’ils devront rembourser une fois devenus grands.

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Garantissons leur d’abord un cadre social digne de notre histoire, et le reste coulera de source. Car de la paix dépend tout ! Aussi, contrairement à l’éléphant qui transporte sa gracieuse masse à l’aide de quatre pattes, celui aux trois pattes ne fait-il pas la PAIX ! Là-bas, à près de 700 km d’Abidjan, il y a comme un grand malaise qui s’est abattu sur la ville de Ferké. Les populations s’interrogent sur ce qu’il advient de leur fils.

Et surtout et par-dessus tout, ils se sentent trahis. Là-bas et peut-être ailleurs aussi, la réconciliation, c’est comme une symphonie qui n’a jamais commencé. Alors comment peut-on craindre qu’elle prenne fin ! Au surplus, dans un tel contexte d’incertitude social, que vaut une nouvelle mue (RHDP 15/12/2021) dans des habits rapiécés et décatis ? Merci pour obole à la paix !

KONE KOBALI

Libre penseur

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