Défi de l‘information digitale dans la prévention et la lutte contre la corruption  :  La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance implémente le numérique

Défi de l‘information digitale dans la prévention et la lutte contre la corruption

La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance implémente le numérique

 Dans le contexte africain, la corruption est longtemps apparue comme un trou noir qui absorbe l’énergie de la matière. De nombreux pays, notamment la Somalie, le Soudan, la Guinée équatoriale, le Burundi, sont classés parmi les mauvais élèves de l’Indice de perception de la corruption publié, chaque année, par Transparency International.

Tous les pays, dans l’optique de lutter contre la corruption et les infractions assimilées, s’appuient sur des organes qu’ils ont créés. En Côte d’Ivoire, le gouvernement a mis en place, en 2013, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG). Cet organe du dispositif de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées a décidé d’ajouter le numérique dans ses canaux et moyens de prévention et de lutte contre la corruption. Son nouveau produit : Signalis, lancé fin mai 2023, porte déjà ses fruits. Dans ce dossier, nous nous intéressons à la corruption et ses effets sur les économies africaines et nous mettons particulièrement en avant la lutte contre ce fléau menée par la HABG qui a récemment intégré l’information digitale dans son dispositif.

La corruption- entendu dans son sens strict- désigne le fait pour une personne investie d’une fonction déterminée (publique ou privée) de solliciter ou d’accepter un don ou un avantage quelconque en vue d’accomplir, ou de s’abstenir d’accomplir, un acte entrant dans le cadre de ses fonctions.

On distingue la corruption active (fait de proposer un don ou l’avantage quelconque à la personne investie de la fonction déterminée) de la corruption passive (fait, pour la personne investie de la fonction déterminée, d’accepter le don ou l’avantage).

Par ailleurs, selon les définitions classiques, la corruption consiste dans le fait de soudoyer, de suborner une autorité afin d’en tirer quelque avantage. Active ou passive, comme nous l’avons déjà indiqué, la corruption constitue un délit selon le droit pénal, qui peut être encore plus lourdement sanctionné si elle concerne une personne dépositaire de l’autorité publique. Les infractions (pot-de-vin, fraude, extorsion, favoritisme, détournement de fonds…) sont réprimées au titre des manquements au devoir de probité.

 

La corruption freine les investissements

 

Dans l’avant-propos de la Convention des Nations unies contre la corruption, le Secrétaire général Kofi Annan précise, en 2003, que la corruption est un mal insidieux dont les effets sont aussi multiples que délétères. « Elle sape la démocratie et l’état de droit, entraîne des violations des Droits de l’Homme, fausse le jeu des marchés, nuit à la qualité de la vie et crée un terrain propice à la criminalité organisée, au terrorisme et à d’autres phénomènes qui menacent l’humanité. Le mal court dans de nombreux pays, grands et petits, riches et pauvres, mais c’est dans les pays en développement qu’il est le plus destructeur. Ce sont les pauvres qui en pâtissent le plus, car, là où il se vit, les ressources qui devraient être consacrées au développement sont détournées, les gouvernements ont moins de moyens pour assurer les services de base, l’inégalité et l’injustice gagnent et les investisseurs et donateurs étrangers se découragent. La corruption est une des grandes causes des mauvais résultats économiques; c’est aussi un obstacle de taille au développement et à l’atténuation de la pauvreté », poursuit Kofi Annan.

La corruption est l’un des freins majeurs au développement du continent africain. Selon l’indice Transparency International, la plupart des pays africains se trouvent dans le bas du classement. Elle coûterait à l’Afrique près de 25% de sa richesse chaque année. C’est considérable. Quand on sait que le coût pour éclairer l’Afrique et lui apporter de l’énergie s’élève à 55 millions de dollars (soit 34.100.000.000 de Fcfa) par an, on se rend compte à quel point la corruption affaiblit le continent.

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Banque africaine de développement (BAD), dans un rapport commun, affirment même que « les gros investissements privés sont freinés par les risques de malversations et de corruption. Les plus petites entreprises sont entravées par les mêmes fléaux qui faussent le jeu de la concurrence ».

Les entreprises, qui ont besoin d’autorisations administratives, sont les plus susceptibles de corruption dans le cadre d’appels d’offres relatifs aux marchés publics ou lois des procédures de dédouanement.

Autre explication, les bas salaires du secteur public ont pour conséquence d’inciter les fonctionnaires à chercher un complément pour leurs revenus en sollicitant des pots-de-vin.

Le rapport OCDE-BAD indique, par ailleurs, que « dans la plupart des économies africaines, les transactions s’effectuent principalement en espèces, ce qui rend plus facile la dissimulation du versement de pots-de-vin et plus difficile pour les entreprises d’empêcher et de détecter de tels paiements par la tenue de comptes précis. L’importance des matières premières dans les économies africaines est un facteur aggravant. Le secteur extractif étant particulièrement sujet aux malversations à la corruption ».

 

La corruption fait perdre énormément d’argent à la Côte d’Ivoire

 

En Côte d’Ivoire, le potentiel préjudice financier occasionné par les actes de corruption et les infractions assimilées dénoncés est de 175.761.601.907 de Fcfa de janvier à décembre 2022.

« La corruption fait perdre à la Côte d’Ivoire 1.300 milliards de Fcfa chaque année, soit 4% du Produit intérieur brut (PIB) et l’équivalent de près de trois fois l’aide publique au développement. Ce qui compromet l’équilibre économique et social du pays », fait savoir le ministre de la Promotion de la Bonne Gouvernance et de la Lutte contre la Corruption, Epiphane Zoro Bi. Selon les données recueillies auprès de son département ministériel, cinq principaux secteurs aux montants des alertes les plus élevées ont été identifiés : le secteur communication, médias et technologies; le secteur économie, finances, budget et marchés publics; le secteur urbanisme, construction, habitat, logement et foncier; le secteur défense, sécurité et intérieur (administration territoriale) et le secteur agriculture, industrie, agroalimentaire et ressources naturelles.

 

La réaction de l’Etat face à la corruption

 

Planchant sur la coordination de la lutte contre la corruption, la HABG reconnaît que l’Etat de Côte d’Ivoire, depuis plusieurs décennies, a eu pour souci la bonne gestion des deniers publics. « La Côte d’Ivoire a mis en place plusieurs institutions supérieures de contrôle telles que la Cour des Comptes, l’Inspection générale d’Etat, l’Inspection générale des Finances, la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, l’Autorité nationale de Régulation des Marchés publics et la Cellule nationale de Traitement des Informations financières », peut-on lire sur le site de la HABG.

La Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance, présidée par N’Golo Coulibaly, fait partie des instruments mis en place par le gouvernement de la République de Côte d’Ivoire dans le cadre de son plan national de lutte contre la corruption. Autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière, cette institution est placée sous l’autorité du Président de la République. Elle assure une mission de prévention et de lutte contre la corruption et les infractions assimilées. Disposant d’une compétence juridictionnelle sur la totalité du territoire, elle est chargée d’élaborer et de mettre en œuvre la stratégie nationale de la lutte contre la corruption; de coordonner, de superviser et d’assurer le suivi de la mise en œuvre des politiques de prévention et de la lutte contre la corruption; d’évaluer périodiquement les instruments et les mesures administratives afin de déterminer leur efficacité dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption; d’identifier les causes structurelles de la corruption et des incriminations assimilées, et de proposer aux autorités compétentes des mesures susceptibles de les éliminer dans tous les services publics et parapublics. En outre, elle donne des avis et des conseils pour la prévention de la corruption à toute personne physique ou morale ou à tout organisme public ou privé. La HABG fait également des recommandations sur les mesures d’ordre législatif et réglementaire de prévention et de lutte contre la corruption. Elle contribue à la moralisation de la vie publique et consolide les principes de la Bonne Gouvernance, ainsi que la culture du service public. Elle se charge aussi d’assister les secteurs publics et privés dans l’élaboration des règles de déontologie et d’éduquer et de sensibiliser la population sur les conséquences de la corruption.

La mission de la HABG consiste le cas échéant à mener des investigations sur les pratiques de la corruption et à identifier les auteurs présumés et leurs complices pour initier les poursuites. Pour ce faire, elle recueille, centralise et exploite les dénonciations et plaintes dont elle est saisie. Afin de pouvoir réaliser sa mission de contrôle, elle reçoit les rapports d’inspections et d’audits des organes et structures de contrôle et de détection de l’Etat en matière de lutte contre la corruption, ainsi que les déclarations de patrimoine des responsables publics. Elle peut, le cas échéant, saisir le procureur de la République près la juridiction compétente. Elle veille également au renforcement de la coordination intersectorielle et au développement de la coopération avec les organes qui participent à la lutte contre la corruption, tant au niveau national qu’au niveau international.

 

Le numérique dans le dispositif de la lutte contre la corruption

 

En Côte d’Ivoire, depuis quelques années, les autorités ont pris sur eux de miser sur la digitalisation avec le double objectif de faire barrage à la corruption en réduisant de manière drastique les tentatives d’arrangement sous le boisseau, mais aussi d’alléger les procédures administratives.

Sous la gouvernance du chef de l’Etat Alassane Ouattara, la lutte contre la corruption se digitalise par la réduction du contact humain dans l’administration.

Dans cette optique, plusieurs plateformes multicanales ont été mises en place dans l’optique de renforcer la stratégie de lutte contre ce mal aux effets dévastateurs sur l’économie du pays. Il ne faut pas oublier que leur usage réduit aussi la consommation de papier pour préserver l’environnement…

Remplacer les démarches administratives et documentaires par l’accès en ligne aux informations, formulaires de demandes, dépôt sécurisé de documents, constitue un atout majeur dans la lutte contre la corruption.

En l’absence de contact physique, de relation directe avec des agents désignés, les possibilités de chantage et d’extorsion sont extrêmement réduites : le fonctionnaire ou l’agent d’une administration ne peut plus user de son pouvoir pour des sollicitations indues auprès des citoyens ou des entreprises.

Face à l’ampleur de la corruption et afin de venir à bout de ce phénomène, le gouvernement ivoirien a décidé de renforcer la participation citoyenne dans la lutte contre ce fléau. D’où l’institution de la plateforme nationale du système de prévention et de détection des actes de corruption et infractions SPACIA depuis le 13 avril 2022.

A cette plateforme numérique sont également arrimés un numéro vert, le 1345, et un bureau physique où les plaintes sont recueillies.

Le dispositif www.spacia.ci a été officiellement lancé par le Premier ministre Patrick Achi, lors de la commémoration de la Journée africaine de lutte contre la corruption, le 11 juillet 2022.

La HABG a une plateforme similaire à celle rattachée au ministère d’Epiphane Zoro Bi : Signalis.

 

Signalis, un outil de signalement des actes de corruption

 

La plateforme numérique Signalis est un dispositif de recueil, de centralisation et de traitement des plaintes et dénonciations des actes ou soupçons d’actes de corruption et infractions assimilées. Elle permet la dématérialisation des courriers de plaintes tout en renforçant la confidentialité, mais aussi l’archivage numérique des dossiers de plaintes et dénonciations de la corruption. Ainsi, désormais, tout citoyen peut dénoncer ou porter plainte, à travers cette plateforme, pour tout acte ou soupçon d’acte de corruption et infractions assimilées.

Disponible sur www.habg.ci ou www.signalis.habg.ci, elle vient, est convaincu le président N’Golo Coulibaly, renforcer les dispositifs déjà en place pour lutter contre la corruption. Entre autres, la stratégie nationale de lutte contre la corruption, l’introduction de l’enseignement de la lutte contre la corruption du primaire au supérieur, l’organisation de la société civile en comités locaux de lutte contre la corruption.

La plateforme Signalis porte en elle deux solutions digitales : l’une web, accessible par ordinateur, tablette et smartphone. L’autre Call center au 80080011. Les deux sont ouvertes 24/24, 7 jours sur 7. Elles offrent des garanties de sécurité, les échanges entre le dénonciateur et la HABG étant chiffrés de bout en bout avec des algorithmes de pointe. Signalis, c’est enfin une solution robuste, à en croire ses concepteurs.

Elle est précédée d’une réputation de 20 ans d’expérience et utilisée dans 197 Etats du monde. Au dire du président de la HABG, la Côte d’Ivoire se hisse ainsi au rang des pays qui maîtrisent la corruption. Du reste, selon le dernier rapport de Transparency International, le pays est passé de la 152ème place de l’indice de perception de la corruption, en 2013, à la 99ème place en 2022.

En juin dernier, sur la base de dénonciation anonyme reçue sur la plateforme Signalis faisant état de pratiques de corruption dans certains services du ministère de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, les enquêteurs de la HABG ont pu épingler, les 24, 26 et 27 juillet 2023, 9 agents de santé. Ces derniers ont pernicieusement introduit des vaccins parallèles d’origine douteuse dans le circuit de la vaccination aux fins de les commercialiser à travers la mise en place d’une comptabilité, une officielle et l’autre officieuse, et ce, en violation de la législation en vigueur. L’affaire a fait grand bruit.

Les mis en cause ont tous été déférés devant le parquet en vue de répondre de leurs actes.

La lutte contre la corruption et les infractions assimilées à travers l’usage de l’information digitale reste un défi à relever. La Côte d’Ivoire a certes obtenu des points en termes de lutte contre ce fléau. Et, aujourd’hui, grâce aux plateformes comme Signalis, les lignes bougent dans le bon sens. Mais la corruption demeure encore endémique et est présente dans tous les secteurs d’activités. Par ailleurs, elle accentue les clivages sociaux. Toutefois,  avec Signalis, la HABG engage indubitablement la Côte d’Ivoire sur la voie de la bonne gouvernance.

Marcellin Boguy

 

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