Depuis son exil français : Guillaume Soro s’attaque au pouvoir ivoirien et à ses anciens camarades de lutte

L’ancien Premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori Soro, a présidé par visioconférence, depuis Paris où il est en exil politique, la réunion du comité d’orientation et de coordination (COC) de son parti dénommé GPS qui s’est tenue à Abidjan, le dimanche 19 juin 2022. Au cours de cette rencontre, il a livré une adresse dans laquelle il a exhorté ses militants à la persévérance, il s’est également attaqué à ses camarades de lutte qui l’ont quitté. « Beaucoup d’entre nous, dont la foi était chancelante et dont la conviction dépendait de la taille de leur assiette, ont préféré sauter du navire », a-t-il soutenu. Nous vous livrons l’intégralité de son intervention.

Chers membres du COC,

Mesdames et messieurs,

 

C’est avec une réelle émotion que je vous retrouve, ce soir, dans le cadre de la présente réunion du Comité d’Orientation et de Coordination (COC). Je me réjouis de ce rendez-vous tellement souhaité et qui a tant de fois été contrarié par le cours des évènements que nous avons subis et le flot des vicissitudes qui jalonnent notre parcours politique depuis la mise en place de notre mouvement en juillet 2019. C’est donc la première réunion de cette instance que je préside depuis sa mise en place.

Je suis également heureux de revoir les visages de certains camarades car cela fait 6 mois que je n’ai pas eu l’occasion de revoir certains d’entre vous et pour d’autres, bien au-delà. Je tiens à adresser à toutes et à tous mes chaleureuses salutations, et je me réjouis de votre participation massive à cette rencontre qui atteste la constance de votre engagement.

Je le sais, nombre d’entre vous se sont inquiétés pour ma vie, pour ma sécurité physique et juridique. Soyez rassurés, je me porte bien et mon état d’esprit est à la totale sérénité. Ma détermination demeure intacte quant à la poursuite et à l’aboutissement heureux de notre combat politique. Ensemble, n’en doutez jamais, nous réussirons à bâtir une Nation solide, un État démocratique et social, libre, prospère, qui s’attache à réduire la pauvreté au strict minimum, à éviter le cumul des inégalités, à éradiquer la corruption et à garantira à tous et à chacun une vie digne, décente, dans la sécurité physique, psychologique et juridique. Nous bâtirons, croyez-moi, la patrie de la vraie fraternité, ouverte sur le monde et attachée à ses racines et à ses valeurs. Tel est mon combat et tel est notre crédo.

Nous y parviendrons, mais avant, il me semble important de rappeler que jamais dans l’histoire contemporaine de notre pays, un mouvement politique fut aussi férocement réprimé que GPS. Notre jeune Mouvement, à peine né, a été confronté de façon brutale à une répression dont l’objectif clair était de l’empêcher de se déployer comme il se doit. Le 23 décembre 2019, en effet, cinq mois seulement après la naissance de notre mouvement, et alors que déjà les arrestations et le harcèlement avaient commencé, des harcèlements qui avaient déjà conduits à des assassinats de nos adhérents et sympathisants à Korhogo et à Abobo,  la répression atteindra un autre palier.

Mon vol de retour après une tournée africaine et européenne de sept mois a été empêché d’atterrir à Abidjan, contraignant ainsi le pilote à dérouter l’appareil pour sauver sa vie et celle de ses passagers. Et depuis 3 ans, je suis contraint à l’exil avec plusieurs cadres du mouvement et certains de mes proches. Ce jour-là, qui sera retenu dans nos mémoires comme la « Journée Noire de GPS », plusieurs d’entre vous ont été arrêtés, battus, incarcérés puis libérés pour certains. Bien d’autres croupissent encore en prison, dont nos frères Soul to Soul et Traoré Mamadou ainsi que des membres de ma sécurité.

Ils y ont rejoint d’autres militants du mouvement qui s’y trouvaient et qui s’y trouvent toujours depuis quatre ans, et qui n’ont pas encore été jugés. De plus, une mesure inique de dissolution a été, injustement prise à l’encontre de notre mouvement, entravant ainsi le déroulement normal de nos activités sur le terrain. La terreur, la répression, la vaste campagne d’intimidation et de diabolisation menées contre notre Mouvement ont affectée la mise en place des principaux organes de GPS.

Depuis sa création donc, GPS vit pratiquement comme en état de siège. Une situation surréaliste voulue et créée par un homme, qui par son expérience et son passé, devait comprendre que les menaces n’abattent pas une cause. Qu’on peut emprisonner des hommes, mais qu’on ne peut emprisonner une idée. Qu’on peut assassiner des hommes, mais qu’on ne peut assassiner l’espérance.

Permettez qu’à ce stade j’exprime en votre nom à tous, un mot de réconfort à l’attention de ceux qui sont en prison et dont la souffrance ne me laisse pas insensible. Nos pensées sont constamment avec eux et nous continuons de réclamer leur libération.

Chers membres du COC,

Beaucoup d’entre nous, dont la foi était chancelante et dont la conviction dépendait de la taille de leur assiette, ont préféré sauter du navire. Vous, vous êtes restés. Vous avez fait montre d’une grande capacité de résilience. De jour comme de nuit, inlassablement, vous avez abattu un travail de terrain sur toute l’entendue du territoire pour le triomphe de notre idéal. Sur le terrain de la communication politique et de la défense de nos idées, dans la presse comme sur les réseaux sociaux, là encore vous avez répondu présents.

Chacun usant de son ingéniosité et de sa capacité d’innovation,  vous avez continué à faire vivre notre Mouvement et à faire avancer le navire GPS, certes lentement mais bien sûrement.

C’est le lieu pour moi de vous saluer tous et de vous féliciter pour toutes les actions que vous avez menées et dont je suis parfaitement informé. Ce sont elles qui donnent à notre mouvement sa vivacité, confondant ainsi ceux qui pariaient sur son éviction de la scène politique nationale.

 

Oui, chers amis,

Là où beaucoup avaient parié la mort de notre mouvement suite à tous les coups funestes qui lui ont été portés, vous vous avez parié sur sa survie. Avec abnégation, courage et sens de l’engagement politique, vous avez su maintenir le cap pour que GPS continue de claironner dans le concert des grandes formations politiques en Côte d’Ivoire.

Chers collaborateurs sachez-le dans toute dictature guidée par la main d’un tyran, être un opposant comporte des risques. La vie est en péril permanent. Pour y faire face il faut du courage et de la résilience. Aussi y tenir le rôle d’opposants n’est hélas pas donné. Vous avez démontré avec brio que n’est pas opposant qui veut, mais qui peut !

Ce que nous enseigne la situation que nous traversons, c’est qu’il n’y a pas de fatalité dans la vie. Autant tout est dualité, autant rien n’est immuable. Notre ambition est de transmettre des valeurs aux générations futures : celles de la crédibilité et de la constance dans nos démarches qui visent à se mettre au service du Peuple. Celles de l’honneur, de la dignité et de responsabilité. C’est un devoir sacré que de savoir se montrer respectueux de notre parole publique et de ne pas la renier à la première épreuve. Nous devons savoir garder la foi en nos convictions.

L’urgence à présent est de relancer la construction de notre machine.

Dans un peu plus d’un mois, sonneront les trois années d’existence du Mouvement. Ce sera plus exactement le 26 juillet prochain. Une date phare car elle coïncide avec la fin du mandat actuel du Président qui a été élu à l’occasion de l’Assemblée Générale Constitutive tenue à cette date. La perspective du renouvellement de ce principal organe du mouvement, conformément à nos statuts, apparaît comme un temps fort pour procéder à cette relancer et cela, à plus d’un titre.

D’abord parce qu’elle nous offre l’occasion de revivifier les adhérents et relancer leur engagement militant ; ensuite cela apparait comme une lucarne pour revisiter les textes de notre mouvement en vue de les adapter aux défis du moment, notamment avec la prise en compte de la question de la fusion des partis et mouvements affiliés dans GPS.

Enfin, la circonstance est toute opportune pour marquer un nouveau tournant dans la vie de notre mouvement à travers la finalisation du processus de désignation des responsables locaux de GPS tant au niveau national qu’au niveau de la diaspora. Ce sera un temps pour examiner le chemin parcouru, les défis relevés, identifier les chantiers qui s’ouvrent à nous et mettre en place les structures et organes pour y faire face.

Mes chers amis,

 

Le destin de GPS est entre nos mains à tous. Remettons-nous à l’ouvrage et gardons toujours espoir.

Nous devons surtout nous raffermir nos rangs, nous serrer les coudes et renforcer notre unité et notre cohésion afin d’aborder, en rangs serrés et avec plus de vigueur, le terrain politique qui nous reste entièrement favorable. La victoire se trouve au bout de notre engagement, de notre organisation et de notre discipline collective.

C’est là le bref message que je tenais à vous délivrer à cette entame de la réunion du Comité d’Orientation et de Coordination de notre Mouvement.

Je vous remercie

 

Guillaume Kigbafori Soro

 

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