France / 77 ans après Houphouët, une Ivoirienne siège au palais Bourbon : Tout sur la victoire de Rachel Kéké

La Franco-ivoirienne Rachel Kéké, 47 ans, candidate de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES), coalition de la gauche française, a été élue députée de la 7e circonscription du Val-de-Marne (Grand Paris, région Ile-de-France). Elle est arrivée en tête du second tour des élections législatives du dimanche 19 juin 2022 face à l’ancienne ministre des Sports, Roxana Maracineanu, candidate d’Ensemble !, parti politique du chef de l’Etat français Emmanuel Macron.

Rachel Kéké est la deuxième ressortissante de Côte d’Ivoire a siégé au Palais Bourbon (Assemblée nationale française) après Félix Houphouët-Boigny, premier chef de l’Etat de Côte d’Ivoire, qui fut député français pendant 14 ans, de 1945 à 1959.

 

Née à Abidjan, en Côte d’Ivoire, elle est arrivée en France à 26 ans, en 2000, après le coup d’Etat militaire qui a renversé Henri Konan Bédié. Elle a d’abord été coiffeuse, femme de chambre, puis gouvernante, avant d’être naturalisée en 2015. Rachel Kéké est l’épouse de l’artiste- chanteur de  Zouglou, Bobby Yodé (ZIOH -PINH), membre de l’ex-groupe « Les potes de la rue ». Le zouglou est un rythme urbain ivoirien très en vogue né depuis une trentaine d’années.

Rachel Kéké se définit comme une « guerrière » et veut « faire du bruit » au palais Bourbon : porte-parole de la longue grève des femmes de chambre de l’Ibis Batignolles, elle va bien pousser les portes de l’Assemblée pour y porter la voix des travailleurs « invisibles ».

 

Elle est sans doute la plus emblématique des figures issues des luttes syndicales et associatives que la coalition de gauche entende mettre en avant dans ces élections. « C’est ce que j’appelle une leader de masse », dit d’elle le député LFI Éric Coquerel. « Elle a quelque chose qui magnétise, elle est forte, elle a les mots justes, elle n’a pas besoin de lire » lors de ses prises de parole, déroule-t-il.

C’est lors des 22 mois de grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles à Paris, pendant lesquels Rachel Kéké portait les revendications de ses collègues, qu’Éric Coquerel a fait sa connaissance. Entre 2019 et 2021, cette militante CGT s’est mobilisée pour améliorer les salaires et les conditions de travail des femmes de ménage face au « mépris » de la direction.

« C’est une vraie combattante, quand on l’a rencontrée dans le cadre de cette grève elle s’est très vite affirmée comme représentante de ses collègues », explique Claude Lévy, représentant de la CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques), ne tarissant pas d’éloges sur cette « autodidacte de la lutte ».  Cet hôtel devant lequel Rachel Kéké a commencé à se tailler une réputation syndicale et politique, elle a continué d’y travailler pendant le début de sa campagne avant de prendre un congé pour se consacrer pleinement aux législatives.

« C’est un métier qui détruit le corps. Il y a des syndromes du canal carpien, des tendinites, des maux de dos… », détaille-t-elle à l’AFP, se souvenant encore de cette sensation, « comme si on [lui] avait donné des coups partout », après son premier jour en tant que femme de ménage, en 2003. « Mais je me suis dit qu’il fallait que je prenne mon courage à deux mains, pour mes enfants », se rappelle-t-elle.

 

Mère de cinq enfants, Rachel Kéké est née en 1974 dans la commune d’Abobo, au nord d’Abidjan, d’une mère vendeuse de vêtements et d’un père conducteur d’autobus. À 12 ans, au décès de sa mère, c’est elle qui se retrouve en charge de ses frères et sœurs. Elle arrive en France en 2000 et commence à travailler comme coiffeuse avant d’entrer dans l’hôtellerie.

Dans l’Hexagone son parcours est chaotique : elle déménage souvent, alternant entre les squats ou les appartements d’amis en banlieue parisienne, avant de se fixer grâce au DAL (Droit au logement). Naturalisée française en 2015 – un pays qu’elle « adore » et pour lequel avait combattu son grand-père pendant la Seconde Guerre mondiale – elle habite maintenant les Sorbiers, une cité de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) d’où elle a lancé sa campagne pour les législatives.

 

Avec toujours le même message : « secouer le cocotier » à l’Assemblée. « Nous ne sommes pas des rebelles, on veut juste notre dignité », a-t-elle lancé devant les acclamations des 200 amis et militants venus la soutenir. Celle qui se définit comme « féministe » et « défenseuse des gilets jaunes », a paré d’éventuelles attaques sur son manque de formation.

« Si tu me parles avec le français de Sciences Po, je vais te répondre en banlieusard ! », a-t-elle mis en garde. « On connaît le niveau d’une femme de chambre, on sait que je n’ai pas de Bac + 5 », expliquait-elle. « Je dis ce que je ressens. Si on me pose une question sur quelque chose que je ne comprends pas, je ne répondrai pas. Il faut que les médias s’habituent à ça ».

 

Didier Depry

 

(Source : Presse française)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Leave a Reply

Your email address will not be published.