Dialogue politique en Côte d’Ivoire : Simone Gbagbo fait ses observations

 

Former first lady Simone Gbagbo, second vice-president of the Ivorian Popular Front (FPI) speaks at a press conference on the social and political situation in Ivory Coast on August 11, 2020, at her residence in Abidjan. (Photo by SIA KAMBOU / AFP)

SYNERGIE POUR LE DIALOGUE ET LA RECONCILIATION

DÉCLARATION RELATIVE AU DIALOGUE POLITIQUE LES FAITS

Du 16 décembre 2021 au 4 mars 2022, s’est tenue, à l’initiative du Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire, une session du dialogue politique dite « Phase 5 ». Cette session a regroupé le Gouvernement, des Partis politiques et des Organisations de la Société Civile. Les travaux de cette 5ème phase du dialogue politique présidée par le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, ont été conduits par le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, accompagné de plusieurs membres du Gouvernement.

Les thématiques débattues ont eu trait : – aux mesures d’apaisement de l’environnement politique – à la réconciliation nationale et – au cadre juridique et institutionnel des élections en Côte d’Ivoire. À l’issue de cette session du dialogue politique, le rapport final paraphé par 48 participants dont 21, au titre des Partis et Groupements politiques et 26 au titre des Organisations de la Société Civile, a fait 13 recommandations principales. La conduite de ce dialogue et les recommandations qui en ont découlé appellent des observations.

OBSERVATIONS RELATIVES A LA CONDUITE DU DIALOGUE

1) Le dialogue dans un Etat est, par essence, un outil de renforcement de la paix et de la cohésion nationale. Il est donc avantageux qu’il réunisse toutes les composantes de la Nation dans leur représentation. Or, certains Partis et Groupements politiques, ainsi que des Organisations significatives de la Société Civile n’ont pas été invités à ce forum, montrant ainsi le caractère non inclusif de cette 5ème phase du dialogue politique.

2) Le dialogue a été convoqué, supervisé, dirigé et contrôlé entièrement par le Gouvernement, selon ses propres attentes, ses propres objectifs ; ce qui le met en position de juge et partie. Toutes choses qui ont laissé très peu de place à un examen structurel et impartial. Cette posture fait peser sur les travaux et leurs résultats, une véritable suspicion légitime.

3) Malgré la présence de certaines Organisations de la Société Civile ivoirienne, l’inventaire des recommandations montre aisément que ce rassemblement a été convoqué pour régler presqu’exclusivement des problèmes politiques, occultant les nombreuses questions sociales qui mettent à mal la cohésion nationale.

4) Le mode opératoire adopté à cette session du dialogue politique n’a pas laissé de place à la démarche démocratique qui devait permettre d’organiser de véritables échanges entre politiques et non politiques. La partie gouvernementale a beau jeu de déclarer complaisamment dans le rapport final que de « nombreuses questions soulevées ont donné lieu à des informations et à des explications satisfaisantes de la part du Gouvernement ».

OBSERVATIONS RELATIVES AUX RECOMMANDATIONS

Au titre des mesures d’apaisement de l’environnement politique Nous nous réjouissons de la recommandation ayant trait au retour à un paiement plus régulier de la subvention aux Partis et Groupements politiques, 3 de même que de la volonté de régulariser les comptes gelés de certains citoyens. En revanche le financement de la Société civile, n’apparait pas dans ce rapport final du dialogue alors que les Organisations de la société civile, elles aussi, assument un rôle de formation des populations qui est indéniable.

De plus, nous notons que la question relative au retour de M. Charles Blé Goudé aurait été transférée pour décision, à un « Groupe de haut niveau ». Quant au cas de M. Guillaume Soro, il n’aurait pas du tout été évoqué. Nous pensons qu’aucune question n’aurait dû être reportée ni évitée, dès lors qu’il s’agit d’« apaisement de l’environnement politique national ». Surtout que dans le cas particulier de M. Blé Goudé, la question est une question de droit qui redevient une question de justice. Quant à la question des détenus d’opinion civiles et militaires, elle demeure entière même si les membres du Gouvernement tentent d’en minimiser la portée en niant l’existence de prisonniers politiques en Côte d’Ivoire.

Au titre de la réconciliation nationale :

Il faut saluer la volonté de vulgarisation des modes alternatifs de règlement des conflits avec l’implication notamment des chefs coutumiers, des guides religieux et des Organisations de la société civile. C’est une recommandation majeure que nous souhaitons voir traduite dans les faits.

En revanche, la limitation du processus de réparation et d’indemnisation aux seuls victimes de la crise électorale de 2020 est fort surprenante. Pourquoi toutes les victimes des crises qui ont secoué notre pays depuis 2000 en passant par 2010, seraient-elles exclues du processus de réparation et d’indemnisation ? Au titre du cadre juridique et institutionnel des élections en Côte d’ivoire : Nous voulons rappeler que les recommandations rappeler que les recommandations suivantes ont été faites :

  1. la prise en compte des réalités politiques nouvelles en vue du réaménagement de la CEI sans préjudice de l’équilibre de celle-ci ;
  2. la conduite de réflexions par le Gouvernement sur le processus de découpage électoral, sur la base du relèvement du coefficient affecté au critère démographique et en maintenant les acquis ;
  3. la révision annuelle de la liste électorale par la CEI conformément au code électoral ;
  4. le réexamen du mécanisme de financement des candidats et du remboursement des frais de campagne à l’élection présidentielle ;
  5. l’amélioration du système du parrainage citoyen à l’élection présidentielle ; 6. le renforcement de la sécurisation du processus électoral.

 

Nous saluons deux recommandations :

Premièrement, la volonté exprimée de la révision annuelle de la liste électorale par la CEI, conformément au code électoral. Cependant, il est impératif que cette révision se fasse en profondeur car personne n’ignore que la liste électorale de notre pays comporte de graves irrégularités qu’il faut absolument corriger. Elle a même besoin d’être auditée.

Deuxièmement, nous adhérons à la volonté exprimée de réexamen du mécanisme de financement des candidats et du remboursement des frais de campagne à l’élection présidentielle. Souhaitons toutefois que les mécanismes consensuels qui seront adoptés s’appliquent sans discrimination à tous. En revanche, nous proposons la création de 2 organes :

  • Une nouvelle CEI qui serait constituée de personnalités neutres, c’est à dire non partisanes. Cette nouvelle CEI ne devra donc contenir aucun représentant des Partis politiques, ni des Institutions de l’Etat. Les acteurs de cette CEI auront un statut particulier avec des salaires et des moyens conséquents ; toutes choses qui garantissent leur indépendance vis-à-vis des Partis et des Autorités politiques et administratives. Ils seront recrutés par appel d’offre, et en dehors des Partis et Mouvements politiques.
  • Un deuxième Organe, l’Observatoire des Elections qui serait chargé de l’observation des élections. Cet Organe serait constitué de représentants du Gouvernement, de représentants des Partis, et Mouvements politiques, de 6 représentants des Organisations de la société civile. Ils observeront toutes les étapes du processus électoral.

Ce dialogue a également retenu la conduite de réflexions par le Gouvernement sur le processus de découpage électoral. L’intention affirmée est de relever le coefficient affecté au critère démographique tout en maintenant les acquis. Cette intention révèle la volonté de laisser les choses en l’état en donnant l’impression de les changer car ce sont justement les acquis en question qui nécessitent que l’on revoie le découpage électoral. Si les critères sont modifiés, les acquis doivent être nécessairement modifiés. C’est faire justice que d’appliquer les mêmes critères à tous.

Au titre du cadre de suivi Le mécanisme de suivi des recommandations de cette session du dialogue politique n’a pas été indiqué. Le rapport s’est contenté de mentionner la décision de mise en place d’un cadre de suivi des recommandations, sous l’autorité unilatérale du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité.

Nous croyons qu’il aurait fallu privilégier un cadre tripartite : – Gouvernement – Société Civile – Partis et groupements politiques. Cela à l’effet de rendre plus efficaces le suivi et l’évaluation des recommandations.

Ainsi, la 5ème phase du dialogue politique est achevée. Ses conclusions ont reçu un accueil mitigé de la part des populations et même de certains Partis politiques et Organisations de la société civile qui y ont pris part. Les résultats obtenus, vraisemblablement, ne peuvent pas permettre d’atteindre la paix durable à laquelle aspirent nos populations. C’est pourquoi, les Partis, Groupements politiques et Organisations de la société civile réunis au sein de la Plateforme Synergie pour le Dialogue et la Réconciliation (SDR), soucieux de fédérer les énergies des Ivoiriens et des Ivoiriennes dans une vision partagée, proposent une démarche alternative en vue d’une réconciliation vraie pour une véritable cohésion nationale.

 

UNE DEMARCHE ALTERNATIVE

La SDR est engagée dans un processus de réflexions nationales et inclusives autour des points suivants :

  1. La Sécurité et les Questions foncières ;
  2. La Justice et la Réconciliation nationale ;
  3. Les Réformes constitutionnelles ;
  4. Les Reformes électorales ;
  5. La Sécurisation de l’État Civil, l’Immigration, l’Intégration et les Relations extérieures ;
  6. Les Affaires Economiques et Sociales Sur ces questions essentielles de la vie de la Nation.

La Plateforme Synergie pour le Dialogue et la Réconciliation en appelle à l’attention et à l’intelligence de toutes les franges socio-économiques et politiques, dans une communion fraternelle et décisive. Elle se propose d’aller écouter le peuple tout entier, à travers tout le pays, ainsi que toutes les forces vives. La Plateforme interrogera le génie de chacun et proposera à la Nation, le fruit des réflexions collectives. Nous avons bon espoir que cette synergie d’intelligences contribuera à apporter des réponses consensuelles aux questions majeures que toute la Nation se pose aujourd’hui. C’est pour cette raison que nous lançons un appel à l’adhésion massive de tous au projet de la Plateforme. Ensemble nous relèverons tous les défis. Fait à Abidjan, le 16 mars 2022.

La présidente Mme Simone Ehivet Gbagbo

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