Le plasticien Alia 1er, artiste aux relents cubistes avec une palette vive, prend ses quartiers, du jeudi 23 janvier au samedi 22 février 2025, à la galerie Houkami Guyzagn sise à Abidjan-Cocody. A l’occasion de son exposition individuelle sur le thème : « Les Vendeuses de fruits ». Dans cet univers unique, avec 26 tableaux, l’artiste célèbre la beauté et la diversité des femmes africaines, à travers le prisme coloré des marchés locaux.
Peu connu du grand public, mais adoubé par ses pairs et les critiques, le plasticien natif de Dimbokro, qui poursuit son petit bonhomme de chemin, a abandonné la rue où il a fait son trou pour s’installer sur les cimaises. Avec des œuvres qui reflètent sa personnalité. Après l’une de ses expositions qui a fait date en novembre 2020 au Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire, on le retrouve, cette année, sur les cimaises de la galerie Houkami Guyzagn sise à Abidjan-Cocody. A l’occasion, il s’est intéressé, avec la peinture acrylique, pas le wax qui lui a permis, dans le temps, d’explorer une autre de ses facettes, aux vendeuses de fruits des rues d’Abidjan. Ah la rue ! Son ADN auquel il est définitivement attaché.
Pour réaliser la série de l’exposition qui inaugure la rentrée à Houkami Guyzagn et intitulée à propos « Les Vendeuses de fruits », Alia 1er a fait une immersion d’un mois dans l’univers de ces femmes courageuses qui parcourent les rues à la recherche de leur gagne-pain et pour surtout nourrir leur progéniture. Sous le soleil ou la pluie. Dans la chaleur suffocante de la Ville d’Abidjan. Parfois aux prises avec les agents municipaux qui les empêchent de tourner en rond. Et perturbent leur quiétude.
Au cours de la conférence de presse de lancement de son exposition, le mercredi 15 janvier 2025, au Houkami Guyzagn, il a fait savoir qu’il était, pour lui, question de partager leur quotidien, de vivre leurs réalités comme un acteur de cinéma qui tient à entrer dans la peau du personnage qu’il va incarner dans un film. Une sorte de mise en jambes. Une sorte, en fait, de mise au vert. Mais surtout de quête d’inspiration au contact de ces dernières.
Pourquoi les vendeuses de fruits ? « Il y a quelque chose de fort dans ce thème. Il y a une vie, de la variété, de l’intensité dans leurs scènes de vie. J’ai pris langue avec ces femmes. Ensemble, nous avons partagé leurs réalités. Et j’ai beaucoup appris à travers mes recherches de proximité. J’ai vécu avec des vendeuses de fruits pour m’imprégner de leurs réalités. J’ai fini par comprendre qu’il y a une vie dans leur histoire. Elles vivent, luttent pour survivre. Pour faire face aux besoins de leur famille. Cette immersion a créé beaucoup d’émotions en moi. J’ai vécu avec ces femmes sous le soleil, dans les rues, la chaleur… J’ai aimé ces instants de vie. J’apprécie ce thème. J’ai fini par me convaincre qu’il n’y a pas trop de différences entre les travailleurs de bureau qu’on rencontre au Plateau et les vendeuses de fruits. Car ils vivent les mêmes réalités. Pour vivre, pour ne pas dire survivre, ils doivent souffrir. Traverser l’adversité pour, in fine, pouvoir faire bouillir la marmite à la maison. Ne dit-on pas que le salaire de la liberté, c’est la souffrance ? », dit le plasticien, pensif.
Et de reconnaître que Thierry Dia, le directeur de la galerie-hôte de son exposition qui s’ouvre par le vernissage, le jeudi 23 janvier, pour courir jusqu’au samedi 22 février 2024, « m’a beaucoup boosté, coaché et orienté dans le choix du thème. C’est même lui qui m’a suggéré de réaliser cette série sur les vendeuses de fruits. Cette expérience unique m’a édifié. Et je lui en suis totalement reconnaissant ».
Commissaire des expositions à Houkami Guyzagn, le critique d’art Mimi Errol, parlant de l’artiste Alia 1er, soutient que ce dernier, de par son parcours, est quelqu’un qui a quelque chose de particulier. « On sent de la gestuelle entre les lignes, des mouvements. Ce n’est pas une peinture courante qu’il nous propose, qu’il nous donne à voir. Avec lui, c’est la couleur qui parle. Son écriture est particulière. Avec le thème « Les Vendeuses de fruits », de par l’espace et l’univers, la perspective est immense. Le sujet n’est pas fermé. En Afrique, on est toujours dans le plein air. Il est rare de voir des scènes dans des lieux fermés. Ici, on voit des scènes de vie dans des espaces ouverts. La rue est tellement grande, l’espace est tellement ouvert. L’espace qu’il choisit est quelque chose d’incommensurable », estime-t-il.
Quant à Thierry Dia, qui a les étoiles pleines les yeux quand il parle d’Alia 1er, et rappelant sa rencontre avec l’artiste, il indique : « J’avais déjà vu les œuvres d’Alia sur les murs de la Pyramide au Plateau. Son travail a retenu mon attention parce qu’il a quelque chose de spécial. Il sort des clichés qu’on a l’habitude de voir. Il parle de pagne et c’est tellement bien agencé qu’il ne passe pas inaperçu. Le page en Afrique représente beaucoup pour nous tous. Même s’il est produit par des entreprises occidentales. Le pagne ici a une autre connotation. Il est objet de séduction. Rien ne se fait en Afrique sans pagne. Alia revient sur des scènes de vie. Il y a quelque chose d’intéressant qu’il faut voir dans ses œuvres. Il existe notamment beaucoup de dose de concentration dans ses œuvres avec des formes, des ronds, des carrés, des triangles. Alia met des portraits en relief. Il a de grandes palettes, une grande progression. Ses personnages sont variés. Il a sa petite touche yéyé avec des femmes dont le visage est barré par de grosses paires de lunettes. On sent même du Picasso dans ses tableaux, les formes qu’il aborde, ses perspectives et ses traits. Alia, c’est, comme j’aime à le dire, beaucoup de concentration, beaucoup de travail. Je suis très satisfait du travail qu’il a fait sous la pression. Le public verra la variété de ce qu’il propose ».
Pour la réalisation des 26 tableaux de la série « Les Vendeuses de fruits», Alia 1er a été en résidence à deux endroits différents. Pour le gros œuvre, il a passé 3 semaines à Adiaké et, pour les finitions, il s’est installé, deux semaines durant, à la galerie Houkami Guyzagn. Et le résultat est un délice pour les yeux. Il est important de relever que la notaire Angèle Kouassi est la marraine de cette exposition.
Marcellin Boguy
Légende photo : L’artiste-plasticien Alia 1er expose 26 tableaux à la galerie Houkami Guyzagn.
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