« L’Ambassade de l’Ukraine en Côte d’Ivoire informe les jeunes âgés de 18 ans et 30 ans au plus, désirant de servir les forces armées ukrainiennes sur le front, dans le cadre de la défense de notre nation contre l’agression russe lancée le 24 février 2022, qu’un recrutement au sein de l’Ambassade ukrainienne débutera le 31 mai 2024. Les volontaires doivent remplir les conditions suivantes : être âgé de 18 à 30 ans au plus, être de sexe masculin, jouir de ses droits civiques, ne pas posséder de précédentes poursuites judiciaires, avoir de la volonté et être de bonne moralité et posséder de bonnes qualités d’aptitude physique ».
Cet avis de recrutement de volontaires ivoiriens désirant combattre pour l’Ukraine, dans sa guerre contre la Russie, est un communiqué signé M. Denys Chemychenko, se présentant comme le chargé de communication de cette opération. Rendu public, le 27 mai 2024, ce communiqué a été diffusé sur les réseaux sociaux à travers un média dénommé « Afrique 24/7 ». Sans doute pour rassurer les jeunes ivoiriens qui hésitent, ce média mentionne dans un cadre à sa « Une » que « L’Ambassade d’Ukraine en Côte d’Ivoire a déjà commencé à recruter des volontaires désireux d’aider Kiev et de se rendre dans la zone d’opération militaire spéciale ».
L’Ambassade d’Ukraine se défend en accusant la Russie
Ayant perçu la gravité de cette initiative de recrutement de jeunes ivoiriens visant à les inciter à aller combattre en Ukraine, l’ambassade d’Ukraine en Côte d’Ivoire a adressé, le 29 mai 2024, une note verbale au ministère des Affaires étrangères, de l’intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur dont nous avons obtenu copie. Dans cette note, l’ambassade d’Ukraine ouverte en Côte d’Ivoire, il y a à peine deux mois, soutient mordicus qu’elle n’est ni de près ni de loin concernée par cet avis de recrutement.
« Un faux message (soi-disant avis de recrutement) a été diffusé et continue de prendre de l’ampleur dans les réseaux sociaux, surtout en Afrique, relatif au prétendu recrutement par l’Ambassade d’Ukraine à Abidjan de « volontaires » dans les Forces Armées Ukrainiennes pour la guerre contre la Russie. L’Ambassade d’Ukraine en République de Côte d’Ivoire déclare officiellement qu’elle n’a rien à voir avec ce faux message et ce bourrage d’informations de nature manipulatrice et provocatrice », écrit l’Ambassade d’Ukraine. Avant d’accuser la Russie d’être derrière cet avis de recrutement. « Il s’agit d’un produit des services spéciaux russes visant à perturber le Sommet de la Paix en Ukraine qui se tiendra en Suisse, les 15 et 16 juin 2024 et surtout la participation de la République de Côte d’Ivoire à ce Sommet », soutient l’Ambassade d’Ukraine. Face à cette accusation, l’Ambassade de Russie en Côte d’Ivoire n’a pas encore réagi. Le fera-t-elle ? Nous n’en savons rien.
La Côte d’Ivoire est un pays de paix qui prône le dialogue pour régler les conflits
Après le Sénégal, c’est en Côte d’Ivoire que le spectre du recrutement de « mercenaires » devant combattre pour l’Ukraine surgit. En effet, on se souvient que le jeudi 3 mars 2022, le Sénégal avait exprimé son mécontentement auprès de l’Ukraine, l’invitant à cesser tout recrutement de jeunes sénégalais et africains, en général, à partir du Sénégal, après l’annonce d’un enrôlement de trente-six personnes pour aider l’Ukraine dans la guerre contre la Russie. L’ambassadeur d’Ukraine au Sénégal, Yuril Pyvovarov, avait été « immédiatement invité au ministère des affaires étrangères (à Dakar) aux fins de vérification et d’authentification de cette publication », selon un communiqué du ministère publié, le jeudi 3 mai 2024. M. Pyvovarov avait « confirmé l’existence de l’appel et l’enrôlement de 36 candidats volontaires », selon le texte qui ne précise pas l’identité de ces derniers. Dakar avait « fermement » condamné « cette pratique qui constitue une violation de l’obligation de respect des lois et règlements de l’Etat accréditaire ». Le pays de la Teranga avait rappelé que le recrutement de volontaires, mercenaires et combattants étrangers sur le territoire sénégalais est « illégal ».
Même si l’Ambassade de l’Ukraine en Côte d’Ivoire nie toute opération de recrutement de jeunes ivoiriens en vue d’aller combattre en Ukraine contre la Russie, le fait qu’il existe un précédent au Sénégal constitue un facteur peu reluisant et accablant pour Kiev. Qui visiblement se comporte comme la France durant les deux guerres mondiales (1914-1918, 1938-1945) qui a mobilisé les ressortissants de ses colonies d’alors en Afrique pour aller combattre contre l’Allemagne. Ces Africains se faisaient appelés « Tirailleurs sénégalais » parce qu’ils étaient tous rassemblés au Sénégal avant d’embarquer pour l’Europe. Afin d’aller mourir pour la cause des pays occidentaux.
La Côte d’Ivoire qui est un pays de paix et de dialogue, depuis Félix Houphouët-Boigny, hier, à Alassane Ouattara, aujourd’hui, prône le dialogue pour le règlement de tous les conflits y compris la guerre entre l’Ukraine et la Russie. De toute évidence, elle ne peut pas accepter que ses ressortissants soient recrutés pour aller combattre en Ukraine.
La prochaine conférence de presse du président ukrainien avec des journalistes africains
On ne peut pas non plus comprendre que l’Ukraine qui s’active à prendre part à un « Sommet sur la paix en Ukraine » devant se tenir du 15 au 16 juin 2024 en Suisse (pays neutre) puisse se lancer dans une opération de recrutement de « mercenaires » ivoiriens pour l’aider à poursuivre la guerre contre la Russie.
C’est un secret de polichinelle que l’Ukraine veut se rapprocher de l’Afrique où de nombreux pays soutiennent la Russie. Et ce soutien est visible lors du vote de résolutions à l’ONU concernant la guerre en Ukraine. Selon des sources concordantes, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, pourrait animer une conférence de presse à Kiev, capitale ukrainienne, avec exclusivement la presse africaine. Cette conférence de presse qui se tiendra en juin 2024 verra la participation de journalistes de dix pays africains triés sur le volet. Ces journalistes seront accueillis en Ukraine où ils interrogeront le président Zelensky.
N’ayant pas organisé d’élection présidentielle alors que son mandat prenait fin le 21 mai 2024, Volodymyr Zelensky fait face à une crise de légitimité qui ne dit pas son nom. Il organisera visiblement cette conférence de presse pour entretenir son image et en même temps toucher l’opinion publique africaine afin qu’elle soutienne l’Ukraine. L’Ukraine ne peut pas inviter bientôt des journalistes africains pour une conférence de presse au cours de laquelle elle parlera immanquablement de paix et en même temps tenter de recruter des combattants africains. Il s’agit une aberration et on n’espère que le « faux ! » dit par l’Ambassade d’Ukraine en Côte d’Ivoire concernant l’avis de recrutement est véridique.
Nedson Djinsou
Légende photo : Le président d’Ukraine, Volodymyr Zelensky.
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