Guerre en Ukraine : le prix du pain flambe en Afrique à  cause du conflit

Lors de son conseil des ministres du mercredi 30 mars 2022 tenu au palais présidentiel à  Abidjan-Plateau, le gouvernement de Côte d’Ivoire a pris une serie de mesures relatives au pain. En effet, le comité technique en charge de la filière blé farine boulangère a permis, en accord avec tous les acteurs du secteur, de définir désormais pour la Côte d’Ivoire deux poids fixes de la baguette de pain, notamment le pain standard devant garder le prix initial de 150 FCFA pour 174 g et une autre baguette qui tend vers la baguette haute évaluée à 232 g pour 200 FCFA.

« La définition de ce poids fixe permettra de rendre le contrôle plus aisé et contraindra les boulangers à s’en tenir aux prix fixés », a expliqué le ministre Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement. Afin d’assurer l’approvisionnement régulier du marché ivoirien et de préserver l’outil de production et le pouvoir d’achat des consommateurs, a-t-il poursuivi, un ensemble de mesures additionnelles a été adopté, allant de l’exonération des droits de douane sur l’importation du blé à un appui au secteur de la production de la farine blé.
A court terme, a annoncé le porte-parole du gouvernement, le Conseil prévoit de créer une ligne garantie dédiée au secteur de la boulangerie pâtisserie au sein du Fonds de soutien aux petites et moyennes entreprises (FSPME) ou apporter une subvention à travers le Fonds d’appui au secteur informel (FASI), en vue de l’émergence de champignons nationaux.
Il est prévu le lancement d’une étude pour la mise en place d’une fiscalité adaptée à la boulangerie au regard de la spécificité de ce secteur qui est liée au caractère social du pain.
Le ministre Amadou Coulibaly a aussi annoncé la mise à niveau de l’école de boulangerie de Yamoussoukro pour assurer une formation qualitative aux métiers de la boulangerie et encourager les initiatives privées d’investissement dans les écoles de formation aux métiers de la boulangerie.
Ces mesures ont été arrêtées en vue de maintenir l’équilibre du secteur et d’atténuer les effets de la hausse du cours du blé provoquée par la guerre en Ukraine et les sanctions imposées à la Russie par les occidentaux. Dans les années 2000, le sac de 50 kg de blé était à 11 500. En 2022, il est passé à 22 000 FCFA et depuis la crise russo-ukrainienne, ce même sac avoisine 30 000 FCFA, a rappelé le porte-parole.

Comme on peut le constater, le gouvernement ivoirien a bien agi en prenant de telles mesures. Le chef de l’Etat Alassane Ouattara, inspirateur de ces mesures, a ainsi posé un bon acte pour les populations qui consomment grandement du pain. Plusieurs pays africains importent du blé de Russie et d’Ukraine pour nourrir leurs populations. L’Ukraine en guerre cesse ses exportations de blé. Moscou, sous sanctions des pays occidentaux, suspend ses exportations vers les pays qu’elle juge hostiles à la Russie.  Le 24 février dernier, la guerre en Ukraine démarre, les cours du blé s’envolent. La tonne de blé s’échange à près de 300 dollars sur les marchés mondiaux.  ​C’est du jamais-vu depuis 2011, année des printemps arabes.
Depuis le début du conflit russo-ukrainien, le continent africain tout entier est directement concerné par cette flambée. En Afrique, de nombreux pays importent chaque année des tonnes de blé d’Europe, notamment d’Ukraine et de Russie. Du blé tendre, utilisé essentiellement pour fabriquer du pain, et du blé dur, base de la composition des pâtes notamment.
Principal importateur de céréales en Afrique, l’Égypte a acheminé près de 13 millions de tonnes de blé en 2021. Cette année-là, 85% de ses importations venaient d’Ukraine ou de Russie. « La Russie et l’Ukraine étaient nos principaux fournisseurs de blé », a reconnu le Premier ministre égyptien Mustafa Madbouly début mars.
En Egypte le pain est subventionné. Plus 60 millions de personnes sur les 100 millions d’habitants reçoivent cinq miches par jour dans le cadre d’un vaste programme de subventions. Mais dans les commerces, le poids de la galette distribuée aux plus modestes a diminué. Les boulangers face à la hausse des prix utilisent moins de farine.

Plusieurs pays d’Afrique subsaharienne sont également concernés par un possible gel des importations de blé originaires de Russie et d’Ukraine. Le Nigeria, pays le plus peuplé du continent africain et le Soudan, qui importent respectivement 5.5 millions et 3 millions de tonnes de blé par an, sont en tête.
Au Nigeria, l’inflation portée par une forte augmentation des prix des biens alimentaires a fait basculer environ 7 millions de personnes de plus dans la pauvreté, selon la Banque mondiale en 2021. En 2021, le Nigeria selon l’agence Reuters a augmenté ses importations de blé de plus de 8%. Son grenier à blé se trouve non loin du lac Tchad, région occupée par des groupes djihadistes.
La pénurie de blé causé par la guerre en Ukraine risquerait même d’aggraver la malnutrition dans ce pays qui compte 206 millions d’habitants. L’organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO) doit rencontrer à Abuja le président Buhari, du  15 au 17 mars prochains, dans l’espoir de « renforcer les efforts » pour nourrir les habitants de l’Afrique de l’Ouest.

Au Sénégal, pays qui importe la moitié de son blé de Russie, les inquiétudes autour du prix du pain sont également ressenties par la population. Depuis plusieurs années, le gouvernement plafonne le prix de la baguette de pain, qui est actuellement à 175 francs CFA, soit 0.27 centimes d’euros. L’exécutif sénégalais n’a pas encore annoncé s’il reviendrait ou non sur ce dispositif.  Au Gabon, la flambée des cours du blé a été fulgurante. Avec la guerre en Ukraine, le sac de farine de 50 kg a augmenté de 3 000 francs CFA, passant de 16 000 à 19 000 francs CFA. Cette augmentation brutale a entraîné une baisse rapide des stocks disponibles.
« Malgré la flambée des cours du blé, nous avons convenu avec nos partenaires, de maintenir le prix de la baguette de pain à son niveau actuel », a déclaré le Premier ministre du Gabon Rose Christiane Ossouka Raponda en février. Depuis, les boulangers gabonais ont été autorisés à vendre une demi-baguette de pain pour prévenir toute pénurie. Comme le voit, même si la guerre en Ukraine n’est pas celle des Africains, les conséquences de ce conflit armé et les sanctions imposées par les pays occidentaux  à la Russie sont préjudiciables à l’Afrique dont certains pays sont pourtant contraints par les pays occidentaux de soutenir ces sanctions contre la Russie. Alors que de toute évidence, cette situation est suicidaire pour le continent africain qui se trouve à la l’orée de la famine.

Une contribution

de Moussa Koné

Citoyen malien  vivant en Côte d’Ivoire

 

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