Guerre en Ukraine : une crise alimentaire menace le monde

On découvre une vraie guerre en Europe, impression de revenir 80 ans en arrière… mais là il ne s’agit plus, comme on en avait « l’habitude », d’un pays pauvre, désertique et montagneux, mais de grandes puissances agricoles (en particulier céréalières) et énergétiques. Et les conséquences en chaîne vont être énormes pour l’agriculture et l’alimentation mondiale. Il faut entrer dans le détail pour bien comprendre les vrais enjeux, et le risque qu’au bout du compte il y ait davantage de morts de faim dans les pays du Sud que d’Européens morts de la guerre…

 

L’envolée des prix agricoles et de l’énergie crée une onde de choc. En première ligne, l’Afrique du Nord qui veut éviter une explosion sociale. À mesure que la guerre en Ukraine s’enlise, les alertes sur les risques d’une crise alimentaire se multiplient. Des tensions sociales commencent à se faire sentir dans les pays les plus exposés, surtout en Afrique. La situation était déjà difficile avant le conflit à cause de la pandémie et de mauvaises conditions météo qui ont limité les récoltes. L’envolée des prix des matières premières agricoles entamée en juillet 2020, alimentée aussi par la hausse du pétrole, s’est nettement amplifiée depuis le début de l’offensive.

La demande de céréales n’a cessé d’augmenter dans le monde, et s’est beaucoup accélérée dans les dernières décennies. D’une part, parce que la population ne cesse d’augmenter, à raison de 75 millions de Terriens de plus chaque année. Nous approchons les 8 milliards d’habitants, contre 1,8 en 1900 et 6,3 en 2000, et nous allons rapidement atteindre les 10 milliards ! D’autre part, parce que l’élevage mondial s’est énormément développé, pour répondre à la demande des classes moyennes de plus en plus nombreuses qui veulent manger de la viande et boire du lait, deux produits qui sont en quelque sorte des «concentrés de végétaux ». Un végétarien correctement alimenté consomme environ 200 kilos de céréales par an, un carnivore consomme en plus toutes les céréales consommées par les animaux qu’il mange, et quadruple sa ponction sur les ressources, passant à 800 kilos de céréales, plus les protéines végétales afférentes, comme le soja, le colza et le tournesol. 

Actuellement, plus de la moitié du blé mondial et 80 % du maïs sont mangés par nos poulets, cochons, canards, lapins et veaux ! Songeons par exemple que depuis les années 1960 la consommation de viande des Chinois est passée de 17 à 60 kilos annuels, alors que la population doublait. Bref, la Chine a multiplié par 8 sa consommation de viande, ce qui représente une énorme ponction supplémentaire sur les ressources mondiales.

Or les terres propices à la production céréalière dans le monde sont fort limitées, on tente sans arrêt d’en rajouter, en particulier en défrichant les forêts tropicales de façon totalement irresponsable… mais dans le même temps, on en urbanise, bétonne, pollue, érode autant, ce qui fait que les surfaces consacrées au blé, au maïs, au riz, etc. n’augmentent plus depuis 70 ans : on sème toujours environ 200 millions d’hectares de blé et autant de maïs, et 100 de riz.

L’inquiétude grandit concernant une potentielle crise alimentaire mondiale à cause de la guerre en Ukraine. Près de 24% des céréales exportés dans le monde proviennent en effet des plaines russes et ukrainiennes. Et la perspective que des régions entières ne soient pas cultivées alimente les spéculations. A cause de la guerre, l’Ukraine pourrait ne pas être en mesure de récolter, la Russie est quant à elle sous le coup de sanctions.

Conséquence : les prix flambent et des millions de personnes pourraient bientôt être menacées de famine, comme l’explique Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU : « Les prix des aliments, du carburant et des engrais montent en flèche, constate le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Les chaînes d’approvisionnement sont perturbées. Et les coûts et les délais de transport des produits importés, lorsqu’ils sont disponibles, atteignent des niveaux records. Et tout cela frappe le plus durement les plus pauvres et sème les graines de l’instabilité politique et des troubles dans le monde entier.

Des troubles déjà bien visibles au Soudan, où des milliers de personnes ont manifesté dans la capitale et dans plusieurs autres villes du pays. Les protestations concernent notamment la forte hausse du prix du pain, principale denrée alimentaire des Soudanais. Celui-ci a bondi de plus de 40 % ces derniers jours.

Une contribution

d’Adama Koné

Citoyen malien

Laissez une réponse

Votre email ne sera pas publié