Kobenan Kouassi Adjoumani : «Certainement que le président Bédié a voulu se faire entendre »

En Côte d’Ivoire, les planteurs de cacao sont dans le viseur de l’Union européenne (UE), qui reproche à une partie d’entre eux de détruire la forêt ivoirienne. Une UE qui pose maintenant des conditions à l’achat du cacao ivoirien.

Comment réagissent les autorités ivoiriennes ? Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre ivoirien de l’Agriculture, répond aux questions de la radio française RFI. Il parle également du processus de réconciliation en Côte d’Ivoire et des récents propos de l’ancien chef d’Etat Henri Konan Bédié, président du PDCI-RDA et ex-allié du président de la République Alassane Ouattara, lors de la cérémonie de remise du Prix Houphouët-Boigny / Unesco de la paix  à Yamoussoukro,

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RFI : Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, beaucoup de cacaoculteurs ivoiriens sont accusés de détruire la forêt ivoirienne pour augmenter la production de cacao. Du coup, depuis le mois de décembre dernier, l’Union européenne a fixé de nouvelles normes sur l’exportation de cacao vers l’Union européenne. Est-ce que ça ne complique pas la tâche des producteurs ivoiriens ?

Kobenan Kouassi Adjoumani : Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons déjà devancé l’Union européenne. Dans le cadre de notre politique mise en place, nous avons décidé de faire le recensement de tous les producteurs qui sont disséminés ça et là dans les forêts, et nous avons pu géolocaliser toutes les plantations qui se trouvent dans la forêt.

Aujourd’hui, nous sommes en mesure de dire que plus de 85% des exploitations se font dans des forêts régulièrement établies en zones rurales. Nous avons pu identifier entre 10 et 15% de production dans les forêts classées.

Mais dès lors qu’aujourd’hui nous avons décidé de tracer le cacao ivoirien, si dans le cadre de la commercialisation, vous ne disposez pas de carte, vous n’allez pas être payé puisque cette carte non seulement vous identifie, mais elle permet aussi de faire des transactions bancaires. Alors ceux qui sont dans des forêts classées, qui ne sont donc pas identifiés, ne pourront donc pas commercialiser leurs produits.

Vous parlez donc de ces nouvelles mesures pour recenser tous les cacaoculteurs. Est-ce qu’il n’y a pas des petits malins qui ne se font pas recenser, qui ne se font pas géolocaliser, et qui continuent de récolter du cacao dans des forêts classées et de le sortir par des pistes piétonnières et ensuite de s’arranger avec des collègues cacaoculteurs qui ont la bonne carte ?

Nous nous sommes donnés un temps pour réaliser cela. Aujourd’hui, il nous reste entre douze et dix-huit mois pour définitivement clôturer cette échéance. Et il n’y a pas longtemps, moi-même j’étais sur le terrain pour procéder à la distribution de cartes issues de ce recensement. Aujourd’hui, les producteurs s’activent à faire en sorte d’y participer. Autrement dit, si vous n’êtes pas recensé, si votre plantation n’est pas géolocalisée, vos produits ne peuvent pas faire l’objet de commercialisation.

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Oui, mais vous pouvez vous arranger avec le voisin qui a la carte…

Mais si par exemple vous vous arrangez avec un voisin qui a la carte, on sait ce que votre plantation représente en matière de production. Donc si vous produisez d’ordinaire cinq tonnes de cacao mais qu’on constate que, pour cette campagne-ci, vous êtes allé au-delà, vous avez même doublé la mise, cela veut dire que vous êtes fautif et vous serez poursuivi.  

Est-ce que la Côte d’Ivoire n’a pas détruit l’essentiel de son couvert forestier ?

Allez-y en Côte d’Ivoire, vous allez voir que nous avons encore de la forêt. C’est vrai que, depuis l’indépendance jusqu’à maintenant, ces forêts ont été entamées, et c’est pour cela que nous avons mis en place une politique de reforestation en plantant des arbres dans nos plantations. Le Conseil du café-cacao a décidé de planter soixante millions d’arbres à raison de cinq millions par an, et au bout de cinq ans, nous devons être capables d’atteindre cet objectif.

Le 8 février dernier, lors de la remise du prix Houphouët de l’Unesco, à Yamoussoukro, à l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel, il y avait tous les chefs d’État qui étaient là, l’actuel président Alassane Ouattara, les anciens présidents Henri Konan Bédié, Laurent Gbagbo.

Tout le monde était là. Et Henri Konan Bédié a eu cette phrase : « La Côte d’Ivoire peine encore à engager un dialogue franc et sincère entre tous ses fils et filles pour construire une paix durable en Côte d’Ivoire. » Qu’est-ce que vous répondez à cette accusation ?

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Le fait déjà de rassembler deux anciens présidents de la République de Côte d’Ivoire à une cérémonie pour célébrer la paix, c’est assez révélateur du fait que la Côte d’Ivoire se porte bien. Certainement que le président Bédié a voulu se faire entendre, mais nous, on a été tellement rassurés parce qu’après avoir proclamé cela, il a esquissé des pas de danse.

Mais une personne qui n’est pas dans la paix peut-elle danser comme on l’a vu l’autre jour avec le président Henri Konan Bédié ? C’est parce que le président Bédié était dans la joie, donc pour moi, sa pensée l’a trahi, autrement dit, nous sommes bien dans la paix.

Mais monsieur le ministre, la paix, ce n’est pas seulement lors d’une cérémonie, aussi belle soit-elle. C’est tous les jours, lors d’un dialogue politique. Visiblement, aux yeux d’Henri Konan Bédié, ce dialogue quotidien, il ne marche pas encore…

Mais ce dialogue a toujours été notre arme. La preuve : nous avons fait plusieurs séances de dialogue politique, et c’est sur la base de tous ces dialogues-là que l’ensemble des partis politiques a décidé d’aller aux élections législatives [de mars 2021, Ndlr].

N.B : La titraille est de « Le Monde Actuel »  

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