Le Royaume-Uni a expulsé, le lundi 29 avril 2024, un premier demandeur d’asile vers le Rwanda, ont rapporté plusieurs médias britanniques.Cette expulsion se déroule une semaine après l’adoption d’une loi très controversée permettant d’envoyer dans ce pays d’Afrique de l’Est, des migrants arrivés illégalement en Angleterre. Le gouvernement conservateur du Premier ministre britannique Rishi Sunak a érigé en priorité la lutte contre l’immigration illégale.
Les demandes d’asile des migrants seront examinées au Rwanda et ils ne pourront pas revenir au Royaume-Uni, quelle que soit l’issue de leur démarche. Le gouvernement britannique compte commencer les expulsions en masse dans ce cadre d’ici juillet 2024. Mais le migrant et demandeur d’asile expulsé, le lundi 29 avril 2024, vers le Rwanda l’a été dans le cadre d’un programme distinct, sur la base du volontariat, au dire des médias britanniques.
Cet homme a accepté d’être expulsé vers le Rwanda après le rejet de sa demande d’asile à la fin de l’année dernière. Il est, selon la presse britannique originaire du continent africain. Il a voyagé sur un vol commercial jusqu’à Kigali. En échange de son expulsion, il doit recevoir un paiement pouvant aller jusqu’à 3 000 livres sterling (3 512 euros soit plus de 2,3 millions de Fcfa), ont indiqué des sources gouvernementales anglaises à la presse.
5 700 expulsions prévues d’ici la fin de l’année
« Nous sommes désormais en mesure d’envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda dans le cadre de notre partenariat pour la migration et le développement économique », a indiqué un porte-parole du gouvernement britannique à la presse. Et d’ajouter : « Cet accord permet aux personnes sans statut d’immigration au Royaume-Uni d’être transférées dans un pays tiers sûr où elles seront aidées à reconstruire leur vie ».
Le gouvernement britannique a indiqué, le mardi 30 avril 2024, espérer expulser vers le Rwanda « d’ici la fin de l’année » un groupe déjà identifié de 5 700 demandeurs d’asile, après l’adoption de sa loi controversée censée décourager les traversées illégales de la Manche. Ces migrants ont été sélectionnés parmi plus de 57 000 personnes arrivées illégalement au Royaume-Uni par la Manche entre début janvier 2022 et fin juin 2023. Après un pic record d’arrivées illégales en 2022 (45 000), puis une baisse en 2023 (près de 30 000), plus de 7 200 personnes ont traversé clandestinement la Manche à bord de canots de fortune depuis le début de l’année 2024.
Malgré l’interpellation de l’ONU envers le Royaume Uni de « reconsidérer son plan » et de ne pas appliquer la loi controversée en dépit de son l’adoption, le gouvernement conservateur britannique ne compte pas renoncer à sa mesure. D’autant que ce projet d’expulsion de migrants vers le Rwanda date d’il y a deux ans lorsque Boris Johnson était Premier Ministre. Ce projet avait été bloqué par la Cour européenne des droits de l’Homme, puis des recours judiciaires et une bataille longue de plusieurs mois au Parlement l’ont remis au goût du jour.
Le Rwanda, le Royaume Uni et la violation des droits de l’homme
C’est le 5 décembre 2023 que les gouvernements britannique et rwandais ont signé un nouveau traité visant à relancer un accord controversé pour expulser vers le Rwanda des migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni. Londres s’efforce de sauver cette mesure, après le camouflet infligé par la Cour suprême qui a confirmé que son projet était illégal en l’état. Ce nouvel accord controversé a été signé à Kigali, la capitale du Rwanda, par le ministre britannique de l’intérieur James Cleverly et le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta. Les hauts magistrats britanniques avaient contesté cet accord controversé entre les deux pays au motif que le Rwanda ne pouvait être considéré comme un pays tiers sûr. Puisque ce pays est dirigé de facto d’une main de fer depuis 1994 par Paul Kagamé.
Suite au revers des magistrats britanniques, le ministre britannique de l’Intérieur avait défendu la « transformation miraculeuse » du Rwanda et dit avoir perçu dans certaines des critiques « des attitudes paresseuses parce que c’est un pays africain ». Largement distancé dans les sondages par l’opposition travailliste pour les élections législatives de cette année 2024, le gouvernement conservateur s’efforce d’afficher une ligne ferme pour faire baisser l’immigration, qu’elle soit légale ou clandestine. La loi controversée sur l’immigration est fortement critiquée par l’opposition travailliste, des associations d’aides aux migrants, le chef de l’Église anglicane et le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Volker Türk, qui a estimé qu’il va « à l’encontre des principes fondamentaux des droits humains ».
Et pourtant le Kenya, le Maroc, la Namibie et la Tunisie ont refusé…
Puisque les migrants et demandeurs d’asile au Royaume Uni fuient tous la pauvreté pour espérer retrouver un mieux-être ailleurs. Mais un grand nombre parmi ces migrants fuient la guerre, les régimes totalitaires dans leurs pays respectifs et toutes sortes de violations de droits humains. C’est le cas des Afghans, des Congolais, des Soudanais, des Libyens etc. Malheureusement, le Royaume Uni les refoule pour les conduire vers un pays qui sort d’un génocide des Tutsi et dont les plaies de cette abomination ne se sont pas encore véritablement cicatrisées.
Le Rwanda n’apparaît donc pas comme un pays totalement sûr. Et puis comment des milliers de migrants pourront-ils se reconstruire au Rwanda, un petit pays, qui offre très peu d’opportunités. C’est d’ailleurs pour cela que le Rwanda, qui a besoin de financements, a accepté l’offre du Royaume Uni d’être une sorte de « dépotoir » pour migrants là où le Kenya, la Tunisie, le Maroc et la Namibie ont refusé. La Grande Bretagne ne dit pas concrètement le financement et les avantages que le Rwanda aura pour son économie et le bien-être de ses populations en acceptant de recevoir les migrants refoulés par Londres. Le Royaume Uni parle vaguement de soutien financier mais pourra abréger ce soutien financier, une fois que ces migrants se seront durablement installés au Rwanda. Comme quoi cette opération a tout l’air d’un enfumage. Après le Rwanda, quel sera le prochain pays africain auquel le Royaume Uni s’adressera pour être son prochain « dépotoir » de migrants ? Le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Gabon ou la Guinée Equatoriale ? Wait and see comme disent les anglais eux-mêmes.
Une contribution de
Frédéric Kasongo
Activiste de la société civile congolaise
Légende photo : Premier ministre conservateur britannique Rishi Sunak recevant à Londres, le président rwandais, Paul Kagamé.
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