Mort de deux étudiants, dissolution de la FESCI et des syndicats estudiantins, crise dans les Universités – Le SYNARES appelle à une concertation nationale sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique

Dans cette déclaration, le Syndicat national de la recherche et de l’enseignement supérieur se prononce sur la crise qui secoue les Universités publiques de Côte d’Ivoire notamment l’Université Felix Houphouët-Boigny d’Abidjan-Cocody. Le SYNARES établît son diagnostic et propose des solutions.

  I. Les faits

Dans la nuit du 29 au 30 septembre 2024, DEAGOUE Mars Alain, étudiant à l’université Félix Houphouët-Boigny et membre de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI), a trouvé la mort près dudit campus universitaire. Dans son communiqué en date du 7 octobre 2024, le procureur de la République près le tribunal de première instance d’Abidjan, annonce les interpellations de M. KAMBOU Sié, Secrétaire général national de la FESCI, de certains de ses plus proches lieutenants et la recherche de plusieurs membres de son organisation en fuite. Le parquet informe, par ailleurs, l’opinion nationale, qu’avant l’assassinat de DEAGOUE, un autre membre de la FESCI, KHALIFA Diomandé, a été violemment battu sur le campus et y a trouvé la mort, le 29 août 2024. « Une information judiciaire a été ouverte au cabinet du doyen des juges d’instruction à leur [étudiants interpellés] encontre, selon leur participation, pour les faits d’associations de malfaiteurs sur la personne de Déagoué Mars Aubin alias Général Sorcier, et les faits de complicité d’assassinat et de coups mortels sur la personne de Diomandé Khalifa. Ils ont tous été placés sous mandat de dépôt », précise le communiqué du parquet.

Le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a également publié un communiqué, le 2 octobre 2024, demandant aux étudiants qui occupent illégalement les chambres des cités universitaires, de les libérer à partir du jeudi 3 octobre 2024. Dans la même journée, le Ministre d’Etat, Ministre de la Défense et le Ministre de l’intérieur co-signent l’arrêté interministériel n°0700/MEMDEF/MIS/MENA/MERS/METFPA du 2 octobre 2024, portant interdiction à titre conservatoire des activités des associations syndicales estudiantines. Ainsi, depuis le 05 octobre 2024, des vagues de délogement s’abattent sur les étudiants dits illégaux des cités universitaires d’Abidjan et celles de l’intérieur avec leurs lots de désolation.

Le 17 octobre 2024, le Conseil National de Sécurité (CNS) a pris d’importantes mesures relatives à l’assainissement et à la réhabilitation des cités universitaires, ainsi qu’aux critères d’attribution des chambres aux étudiants. Le CNS a entériné toutes les mesures antérieures dont la dissolution de toutes les associations syndicales estudiantines proposée par le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la recherche scientifique. 

    II. Analyse du SYNARES

Le SYNARES s’incline devant les dépouilles des défunts et présente ses condoléances aux familles des victimes ainsi qu’à la nation ivoirienne toute entière. Pour le SYNARES, les assassinats de Mars Alain DÉAGOUÉ et Khalifa DIOMANDÉ s’inscrivent dans une longue tradition de violences qui accompagne la vie associative voire syndicale en milieu scolaire et universitaire ivoirien. Aux crimes crapuleux, s’ajoutent des actes de tortures et des violences de tous genres, perpétrés par les associations étudiantes sans que les pouvoirs publics n’aient pu, jusqu’ici, y mettre un terme. Ceci interpelle le SYNARES.

Le SYNARES salue l’ouverture des enquêtes par l’institution judiciaire conformément à l’Etat de droit et à la protection du citoyen et de l’interpellation des suspects dans l’affaire des assassinats de Mars Alain DEAGOUE et de Khalifa DIOMANDÉ. L’instruction ainsi ouverte doit permettre de faire la lumière sur les profondes implications de la crise actuelle afin que l’espace universitaire soit définitivement pacifié.

Sur le déguerpissement des occupants dits irréguliers des résidences universitaires, le SYNARES s’étonne de l’existence de cette catégorie de locataires des cités « U », surtout de l’insécurité que leur « irrégularité » pourrait faire peser sur les étudiants « réguliers », alors même qu’il existe une administration publique dont la mission dévolue est d’assurer régulièrement et équitablement la gestion des cités universitaires.

Mais, bien plus profondément, le SYNARES fait observer que le problème de la surpopulation estudiantine sur les campus et dans les résidences universitaires n’a pas été résolu par les délogements de ces jeunes ivoiriens, vidés manu militari des chambres, sans que d’autres points de chute ne leur aient été proposés. Ces déguerpissements, fort intentionnellement médiatisés, posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Le SYNARES est donc fondé à émettre un doute sur ces mesures d’expulsion qui resteront inefficaces tant que la responsabilité, pleine et entière, des autorités des CROU restera totalement dégagée.

Les sanctions généralisées à toutes les associations d’étudiants, sachant qu’en matière pénale la responsabilité est individuelle et, alors même que les enquêtes ne font que commencer, ne manquent pas de susciter  des incompréhensions. Pour rappel et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le SYNARES fait observer que suite à la mort de Thierry Zébié, le gouvernement d’alors dirigé par le Premier ministre Alassane Ouattara, avait prononcé le 20 juin 1991,  la dissolution de la FESCI dont la suite est connue de tous.

III. Recommandations

En tout état de cause, le SYNARES demande le respect des droits des prévenus, réputés innocents jusqu’à la clôture d’un procès éventuel. Le SYNARES demande que force reste à la loi pour que la vérité éclate au bénéfice des droits du citoyen, de la paix sociale et du rayonnement de l’enseignement supérieur ; Le SYNARES demande à l’Etat d’inclure dans les responsabilités, celle des dirigeants des CROU.

Enfin, il ne saurait échapper ni au gouvernement, ni aux enseignants chercheurs et chercheurs, ni aux étudiants eux-mêmes, ni à l’ensemble des forces vives de la nation, que la pression démographique estudiantine, l’opacité dans la gestion des ressources des cités universitaires, l’insuffisance des moyens, la précarisation des personnels et de la communauté universitaire, font le lit des violences sur nos campus, lesquelles constituent des entraves à la performance des universités ivoiriennes, invisibles dans les classements tant africains qu’européens, des meilleures universités. Fort de cela, le SYNARES appelle à une large concertation nationale sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique.

Pour le BEN SYNARES

 Le Secrétaire Général

 Prof WILLY TAUNIN GOOREBI

 Légende photo

Le SG du SYNARES, le professeur Willy Taunin Gooré Bi  

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