Tension autour d’une inhumation à Adjamé-Bingerville : 1 mort et plusieurs blessés

Dame Danho Yvette est décédée, le jeudi 31 mars 2022, dans le village d’Adjamé-Bingerville, dans la commune de Bingerville, à l’Est d’Abidjan, suite à des affrontements entre les forces de sécurité et les populations. Il y a eu, en outre, plusieurs blessés.   Les affrontements ont pour origine, un contentieux entre la chefferie dirigée par Mobio Abossou et la chefferie dirigée par Awaka Germain qui détient un arrêté préfectoral. C’est ce bicéphalisme qui est à l’origine du problème posé l’inhumation de dame Anouma Anouma Yvonne, génitrice du colonel Bénié Agbo Gérard natif dudit village, le vendredi 1er avril 2022.

Des pierres et de bois jonchent les rues. Le village est pratiquement désert, des maisons et des commerces fermés, par endroits. Des groupuscules de jeunes et adultes devisent, certainement sur ce qui vient de se passer, ce jeudi dernier après-midi. Des cargos de la gendarmerie, et de la police sont stationnés dans les lieux stratégiques du village. On remarque des hommes en tenue positionnés, arme au point. Que s’est-il vraiment passé dans le village d’Adjamé Bingerville, le jeudi dernier?

« Hier (NDLR: jeudi dernier),le village a connu une situation sans précédent depuis qu’on est ici. Des gendarmes avec un détachement de 12 cargos ont mené la vie dure à la population en usant partout de gaz lacrymogène. Même dans les domiciles« , racontent des jeunes dans les environs de l’église méthodiste du village. Cet affrontement a occasionné le décès de Dame Danho Yvette qui n’a pas pu supporter le gaz lacrymogène déversé sur le village. Selon les informations recueillies dans le village c’est Bouedjé Abé Albert, un cousin germain du colonel Bénié Agbo Gérard qui ensemble ont fait appel aux forces de l’ordre, à travers une décision de justice, pour l’enterrement de Dame Danho Yvette au cimetière du village.

En effet selon les villageois, c’est le jeudi 31 mars 2022, aux environs de 16 heures qu’un détachement de gendarmes et militaires lourdement armés ont pris d’assaut le village d’Adjamé-Bingerville afin de sécuriser la construction de la tombe de dame Anouma Anouma Yvonne. « Au mépris des lois traditionnelles en vigueur en pareille situation. Toute chose qui a suscité la colère de populations« , confie un adulte qui a requis l’anonymat. Les affrontements ont fait, selon les témoignages, 1 mort, celle de Dame Danho Yvette et plusieurs blessés.

Pour revenir aux motifs de l’affrontement, il nous a été rapporté qu’il est de coutume chez les Atchan qu’en cas de décès, le jour où l’inhumation de la dépouille va avoir lieu, sur la place publique, le contentieux lié au défunt doit être vidé. C’est à cette occasion qu’il peut avoir une amende qui peut être négociée par les parents du défunt. Cette étape des obsèques est aussi l’occasion pour les villageois de faire payer des amendes à des personnes qui ont enfreint aux lois du village. Ces amendes sont parfois négociables voire réduites. C’est ainsi qu’à l’occasion des obsèques de dame Anouma Anouma  Yvonne, les gardiens de la tradition ont exigé, comme préalable, la présence de l’ancien Chef Agbo Honoré sur la place publique afin qu’il puisse répondre des actes qui lui sont reprochés, lors de son règne. Alors que des démarches sont en train d’être menées auprès des gardiens de la tradition pour trouver une solution au problème coutumier, selon les témoignages, les sieurs Bouedjé Abé Albert et Bénié Agbo Gérard saisissent le tribunal pour convoquer le Chef du village Mobio Aboussou Guy Georges, l’accusant d’avoir refusé le cimetière au corps. Il est ressorti de ce procès en référé, l’enterrement manu-militari de la dépouille de dame Anouma Anouma Yvonne au cimetière du village.

Il faut noter qu’il y a un bicéphalisme à la chefferie d’Adjamé Bingerville dont le noeud  n’est pas encore dénoué qui oppose les membres de la génération Tchagba au pouvoir. Il s’agit de la tendance  Mobio  Aboussou soutenu par la tradition et par ricochet la grande majorité des villageois et la tendance Awaka Germain détenteur d’un arrêté préfectoral. C’est dans ces conditions que Bénié Agbo Gérard, rencontré dit avoir choisi le camp d’Awaka Germain en tant que corps habillé pour soutenir l’Etat. « Le camp Mobio Aboussou m’a demandé de rédiger un courrier dans lequel je dois affirmer mon appartenance au chef Mobio Aboussou que je considère comme dissident. J’ai répondu que je ne peux pas poser un tel acte autrement   dès le lendemain je serai remercié de mon poste (…). Des sages ont dit de faire profil bas, d’envoyer les gardiens de la tradition pour demander pardon puisque c’est ainsi ça se passe afin de réduire l’amende de 5 millions à payer pour permettre que ma maman soit enterrée dignement. Nous avons envoyé des gens auprès de la chefferie Mobio Aboussou à savoir des personnes respectables que sont un prédicateur de l’Eglise Harriste et un autre doyen. Quand ceux-ci sont allés les voir, ils leur ont dit qu’ils avaient une audience  au tribunal et donc il fallait attendre d’abord l’issue de ce procès avant de trancher pour mon cas. Mais malheureusement pour eux, le procès a été renvoyé au 8 avril 2022. Donc le problème n’est pas réglé. J’ai donc pris ma responsabilité militaire. Parce qu’à la fin il faut que je rende compte à ma hiérarchie et c’est ce que j’ai fait« ,a-t-il révélé.

La crise de succession Tchagba à la chefferie d’Adjamé-Bingerville depuis plus d’un an vient de faire sa première victime. Aussi, le jeudi dernier la résidence de l’ex-chef de la génération Dougbo, Agbo Honoré a-t-elle été incendiée. Il y a lieu de régler le contentieux avant que les préjudices ne soient plus graves.

 

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