Le plus grand scandale de corruption et de conflit d’intérêt qui a éclaboussé l’Allemagne et, par ricochet, l’Europe a été l’affaire Ursula et Heiko Von Der Leyen. D’autant que ce scandale de corruption a impliqué l’actuelle présidente de la Commission de l’Union européenne (UE) et son époux. En effet, en décembre 2020, Heiko von der Leyen, médecin allemand et mari de la présidente de la Commission européenne, est passé d’un poste de direction d’une clinique à Hanovre (Allemagne) à celui de directeur médical de Orgenesis Inc., une biotech basée aux États-Unis.
Cette transition professionnelle s’est produite à un mois d’une négociation extrêmement personnelle, à coups de textos, depuis effacés, entre Ursula von der Leyen et Albert Bourla, directeur général de Pfizer. Négociation qui aurait duré d’août à novembre 2020, selon les révélations du New York Times. Une fois le contrat pharaonique conclu entre la Commission et Pfizer/BioNtech, Heiko traversait l’Atlantique pour intégrer la biotech new-yorkaise, un obscur laboratoire créé en 2008, officiellement spécialisé dans les thérapies géniques, tout comme Pfizer.
Le 3 mai 2022, Orgenesis Inc. remportait au travers de sa filiale hollandaise, Mida Biotech B.V., une subvention de quatre millions d’euros dans le cadre du programme « European Innovation Council Pathfinder Challenge Program », placé sous le contrôle de la Commission européenne. Le crédit accordé à la filiale d’Orgenesis correspond à un projet de recherche sur l’induction à la production de cellules autologues en association avec l’intelligence artificielle. Dans le projet, sont impliquées une biotech anglaise, DeepMed IO Ltd. et l’Université de Leiden (Pays-Bas).
Quatre millions d’euros, en relation avec les sommes d’argent générés par les accords d’Ursula et les grands laboratoires, ça peut paraître très peu, mais reste qu’il est surprenant que ce soit justement une filiale européenne de la société dont Heiko est le directeur médical, qui décroche la subvention. Mécanisme de “retour« dans le cadre d’un schéma de corruption, ou simple conflit d’intérêt ? La question se pose d’autant plus, que ce n’est pas la première subvention échue à une filiale d’Orgenesis. Une autre affaire porte, non plus sur quatre millions, mais 320 millions d’euros. L’affaire Orgenesis s.r.l (Udine, Italie) a été dévoilée par le journaliste Mario Giordano, dans son programme « Fuori dal Coro » (groupe Mediaset).
Face au scandale national, le 27 octobre 2022, Heiko quitte ses fonctions du comité de surveillance de la structure italienne, mais conserve son titre de directeur au sein de la maison mère aux États-Unis. Les fonds reçus ne sont pas remis en cause. Cette affaire en Italie ravive le scandale jamais dissipé des textos entre Albert Bourla, le PDG de Pfizer, et Ursula von der Leyen. Elle remet en question l’opération d’achat collectif et coercitif de vaccins par la Commission, et sème le doute sur l’usage discrétionnaire des fonds dans le cadre du programme « Next Generation ».
Autre scandale et non des moindres, celui dans lequel a été nommément cité le chancelier allemand Olaf Scholz. Une saisie opérée en 2022 sur le coffre d’un proche d’Olaf Scholz relance l’enquête sur une possible intervention politique en faveur de la banque Warburg. Le chancelier allemand a été entendu devant la commission d’enquête du Land de Hambourg. Alors qu’Olaf Scholz lançait sa campagne électorale sur une place au cœur de Berlin, à l’arrière-plan, on aperçoit un ancien palais prussien qui abrite des bureaux berlinois d’une grande banque de Hambourg, la M. M. Warburg & Co. Un été plus tard, « l’affaire Warburg a le potentiel pour faire chuter le chancelier », affirme l’ancien député Fabio De Masi (Die Linke, extrême gauche).
Originaire de Hambourg comme le chancelier, il est persuadé depuis des années qu’Olaf Scholz est impliqué, au moins indirectement, dans des manœuvres politico-financières qui ont permis à la banque de se sortir sans grands dommages du scandale mondial d’optimisation fiscale « CumEx ». L’ex-élu avait porté l’affaire devant le Bundestag tandis que, dans la ville-Etat de Hambourg au printemps 2021, une commission d’enquête avait entendu l’ancien maire, devenu ministre fédéral des finances et candidat à la chancellerie.
La ligne de défense d’Olaf Scholz est mince : il a d’abord nié avoir rencontré les dirigeants de la banque Warburg. Puis il a affirmé ne plus se souvenir de leurs échanges. Cette loufoque stratégie d’évitement qui a fonctionné pendant la campagne n’a pas pourtant levé tout soupçon sur le chancelier allemand dans cette affaire. Le chancelier allemand a-t-il été trop proche des dirigeants de la Warburg ? Alors qu’il était maire de Hambourg (de 2011 à 2018), les services financiers de la ville se sont montrés peu pointilleux quand, dès 2011, il a fallu réclamer à la banque les sommes escamotées au fisc dans le cadre des opérations « CumEx ». Cette affaire de corruption démontre que les scandales se suivent et éclaboussent les personnalités en Allemagne.
On se souvient qu’en 2018, un scandale de corruption a vu le jour en Allemagne. En effet, Alice Weidel, l’une des chefs de file le plus en vue du parti politique allemand AFD, est soupçonnée d’avoir orchestré une affaire de financement illicite. À deux reprises, en 2016 et en 2017, deux grosses sommes auraient été virées sur le compte du parti dans la circonscription d’Alice Weidel, au Bodensee, dans le sud de l’Allemagne. Or il semble que ces deux donations contreviennent à la loi sur le financement des partis politiques. La première, dont le montant serait de 130 000 euros, aurait été versée par une entreprise basée en Suisse. Or, selon la loi allemande, les partis n’ont pas le droit d’accepter les donations provenant d’un pays extérieur à l’Union européenne. La seconde, d’un montant de 150 000 euros, aurait été versée par une obscure fondation basée aux Pays-Bas. Alice Weidel s’est contentée de réfuter toutes les accusations et de rejeter la faute sur la presse, qui colporte, selon elle, de fausses informations. Une enquête a été ouverte et le scandale a été confirmé. Mettant ainsi l’Allemagne dans une posture de pays dont de nombreux acteurs politiques sont corrompus. Comme quoi, la corruption touche tous les pays, développés et moins développés, sans distinction.
Une contribution de
Seydou Bangoura
Observateur politique malien
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