Artiste-peintre né le 3 novembre 1945 à Bingerville, en Côte d’Ivoire, Jacques Samir Stenka est décédé ce dimanche 24 novembre 2024 dans un hôpital d’Abidjan. Avec son rappel à Dieu, les arts plastiques en Côte d’Ivoire perdent un de leurs monstres sacrés. Une semaine après la mort de l’artiste-peintre Monné et six jours après l’artiste-plasticien Djiré Mahé.
L’artiste-peintre Jacques Samir Stenka personnifiait le don de soi à sa pratique artistique. Durant l’enfance, il passe par l’orphelinat de Bingerville, expérience qui marquera profondément le début de son expression à travers les arts. Plus tard, il obtient le diplôme supérieur des arts plastiques à l’École des Beaux-Arts de Paris. Pendant ce passage en France, il travaillera dans l’atelier du Maître Yankel, un professeur pour lequel il garde une grande reconnaissance. Toutefois, ce passage par l’école occidentale ne réussira pas à formater sa pensée et son travail de peintre. Ses œuvres demeurent profondément africaines, ancrées dans une symbolique qu’il rattache à la mystique akié (attié), et encore plus loin dans le temps à la mystique égyptienne ancienne. De nombreuses œuvres ont été réalisées autour de sa pratique et de son propos artistique.
Au cours de sa pratique, Stenka a connu trois périodes marquantes en matière de traitement du sujet. Pour citer ses propres mots dits dans les années 90 : « Ma carrière connaît jusqu’à ce jour trois périodes : D’abord de 1983 à 1984, la période insecte. Graphiste scientifique en biologie, j’ai été influencé par la forme des insectes. Puis, de 1984 à 1990, ma manière de peindre a évolué, passant des insectes aux hommes-insectes. Le caractère étrange de ces hommes donnait l’impression que j’avais affaire à des visiteurs étrangers à notre monde. Enfin, de 1990 à 1994, quittant le monde des hommes-insectes, j’ai retrouvé le monde des hommes à proprement dit. Et, en m’appuyant sur mon subconscient, je me suis retrouvé au cœur du monde akan. Mon travail actuel s’articule autour de cette idée et de la préoccupation que j’ai de retrouver cette grande civilisation disparue. Mes œuvres sont les jalons de cette quête initiatique autour de vestiges destinés à reconstituer le passé de mes ancêtres ».
Son travail était centré sur l’évolution du prototype humain, tant dans la forme biologique qu’historique. Ainsi, dès les premières heures de sa carrière, il est surnommé » le peintre des civilisations anciennes ». Aujourd’hui, son processus de création peut être qualifié d’initiatique dû au travail avec l’eau dans la préparation des fonds de toiles, qui fait parallèle avec les libations représentatives de nos traditions africaines ancestrales. Il a travaillé à partir de bâtons de craie, de pigments naturels comme les oxydes ocre et rouge, mais aussi à partir de colle d’hévéa. À l’image des sujets qu’il abordait, les œuvres qu’il produisait traversent le temps et l’espace et dénotent d’une qualité de conservation déroutante.
L’âge et la maladie ayant fait leur effet, Jacques Samir Stenka a longtemps été en fauteuil roulant. Il a été rappelé officiellement à Dieu à l’âge de 79 ans. Mais il se raconte que l’artiste-peintre avait, dans les faits, environ 85 ans. Son décès marque la fin d’une carrière prolifique et d’une vie dédiée exclusivement à l’art.
Marcellin Boguy
Légende photo : L’artiste-peintre Jacques Samir Stenka, il y a quelques années.
Leave a Reply