Christian Bohouman, directeur de l’Informatique, de la Digitalisation et du Développement des Start-ups : « L’internet constitue un véritable levier de croissance du secteur du tourisme »

Christian Bohouman, directeur de l’Informatique, de la Digitalisation et du Développement des Start-ups au ministère du Tourisme, révèle, dans cette interview, toute la place accordée au numérique dans l’accès à l’information sur la stratégie nationale du développement touristique « Sublime Côte d’Ivoire ». Pour lui, le numérique constitue un véritable levier de croissance du secteur du tourisme. Par ailleurs, il apprend que la Côte d’Ivoire, pour être compétitive dans le concert des nations touristiques, a amorcé son processus de transformation digitale.

 

 

 

Quelle est la place que vous accordez au numérique dans l’accès à l’information concernant la stratégie nationale de développement touristique « Sublime Côte d’Ivoire » ?

 

Il faut dire déjà que le numérique lui-même est placé au cœur de la stratégie Sublime Côte d’Ivoire en ce qu’il constitue un véritable levier de croissance du secteur du tourisme. Et cela, la Côte d’Ivoire ne l’invente pas. Parce que les plus grandes nations aujourd’hui du tourisme dans le monde sont passées également par cette mutation de leur écosystème. Elles sont toutes passées d’un écosystème classique à un écosystème essentiellement numérique. On a vu l’émergence de grosses entreprises du digital dans le secteur du tourisme du style Booking.com, Trip Advisor qui ont complètement changé la manière dont était fait le tourisme. L’industrie touristique est l’une des industries ayant été la plus impactée par la révolution du numérique. L’innovation technologique se trouve aujourd’hui au cœur du secteur du tourisme mondial. Pour une nation qui a pour ambition de voir son secteur du tourisme progresser, cette mutation de son écosystème est nécessaire. C’est d’ailleurs aujourd’hui un critère majeur de compétitivité. Vous imaginez des touristes qui veulent pouvoir avoir ne serait-ce le b.a.ba de l’information sur une destination. Etant à distance, si c’est beaucoup plus simple pour eux de l’obtenir sur une destination que sur une autre, ils vont vraisemblablement se tourner vers cette autre destination-là.

Pour être donc compétitive dans le concert des nations touristiques, la Côte d’Ivoire a également amorcé son processus de transformation digitale. Le ministère du Tourisme sous le leadership de Monsieur le Ministre Siandou Fofana a obtenu la création d’une direction centrale consacrée justement à réfléchir, à travailler à cette transformation structurelle de son écosystème. C’est cette direction que j’ai l’honneur de diriger : la direction de l’Informatique, de la Digitalisation et du Développement des Start-ups.

 

 

Quelle est la stratégie mise en place par votre ministère pour interagir avec le public à travers le numérique et vendre ainsi la destination Côte d’Ivoire ?

 

Pour évoquer les projets qui sont en cours, il vous faut savoir que lorsque ce cap de transformation digitale a été amorcé, il a fallu travailler quelque peu sur un schéma de transformation digitale du secteur du tourisme qui repose sur 3 piliers essentiels. Le premier pilier, c’est l’accès à l’information, c’est-à-dire la constitution d’une base de données d’informations touristiques. Cette base de données-là que nous avons créée et que nous appelons le Système d’informations touristiques digitalisées (SITD), qui fera d’ailleurs l’objet d’un lancement le 9 octobre prochain à l’hôtel Tiama, constitue le socle de ce processus de digitalisation en ceci qu’il permet de pouvoir avoir l’ensemble des informations sur les opérateurs et sur l’offre touristique. Il permet de mieux connaître notre secteur, de mieux pouvoir le dimensionner, de mieux pouvoir le mesurer, comprendre ses besoins; faire de la prospective pour voir vers quoi est-ce que ce secteur-là part. Donc c’est vraiment le cœur. Parce que qui dit digitalisation, qui dit transformation numérique parle d’abord de données. Parce que ce sont des données qui sont numérisées et qui circulent pour pouvoir créer justement cette dynamique-là apportée par la digitalisation. Donc justement ce schéma critique a pour socle notre base de données d’informations touristiques : le SITD; le Système d’Informations Touristiques digitalisées à partir duquel découlent les autres projets structurants de transformation digitale. Notamment la mise en place d’une plateforme de e-administration pour pouvoir gérer les interactions entre l’Etat, donc le ministère du Tourisme, et les opérateurs du secteur du tourisme. Et ainsi dématérialiser l’ensemble des procédures et des processus qui lient ces interactions entre l’Etat et ces opérateurs.

Le deuxième axe duquel découle la constitution de ce système d’informations touristiques et qui a un relent davantage on va dire commercial, c’est le e-tourisme. Le e-tourisme est d’abord une activité essentiellement privée. D’ailleurs, l’Etat encourage énormément les opérateurs privés à se positionner sur ce secteur-là pour pouvoir faire une concurrence saine à des entreprises comme Booking.com qui viennent vendre finalement le potentiel touristique, sinon l’offre touristique locale. Donc il y a vraiment un réel besoin qu’il y ait des offres compétitives nationales également qui connaissent mieux cette offre-là, qui peuvent mieux la vendre, surtout dans des conditions qui arrangent l’ensemble de l’écosystème. Ce volet de e-tourisme, qui est d’abord essentiellement privé, mais qui reste assez embryonnaire dans notre pays, est accompagné également par l’Etat au travers de projets structurants, visant, à côté du privé, à pouvoir également contribuer à dématérialiser l’offre touristique et la rendre visible à/par ses usagers et ainsi permettre de pouvoir faire demain des réservations, de faire des réservations de produits et services touristiques, avoir accès à des marketplaces pour pouvoir avoir accès justement à ces produits et services touristiques, faire des achats directement en ligne. Donc dématérialiser l’offre touristique et permettre des transactions sur cette offre touristique. Parmi ses projets structurants de e-tourisme figure en bonne part, le projet dénommé « Pass touristique ».

La mise en œuvre justement de ce plan de transformation digitale au travers de ces projets structurants contribuera à apporter une meilleure visibilité à la destination Côte d’Ivoire et à son offre touristique. Parce que, vous savez, un pays de tourisme est un pays qui sait mettre en lumière son offre touristique et qui sait la marketer, qui sait la vendre. C’est une étape essentielle pour pouvoir décupler même les efforts qui sont faits aujourd’hui dans le marketing de la destination Côte d’Ivoire.

 

 

Dans sa stratégie de promotion du tourisme ivoirien, le ministère du Tourisme s’est doté, vous le disiez à l’instant, d’un produit numérique, en l’occurrence le Pass touristique. Comment fonctionne-t-il ? Quelle est sa plus-value dans la promotion du tourisme local ?

 

Le Pass touristique, plateforme applicative d’ailleurs disponible sur les plateformes que nous connaissons tous : Appstore et Playstore, a été mis en place à l’initiative du Fonds de Développement touristique, mais exécuté, sinon mis en œuvre par un tryptique de sociétés partenaires : la société Ivoire Cartes Systèmes, Visa et Ecobank.

Le Pass touristique a pour but de mettre en lumière véritablement l’offre touristique et de faciliter l’accès à l’information et les transactions relatives à cette offre-là et surtout à des conditions plus abordables. L’objectif poursuivi, c’est de pouvoir accroître la consommation touristique, tout en en réduisant le coût pour les usagers finaux en comptant sur un effet boule de neige. En effet, plus les prix seront abordables, grâces aux réductions et gratuités offertes par les opérateurs touristiques affiliés au Pass touristique, plus la consommation sera plus importante. C’est un projet particulièrement ambitieux qui a un intérêt gagnant-gagnant pour l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème touristique.

 

 

Avec la fracture numérique, tout le territoire ivoirien n’est pas couverte par l’internet. Est-ce que ce fait n’est pas un réel frein à l’atteinte des objectifs de votre stratégie ?

 

Déjà en termes de couverture internet, la Côte d’Ivoire n’est pas la pire des loties. Parce que si vous regardez les chiffres donnés par l’ARTCI, on a une couverture du territoire en 2G d’à peu près 84,29% pour un opérateur comme Orange, de 84,17% en réseau 3G et même en 4G 79,96 %. Donc, en termes de couverture du territoire, on est quand même sur des proportions qui sont véritablement intéressantes. Mais, vous savez, la fracture numérique, sinon la non-couverture totale de l’internet n’est pas en soi un frein au développement du secteur du tourisme. Je m’explique. Ça peut être vu de plusieurs manières. Effectivement, vu sous le prisme de l’accès à l’information relative à l’offre touristique, on peut dire que oui, un taux de couverture faible pourrait constituer un frein. Mais, vous savez, de nouvelles tendances de tourisme sont apparues. Aujourd’hui, de nombreux touristes veulent vivre des expériences de dépaysement, loin de tout, loin notamment de la super numérisation, donc internet partout. Beaucoup de personnes veulent être complètement déconnectées. Beaucoup de personnes veulent se retrouver dans des endroits où même elles ne sont même pas joignables, pour pouvoir couper tout, pour pouvoir être coupées de tout, et se ressourcer. Donc vous avez un peu des sanctuaires anti numériques dans des grandes nations de tourisme qui sont d’ailleurs entretenus et valorisés de ce fait-là.

Aujourd’hui, l’Etat de Côte d’Ivoire a fait et continue de faire un gros effort pour le déploiement des infrastructures de télécommunications, ce qui permet ainsi un taux de couverture assez large. On ne peut pas considérer que la fracture numérique, sinon l’internet est un frein dans l’atteinte des objectifs de la croissance touristique dans notre pays. Mais, bien sûr, il faut toujours travailler à améliorer ces chiffres-là. Il faut surtout travailler à une meilleure alphabétisation numérique des populations pour qu’elles utilisent mieux l’internet et qu’elles puissent justement, dans le cadre de la numérisation, davantage avoir accès à ces services-là. Vous imaginez demain, si tous les opérateurs, même vous allez dans la plus petite ville de Côte d’Ivoire, l’endroit le plus reculé de la Côte d’Ivoire, vous pouvez avoir accès à des paiements numériques digitaux, le bonus que ça apportera à la destination. Vous savez, tous ces aspects-là sont véritablement importants et contribuent bien sûr à la croissance du secteur du tourisme. En cela, oui, c’est important de toujours avoir une couverture plus large et d’avoir une meilleure éducation numérique avec les populations.

 

Interview réalisés

 par Marcellin Boguy 

 

 

 

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